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17/10/2011 | FRANCE | N°10PA03595

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 17 octobre 2011, 10PA03595


Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2010, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0918505/6-3 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé sa décision en date du 4 novembre 2009 refusant l'admission au séjour à M. Lionel A et lui faisant obligation de quitter le territoire français, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai de trois mois à compter de la notificat

ion du jugement, et a mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros ...

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2010, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0918505/6-3 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé sa décision en date du 4 novembre 2009 refusant l'admission au séjour à M. Lionel A et lui faisant obligation de quitter le territoire français, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et a mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le

26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Terrasse, rapporteur,

- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;

Considérant que M. A, entré en France pour y suivre des études en 2005, a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant jusqu'au 17 avril 2008 ; qu'il n'a pas donné suite à sa demande de renouvellement et a sollicité en août 2009 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 4 novembre 2009, le PREFET DE POLICE lui a opposé un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ledit arrêté au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur les conclusions d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A entré en France en 2005 en qualité d'étudiant n'établit pas vivre avec Mme B, de nationalité polonaise, avant 2008, le premier justificatif de vie commune, en l'occurrence une quittance EDF établi aux deux noms, étant daté de février 2008, alors que le bail du logement correspondant est au seul nom de Mme B ; qu'il apparait au contraire que l'intéressé continuait à verser la redevance de sa résidence universitaire à Cachan au moins jusqu'en juillet 2007 et qu'il a déclaré cette adresse lors de sa demande de titre de séjour formulée en août 2007, alors même qu'il déclare avoir vécu avec Mme B dans le logement universitaire de celle-ci à Antony à la même période ; qu'il n'apporte aucun élément de nature à établir sa participation à l'entretien et à l'éducation de leur enfant né le 25 août 2007, ni à celui de Mme B issu de son mariage avec M. Salim ; que s'il fait valoir que le refus de titre de séjour et la mise à exécution de la mesure d'éloignement qui en est la conséquence obligerait son enfant à être séparé de l'un ou de l'autre de ses parents, eu égard au caractère récent de la communauté de vie, au très jeune âge de l'enfant, au fait que sa compagne ne démontre pas avoir acquis un droit à séjourner en France, et qu'il n'est pas établi que la vie commune ne pourrait se poursuivre dans un pays autre que la France, l'arrêté attaqué n'est pas entaché de violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, annulé l'arrêté en cause ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

Considérant en premier lieu que l'arrêté est signé par Mme Sophie C qui dispose d'une délégation de signature en vertu de l'arrêté du 22 septembre 2009, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 25 septembre suivant, pour signer notamment les décisions de refus de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire ; que le moyen manque donc en fait ;

Considérant en second lieu que l'arrêté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, qu'il vise l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que si l'intéressé a déclaré vivre maritalement avec

Mme B, ressortissante polonaise, il n'a toutefois pas été en mesure d'attester de l'ancienneté de sa vie maritale avec celle-ci, que sa situation de père d'une enfant née le

25 août 2007 à Paris ne lui confère aucun droit au séjour au regard de la législation en vigueur, et qu'il n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie ; que l'arrêté est ainsi suffisamment motivé au sens de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il vit avec Mme B, ressortissante polonaise, depuis mars 2006, qu'une enfant est née de leur union le 25 août 2007, et que tous ses centres d'intérêts se situent sur le territoire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été dit, le requérant ne justifie de sa communauté de vie avec

Mme B qu'à partir de février 2008, que la naissance de leur enfant en France ne confère ni à l'un ni à l'autre un droit au séjour, que M. A ne fait état d'aucune circonstance qui mettrait son couple dans l'impossibilité de poursuivre la vie familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans ou celui de sa compagne ; que celle-ci ne démontre pas avoir un droit au séjour en France notamment du fait qu'elle y a jusque là séjourné en tant qu'étudiante ; qu'enfin l'intéressé ne démontre pas l'intensité de ses liens avec la France où il était entré pour y poursuivre des études ; que s'il invoque également une promesse d'embauche et sa participation dans une société, ces deux éléments sont postérieurs à la décision attaquée, et en tout état de cause insuffisants pour démontrer son intégration dans la société française ; que dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que par suite, le PREFET DE POLICE n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant en quatrième lieu que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué n'est entaché d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation du préfet en ce qui concerne les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant en cinquième lieu qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions imposant la saisine de la commission du titre de séjour ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2, de soumettre son cas à l'examen de cette commission avant de rejeter sa demande ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ; qu'aux termes de l'article 6 de la même convention : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) et qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ;

Considérant que si M. A soutient que les dispositions de l'article L. 511-1 du code précité sont discriminatoires et contraires aux stipulations des articles 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne peut utilement se prévaloir d'une délibération de la HALDE du

15 janvier 2008 pour soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en violation des stipulations précitées faute de comporter une motivation spécifique ; que par suite le moyen doit être écarté ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui reprennent ce qui a été développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, ainsi que celui tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 4 novembre 2009 refusant la délivrance d'un titre de séjour à

M. A et l'obligeant à quitter le territoire français et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement de l'article l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0918505/6-3 du 3 juin 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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N° 10PA03595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03595
Date de la décision : 17/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: Mme Marianne TERRASSE
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : KARL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-10-17;10pa03595 ?
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