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06/12/2011 | FRANCE | N°09PA02945

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 06 décembre 2011, 09PA02945


Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2009, présentée pour M. Antonio A, demeurant ...), par la Selarl Horus ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603643/5-3 en date du 18 mars 2009, en ce que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à hauteur de 3 000 euros à sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 janvier 2006 par laquelle l'administrateur général de l'établissement du Musée du Louvre a rejeté sa réclamation préalable ainsi qu'à la condamnation de l'

établissement public à lui verser la somme de 21 688 euros, assortie des in...

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2009, présentée pour M. Antonio A, demeurant ...), par la Selarl Horus ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603643/5-3 en date du 18 mars 2009, en ce que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à hauteur de 3 000 euros à sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 janvier 2006 par laquelle l'administrateur général de l'établissement du Musée du Louvre a rejeté sa réclamation préalable ainsi qu'à la condamnation de l'établissement public à lui verser la somme de 21 688 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison des fautes commises à son encontre à la suite de sa suspension de fonction du 7 mai 1998 ;

2°) de condamner le Musée du Louvre à lui verser la somme de 15 995,83 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public à son profit la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du domaine de l'État ;

Vu le décret n° 92-1338 du 22 décembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,

- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,

- et les observations de Me Falala, pour l'établissement public du Musée du Louvre ;

Considérant que M. A, technicien des services culturels affecté à l'établissement public du Musée du Louvre, a exercé les fonctions de chef du service de la surveillance à compter du 8 juillet 1991, mission pour laquelle il a bénéficié d'un logement de fonction, par nécessité absolue de service ; qu'à la suite du vol d'une oeuvre d'art commis le 3 mai 1998, par une décision du 7 mai 1998, le président-directeur de l'établissement l'a déchargé de ses fonctions ; qu'il a été affecté sur un autre poste à compter du 1er décembre 1998 à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels en qualité de conseiller technique ; que, par une lettre en date du 13 avril 1999, le président-directeur de l'établissement public du Musée du Louvre lui fixait le lundi 31 mai 1999 pour quitter son logement ; qu'il n'a libéré ce logement que le 12 octobre 2000, à la suite de l'ordonnance du 28 juin 2000 par laquelle le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a prescrit son expulsion ; qu'une redevance d'occupation pour ce logement a été mise à sa charge pour la période du 8 mai 1998 au 12 octobre 2000 pour le montant de 35 376 euros ; que, par un arrêt en date du 6 mars 2008, la Cour de céans, a déchargé partiellement l'intéressé pour la période du 8 mai au 30 novembre 1998 au motif du caractère provisoire de la décision du 7 mai 1998, s'analysant comme une suspension temporaire de fonction, l'intéressé demeurant titulaire de son emploi et ayant vocation à exercer à nouveau les fonctions pour l'exercice desquelles il occupait ce logement ; que, par sa réclamation en date du 2 novembre 2005 adressée l'établissement public du Musée du Louvre, l'intéressé demandait à être indemnisé des conséquences dommageables des fautes qu'il estimait avoir été commises à la suite de la décision du 7 mai 1998, réclamation rejetée par l'administrateur général de cet établissement ; que M. A fait appel du jugement en date du 18 mars 2009, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'établissement public du Musée du Louvre à lui verser la somme de 3 000 euros, en réparation des préjudices subis ; que, par la voie de l'appel incident, l'établissement public du Musée du Louvre tend à être déchargé de la condamnation prononcée à son encontre ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que M. A soutient, à juste titre, que le premier juge n'a pas suffisamment motivé son jugement en se bornant à énoncer qu'il n'établissait pas que la décision de le suspendre provisoirement de ses fonctions serait entachée d'incompétence alors même qu'il faisait valoir que, étant sous l'autorité du ministre de la culture, seul le ministre avait compétence pour prendre une telle décision et non le président-directeur de l'établissement public du Musée du Louvre ; que, dès lors, M. A est fondé à en demander l'annulation ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la faute :

En ce qui concerne la légalité de la décision de suspension :

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision en date du 7 mai 1998 par laquelle le directeur de l'établissement public du Musée du Louvre a déchargé M. A de ses fonctions, que cette décision, édictant des mesures applicables jusqu'à nouvel ordre , présentait un caractère provisoire et ne pouvait s'analyser que comme une suspension temporaire de fonctions ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, cette mesure provisoire ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire alors, d'ailleurs, que l'intéressé reconnaît qu'elle a été décidée avec son accord, qu'il n'a pas été privé de son traitement et que sa nouvelle affectation ne lui est pas préjudiciable ; qu'il s'ensuit, d'une part, qu'une telle mesure, qui n'a qu'un caractère provisoire et ne touche que les fonctions que comporte l'emploi où l'intéressé est affecté, pouvait être prise par le directeur de l'établissement qui, en vertu de l'article 19 du décret susvisé du 22 décembre 1992 portant création de l'établissement public du Musée du Louvre, a autorité sur l'ensemble des personnels de l'établissement qu'il dirige ; que, d'autre part, elle n'avait pas à être précédée de l'avis du conseil de discipline ; qu'enfin, ainsi que le soutient à juste titre l'établissement public du Musée du Louvre sans être contredit par l'intéressé, cette décision était, en l'espèce, justifiée au fond dans les circonstances du vol susmentionné dont il aurait pu être tenu pour gravement responsable et, selon les propres écritures du requérant, a permis d'enrayer les débordements médiatiques provoqués par cet événement ; que, dès lors, la mesure contestée, qui n'est entachée d'aucune illégalité, ne saurait avoir engagé la responsabilité de l'établissement public à l'égard de l'intéressé ;

