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24/11/2011 | FRANCE | N°11PA00261

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 24 novembre 2011, 11PA00261


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 janvier et 21 février 2011, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007389/5-1 en date du 9 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté en date du 19 mars 2010 refusant le renouvellement du titre de séjour de M. Mohamed A et faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressé dans le délai de

trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la de...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 janvier et 21 février 2011, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007389/5-1 en date du 9 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté en date du 19 mars 2010 refusant le renouvellement du titre de séjour de M. Mohamed A et faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressé dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant malien, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 19 mars 2010, le PREFET DE POLICE a opposé un refus à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que sur requête de M. A, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions par jugement du 9 décembre 2010 dont le PREFET DE POLICE relève régulièrement appel ;

Sur les conclusions du PREFET DE POLICE :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ;

Considérant que pour annuler l'arrêté contesté les premiers juges ont estimé que le PREFET DE POLICE avait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a subi une amputation transfémorale en 1997 à la suite d'un accident de la voie publique dont il a été victime au Congo, et souffre d'une pathologie de l'épaule droite imputable à la marche avec des béquilles, pour laquelle il a subi en France une intervention chirurgicale en 2007, et de la même pathologie à l'épaule gauche ; qu'il souffre également de troubles orthopédiques, ophtalmologiques, et urologiques ; que toutefois, le médecin chef du service médical de la préfecture de police a estimé dans un avis du 18 janvier 2010 que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une gravité exceptionnelle et qu'il pouvait bénéficier d'une surveillance médicale appropriée dans son pays d'origine ; que le rapport médical établi par le docteur B le 10 décembre 2009 dans le cadre de la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A, transmis à la préfecture de police, fait état de ce que le traitement de l'intéressé se compose d'anti-inflammatoires non stéroïdiens, d'antalgiques, de relaxants musculaires, et de séances de rééducation en centre d'appareillage ; que les nombreux certificats médicaux produits par l'intéressé, tant antérieurs que postérieurs à l'arrêté contesté, sont insuffisamment circonstanciés sur la gravité des conséquences qu'auraient pour lui l'absence de prise en charge médicale de ses pathologies et l'absence de possibilité de la surveillance médicale appropriée au Mali et ne sauraient ainsi remettre en cause l'appréciation portée par le médecin chef du service médical de la préfecture de police ; qu'il ressort par ailleurs des documents produits par le PREFET DE POLICE que le Mali dispose de structures de rééducation, d'un centre d'appareillage et d'orthopédie, ainsi que de services de chirurgie et de traumatologie, d'urologie et d'ophtalmologie ; que M. A se borne à affirmer sans toutefois le démontrer qu'il ne pourrait pas avoir accès à ces soins dans son pays d'origine dès lors qu'il dispose de faibles ressources, et que le Mali ne dispose pas de régime de sécurité sociale ; que si les derniers certificats médicaux produits le 4 novembre 2011 font état de ce que M. A a présenté en mars 2011 un cancer de la prostate ayant conduit à une prostatectomie pratiquée le 14 septembre 2011, cette nouvelle pathologie diagnostiquée plus d'un an après l'arrêté préfectoral attaqué est sans influence sur sa légalité ; que dans ces conditions, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 mars 2010 refusant de renouveler le titre de séjour de l'intéressé et l'obligeant à quitter le territoire français au motif qu'il était contraire aux dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;

Sur la compétence de l'auteur des décisions contestées :

Considérant que les décisions contestées ont été signées par M. René C, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, qui bénéficiait pour ce faire, dans le cadre du service de permanences, d'une délégation de signature du PREFET DE POLICE en vertu d'un arrêté n° 2010-124 en date du 22 février 2010 régulièrement publié le 26 février 2010 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions ; qu'ainsi, le moyen tiré du vice d'incompétence doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'en visant la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 511-1 I, en mentionnant que le médecin chef du service médical de la préfecture de police a estimé dans son avis du 18 janvier 2010 que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut bénéficier d'une surveillance médicale appropriée dans son pays d'origine, en concluant qu'après un examen approfondi de sa situation M. A ne remplit plus les conditions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en indiquant que l'arrêté attaqué ne porte pas aux droits de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et, enfin, en précisant que M. A n'établit pas être exposé en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales, l'auteur de la décision attaquée a suffisamment exposé les faits et les considérations de droit sur lesquels il s'est fondé, et ce alors même que certaines de ses mentions sont rédigées à l'aide de formules stéréotypées ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a déjà été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de prise en charge de l'intéressé pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait bénéficier de la surveillance médicale nécessaire dans son pays d'origine ; qu'en outre M. A ne fait état d'aucune attache familiale en France où il n'a été admis depuis son arrivée en 2003 que pour recevoir des soins, alors que son épouse et ses quatre enfants résident dans son pays d'origine, où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 44 ans ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE ne peut être regardé comme ayant entaché la décision contestée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, en troisième lieu, que le préfet n'est tenu, en application de l'article

L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; que M. A n'établissant pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation est inopérant et doit être écarté ;

Considérant que, compte tenu des développements qui précèdent, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine ; que si M. A a présenté en mars 2011 un cancer de la prostate ayant conduit à une prostatectomie pratiquée le 14 septembre 2011, il ne ressort pas des certificats médicaux produits le 4 novembre 2011 que cette nouvelle pathologie, diagnostiquée plus d'un an après l'arrêté préfectoral attaqué, ferait l'objet d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit par suite être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation que le PREFET DE POLICE aurait commise dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressé, qui reprend ce qui a été développé à l'appui des conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux précédemment évoqués ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été exposé précédemment que M. A n'établit pas être dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ne saurait par suite tirer de sa pathologie un risque d'exposition quelconque à des traitements inhumains ou dégradants ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 19 mars 2010 rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A, faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français et fixant son pays de destination, et d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ; que le présent arrêt ne fait toutefois pas obstacle à ce que l'intéressé, s'il s'y croit fondé, saisisse à nouveau le PREFET DE POLICE compte tenu de la pathologie qui a été diagnostiquée en mars 2011 et pour laquelle il a subi une intervention en septembre 2011 ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 11PA00261 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00261
Date de la décision : 24/11/2011
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : FRESARD SEBTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-11-24;11pa00261 ?
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