Vu le recours, enregistré le 6 novembre 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0708147 du 7 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé, au bénéfice de la société Financière MN, venant aux droits et obligations des sociétés Etablissement Legros Burette, Laboratoires Henri Vial, UBK n° 1, UBK n° 2 et UBK n° 4, la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de la contribution de 10% sur ledit impôt et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2003 et 2004 résultant de la remise en cause de l'exonération prévue par l'article 145 du code général des impôts ;
2°) de remettre ces impositions et ces pénalités à la charge de la société Financière MN ;
............................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2011 :
- le rapport de M. Ladreit de Lacharrière,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
- et les observations de Me Troussier, pour la société Financière MN ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les titres de la société Financière MN, qui exerçait une activité de gestion et de secrétariat d'entreprises, ont été cédés, en 2003, à la société Seurlin Immobilier et que son objet social a alors été étendu à l'acquisition, la détention et la gestion de titres de valeurs mobilières de filiales ou de participations de sociétés, ainsi qu'à la gestion de son portefeuille titres ; que la société Financière MN a acquis les titres de différentes sociétés et dégagé des résultats bénéficiaires à la suite de la distribution des dividendes versés par ces sociétés au cours des exercices clos les 31 décembre 2003 et 2004 ; qu'au cours des années 2004 et 2005, la société Financière MN a absorbé les sociétés Entreprises Legros Burette, JCS Finance, Holding du Nouveau Jeu, PJM Participations, Fiducia, Dieppe Fruits, LPB Holding, UBK French Property Compagny n° 1, UBK French Property Compagny n° 2, UBK French Property Compagny n° 3, UBK French Property Compagny n° 4 et Laboratoires Henri Vial ; qu'avant leur absorption par la société Financière MN, ces dernières sociétés avaient elles-mêmes acquis les titres de différentes sociétés dont elles ont perçu des dividendes ; que l'ensemble des dividendes versés a bénéficié du régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts ; que toutes les sociétés bénéficiaires de dividendes ont également déduit, à la suite des distributions, pour la détermination de leur résultat imposable, une provision pour dépréciation des titres acquis et ont ainsi dégagé des résultats nuls ou déficitaires ; que l'administration a estimé que la combinaison de ces éléments constituait un montage fiscal constitutif d'abus de droit au sens des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, et a, en conséquence, remis en cause la déduction des dividendes opérée sur le fondement des articles 145 et 216 du code général des impôts ; que par jugement du 7 juillet 2009, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Financière MN, venant aux droits des sociétés Entreprises Legros Burette, JCS Finance, Holding du Nouveau Jeu, PJM Participations, Fiducia, Dieppe Fruits, LPB Holding, UBK French Property Compagny n° 1, UBK French Property Compagny n° 2, UBK French Property Compagny n° 3, UBK French Property Compagny n° 4 et Laboratoires Henri Vial, des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % sur ledit impôt, et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 juillet 2003 et 2004, en conséquence de ces redressements ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une omission à statuer et d'un défaut de motivation, en ne répondant pas au moyen tiré de ce que les opérations en cause revêtaient un but exclusivement fiscal ; que cependant, ce moyen, présenté en défense, a été analysé et écarté expressément par le tribunal au motif que l'administration n'apportait pas la preuve que l'acquisition des titres litigieux et la perception en conséquence de dividendes exonérés en application du régime fiscal des dividendes mères filiales , ont constitué un montage purement artificiel contraire aux objectifs poursuivis par les articles 145 et 216 du code général des impôts ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait rendu un jugement irrégulier doit, en tout état de cause, être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts dans sa rédaction applicable : 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation. Si, à la date mentionnée au premier alinéa, la participation dans le capital de la société émettrice est réduite à moins de 5 % du fait de l'exercice d'options de souscription d'actions dans les conditions prévues à l'article L. 225-183 du code de commerce, le régime des sociétés mères lui reste applicable si ce pourcentage est à nouveau atteint à la suite de la première augmentation de capital suivant cette date et au plus tard dans un délai de trois ans ; c. Les titres de participations doivent avoir été souscrits à l'émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans ; qu'aux termes du I de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges.(...) ; qu'aux termes de l'article 219 I a ter, alinéa 3 du code général des impôts : Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même des actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice ainsi que des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères ou, lorsque leur prix de revient est au moins égal à 22 800 000 euros, qui remplissent les conditions ouvrant droit à ce régime autres que la détention de 5 % au moins du capital de la société émettrice, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable ; qu'il résulte de ces dispositions que si pour l'application des dispositions de l'article 219 I a ter relatif à l'application du régime des plus-values et moins-values à long terme, les titres de participation sont ceux qui revêtent ce caractère sur le plan comptable, en revanche, la détention de titres pour l'application du régime des sociétés mères n'est pas subordonnée à cette condition ; qu'il s'ensuit que le moyen du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ne répondrait pas à la définition comptable des titres de participation doit, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... b) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;
Considérant que, d'une part, la société Financière MN, ainsi que, avant leur absorption par celle-ci, les sociétés Entreprises Legros Burette, JCS Finance, Holding du Nouveau Jeu, PJM Participations, Fiducia, Dieppe Fruits, LPB Holding, UBK French Property Compagny n° 1, UBK French Property Compagny n° 2, UBK French Property Compagny n° 3, UBK French Property Compagny n° 4 et Laboratoires Henri Vial, existaient antérieurement à l'opération de distribution des dividendes et à la constitution de la provision susmentionnée, sans que le bénéfice de l'avantage fiscal ait été permis par l'interposition d'une société spécialement créée à cet effet ; que la société Esol, venant aux droits de la société Financière MN, fait valoir en défense, sans être contredite, que l'achat des titres des sociétés répondait également à une motivation économique dès lors qu'il lui a permis d'améliorer sa trésorerie ; que dans ces conditions, l'administration n'établit pas que la société Financière MN aurait procédé à un montage purement artificiel ; que, d'autre part, dans les circonstances dans lesquelles elle a été réalisée, l'exonération des dividendes n'a pas méconnu les objectifs des auteurs de l'article 216 du code général des impôts, issu de la codification de l'article 2-I du décret n° 52-804 du 30 juin 1952 pris en application de l'article 45 de la loi n° 52-401 du
14 avril 1952, dès lors qu'il est constant que les sociétés qui lui ont versé, ainsi qu'aux sociétés qu'elle a absorbé, les dividendes, ont été imposées à raison des bénéfices qui ont donné lieu à ces distributions et que l'absence d'option pour le régime des sociétés mères aurait conduit à une seconde imposition des sommes distribuées ; que, dans ces conditions, l'administration, qui n'a remis en cause ni l'inscription des titres acquis à un compte réservé aux valeurs mobilières de placement ni la constitution de provisions par les sociétés bénéficiaires des dividendes à raison de la dépréciation des titres des sociétés versantes, n'est pas fondée à soutenir que les opérations en cause seraient constitutives d'un abus de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande en décharge de la société Financière MN ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Esol et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.
Article 2 :L'Etat versera à la société Esol une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
''
''
''
''
2
N° 09PA06362