En ce qui concerne l'engagement verbal de maintien dans le logement de fonction :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la lettre en date du 24 mai 2005 du président-directeur honoraire de l'établissement public du Musée du Louvre, dirigeant l'établissement au moment des faits, corroborée par les autres pièces versées au dossier, que l'intéressé doit être regardé comme ayant été autorisé par accord verbal à conserver la jouissance du logement en cause jusqu'au mois d'avril 1999 ; que l'établissement public du Musée du Louvre ne conteste pas sérieusement l'existence même d'un tel accord en se bornant à relever que cette lettre ne fait mention que d'un accord de quelques mois devant courir, selon l'établissement, à compter du 7 mai 1998, alors qu'il n'est pas même allégué que l'administration aurait demandé à l'intéressé de quitter les lieux avant la lettre susmentionnée en date du 13 avril 1999 émanant du même président-directeur de l'établissement public du Musée du Louvre et qu'il résulte de l'instruction et notamment de cette dernière lettre que l'administration jusqu'à cette date s'est efforcée de rechercher pour l'intéressé le bénéfice d'un logement pour utilité ou pour nécessité absolue de service ; que, dès lors, si une telle autorisation verbale était illégale, l'intéressé ne pouvant bénéficier d'un tel logement par nécessité de service dans sa nouvelle affectation à compter du 1er décembre 1998, une telle faute est susceptible dans les circonstances susmentionnées d'engager la responsabilité de l'établissement à son égard dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction ni que l'intéressé ait été informé que son maintien dans les lieux était illégal ni des conséquences pécuniaires d'un tel maintien sur la période du 1er décembre 1998 au 30 avril 1999 ;

Sur le préjudice :

Considérant que, si par l'arrêt susmentionné en date du 6 mars 2008, devenu définitif, la Cour de céans a déchargé l'intéressé de la redevance due au titre de l'occupation du logement en cause pour la période du 8 mai au 30 novembre 1998, ainsi qu'il a été dit, elle a rejeté le surplus des conclusions de l'intéressé, lequel est donc tenu de verser la redevance en cause pour la période postérieure et notamment pour la période litigieuse du 1er décembre 1998 au 30 avril 1999, redevance qui lui est réclamée par le receveur principal des domaines ; que l'intéressé est ainsi tenu de reverser au titre de la période litigieuse la somme de 6 469,18 euros, ainsi qu'il résulte de l'état liquidatif versé au dossier, soit une redevance mensuelle d'environ 1 300 euros ; que l'intéressé n'est pas contredit lorsqu'il affirme que, s'il avait eu connaissance du montant de la redevance qu'il est tenu de verser par la faute susmentionnée de l'administration, il aurait été contraint de trouver une autre solution de logement, son traitement mensuel à l'époque étant d'environ 2 200 euros ; que, dès lors, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment de sa bonne foi sur cette période et de l'importance de la redevance qui lui est réclamée, l'intéressé justifie d'un préjudice lui ayant causé un trouble dans ses conditions d'existence, dont il sera fait une juste appréciation en condamnant l'établissement public du Musée du Louvre à lui verser à ce titre la somme de 2 000 euros, tous intérêts compris à la date du présent arrêt ; qu'il ne justifie d'aucun autre préjudice en relation de causalité directe avec la faute susmentionnée ; qu'en particulier, l'intéressé ne saurait justifier d'aucun trouble dans ses conditions d'existence en raison de la redevance qu'il est tenu de verser pour le surplus sur la période postérieure jusqu'au 12 octobre 2000 en se bornant à faire état de l'importance des sommes en jeu et de la circonstance que la redevance ne lui a été réclamée que le 23 septembre 2002, dès lors qu'il était informé de l'illégalité de son maintien dans les lieux dès le mois d'avril 1999 et qu'il s'y est maintenu illégalement jusqu'en octobre 2000 sans même se renseigner sur les conséquences pécuniaires de son propre comportement fautif ; qu'il ne saurait pas davantage justifier d'un préjudice moral en se bornant à faire état d'une prétendue atteinte à son image comme conséquence de la décision portant suspension de ses fonctions, cette décision n'étant entachée d'aucune illégalité, ainsi qu'il a été dit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation due à M. A par l'établissement public du Musée du Louvre à titre de dommages-intérêts en fixant le montant à 2 000 euros, tous intérêts compris à la date du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, compte tenu des succombances respectives des parties, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 18 mars 2009 est annulé.

Article 2 : L'établissement public du Musée du Louvre est condamné à verser à M. A la somme de 2 000 euros, à titre de dommages-intérêts, tous intérêts compris à la date du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et des conclusions des parties devant la Cour est rejeté.

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N° 09PA02945


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA02945
Date de la décision : 06/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme DESCOURS GATIN
Avocat(s) : BINETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-06;09pa02945 ?
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