Vu l'arrêt avant dire droit en date du 12 novembre 2009, par lequel la Cour de céans a annulé le jugement n° 0305639/6-1 du Tribunal administratif de Paris du 30 mai 2008, et prescrit une expertise avant de statuer sur les conclusions de la requête présentée pour M. Léo Gerville A, demeurant ..., par Me Saget-Jolivière ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 2011 :
- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Welsch, pour l'ONIAM et celles de Me Lerioux, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Considérant que par arrêt avant dire droit en date du 12 novembre 2009, la Cour de céans a annulé le jugement de première instance et a prescrit une expertise confiée au docteur ; que M. A, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe demandent à être indemnisés en conséquence des fautes commises par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dans la prise en charge de Mme C à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière les 24 et 25 août 2002 ;
Sur les conclusions indemnitaires présentées par M. A :
Sur les fins de non recevoir opposées par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique : Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25% déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) ; qu'aux termes de l'article L. 1142-17 du même code : Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans le délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. Cette offre indique l'évaluation retenue, le cas échéant à titre provisionnel, pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime, ou à ses ayants droit (...). L'offre a un caractère provisionnel si l'office n'a pas été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'office a été informé de cette consolidation. (...) L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. (...) ; que selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ; qu'en vertu de l'article 2049 de ce code, les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris ;
Considérant que s'il est constant que M. A a renvoyé à l'ONIAM un document intitulé protocole d'indemnité transactionnelle provisionnelle , qu'il a signé le 19 mai 2006, relatif à l'indemnisation du préjudice moral subi en raison du décès de son épouse à titre de provision , il résulte de l'instruction que l'intéressé n'a jamais entendu renoncer à solliciter la réparation intégrale desdits préjudices, en vue de laquelle il avait saisi le Tribunal administratif de Paris ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux termes dans lesquels le document que l'ONIAM a soumis à la signature de M. A était rédigé, le litige en tant qu'il concerne le surplus des indemnités au titre de ces chefs de préjudice ne peut être regardé comme ayant été intégralement réglé par ledit protocole ; que par conséquent, ce dernier n'empêchait pas M. A d'en saisir le juge et ne rendait pas sans objet ses conclusions ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée à ce titre par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sera écartée ;
Considérant, en second lieu, que les demandes présentées par M. A en son nom personnel, tendant à l'indemnisation du préjudice moral permanent exceptionnel résultant du défaut d'information et des sarcasmes blessants qui lui auraient été adressés lors de la prise en charge de son épouse par l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière n'ont pas été présentées en première instance ; qu'elles constituent donc des demandes nouvelles en cause d'appel et doivent être rejetées ;
Sur l'irrecevabilité des conclusions de M. A présentées en sa qualité d'ayant droit de Mme C tendant à l'indemnisation de son préjudice permanent exceptionnel :
Considérant que la demande présentée par M. A en sa qualité d'ayant droit de son épouse, Mme C, tendant à l'indemnisation de son préjudice permanent exceptionnel résultant de la méconnaissance des articles L. 1111-2 et R. 4127-3 du code de la santé publique, si elle se rattache à un fait générateur invoqué en première instance, n'a pas été présentée devant les premiers juges ; qu'elle constitue donc une demande nouvelle en appel qui est, de ce fait, irrecevable ;
Sur la responsabilité :
Sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire du fait de la production par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de documents rédigés en langue anglaise ;
Considérant que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris se borne, pour écarter sa responsabilité, à soutenir que l'expertise du docteur repose sur des éléments factuels et concrets inexacts et contredit l'expertise du professeur D, laquelle conteste l'existence même d'une perte de chance pour la victime d'échapper à l'issue fatale due à l'embolie pulmonaire qu'elle a subie ; qu'il ressort du dossier d'expertise que celle-ci a été effectuée contradictoirement en présence des parties et n'est donc entachée d'aucune irrégularité ; que par voie de conséquence, les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris tendant à ce que la Cour prescrive un complément d'expertise s'avérant frustratoire, celles-ci doivent être rejetées ;
Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, voire à son décès, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert nommé par la Cour, en premier lieu, que Mme C a été admise aux urgences le 24 août 2002 à 16 heures 05, qu'elle a été examinée une première fois au bout d'une heure et demie, son état de santé apparent se caractérisant par une douleur thoracique fluctuante rétro sternale cliniquement caractérisée par une dyspnée et des douleurs thoraciques ; que bien que le bilan biologique effectué le même jour à 18h30 ait évoqué la gravité de la pathologie de la patiente, ce n'est que vers 23h qu'après des examens complémentaires un diagnostic de thrombo-phlébite des membres inférieurs évoquant une probable embolie pulmonaire a été posé ; en deuxième lieu, que si une embolie pulmonaire ne peut être immédiatement et systématiquement prévisible, une probabilité d'au moins 20% est admise ; que dans ces circonstances, il incombait à l'établissement hospitalier de pratiquer rapidement et efficacement des examens complémentaires sur la patiente ; que compte tenu de l'heure d'admission de la patiente aux urgences, un traitement anti-coagulant qui n'a été pratiqué que 10 heures après son admission doit être considéré comme tardif et traduit une première faute dans la prise en charge de la patiente ; en troisième lieu, qu'il n'apparaît pas que l'interrogatoire de la patiente se soit orienté vers un processus thrombo-embolique ancien, alors même que celle-ci se trouvait en état de surcharge pondérale et présentait des symptômes évocateurs d'une embolie pulmonaire ; qu'en pronostiquant hâtivement une pathologie hépatique ou rénale, une erreur initiale de diagnostic a été commise ; qu'en effet, ce n'est qu'après le résultat d'un écho doppler veineux des membres inférieurs que le diagnostic de phlébite a été établi, entraînant un traitement par Fraxiparine, 10 heures après l'arrivée de la patiente aux urgences ; qu'il ressort du rapport d'expertise qu'il eût été nécessaire, dans ce contexte, de pratiquer une échocardiographie pour évaluer le retentissement de l'embolie pulmonaire très probable sur le coeur, ce qui n'a pas été fait ; que par ailleurs, il eût été également indispensable de réaliser un angio-scanner que justifiaient les premières analyses des enzymes hépatiques et du degré d'hypoxémie à 65mmHg ; que l'absence de ces examens est constitutive d'une faute ; que si Mme C avait déjà été victime antérieurement d'une embolie pulmonaire et si, comme il a été dit, au regard de cette première embolie, le médecin de garde aurait dû poursuivre ses investigations, il n'est pas contesté que la patiente est décédée des suites d'une seconde embolie pulmonaire, qui aurait vraisemblablement pu être évitée par une thrombolyse de la première embolie pulmonaire non prise en charge ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun bilan approfondi n'a été réalisé alors qu'il aurait dû l'être par une échocardiographie et un angio-scanner ; que compte tenu des précédents pathologiques de la patiente, les examens complémentaires qui auraient dû être effectués ne l'ont pas été, se traduisant par une prise en charge inappropriée et l'absence de mise en place d'un traitement adéquat ; que ces déficiences sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris ; que la prise en charge inappropriée de Mme C est à l'origine d'une perte de chance de survie qui doit être fixée à 40% ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne les préjudices subis par Mme C :
Considérant, d'une part, que les souffrances physiques subies par Mme C résultent, selon le requérant, du redressement de son lit lors de son repas le 25 mai 2002, de son arrêt cardiaque et des manoeuvres de réanimation qui ont suivi ; que n'étant rattachables à aucun agissement fautif de l'hôpital, elles ne sauraient en conséquence être indemnisées ;
Considérant, d'autre part, que le préjudice que Mme C aurait subi du fait de son décès ne peut davantage donner lieu à indemnisation dès lors que, n'étant pas entré dans son patrimoine avant son décès, il ne peut être transmis à ses ayants droits ;
En ce qui concerne les préjudices subis par M. A :
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant de la perte de revenus :
Considérant que si l'indemnité allouée à la victime d'un dommage a pour objet de réparer l'intégralité du préjudice imputable à la personne responsable de ce dommage, elle ne saurait excéder, toutefois, le montant de ce préjudice ; que le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte de revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien compte tenu de ses propres revenus avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la victime percevait avant son décès une pension de retraite annuelle de 20 319 euros ; que M. A, ainsi qu'il le soutient lui-même, perçoit une pension de réversion, depuis le décès de son épouse, égale à 50% du montant annuel de la pension de retraite que percevait son épouse, auxquelles s'ajoutent les majorations dues pour leurs six enfants, et qui portent ainsi la somme annuelle perçue par M. A à 12 587, 04 euros ; qu'il y a lieu de considérer que la différence entre ces sommes correspond à la part d'autoconsommation de Mme C ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'indemniser M. A au titre du préjudice économique qu'il estime avoir subi ;
S'agissant des autres préjudices matériels :
Considérant que si M. A soutient avoir pris en charge la somme forfaitaire de 2 400 euros correspondant aux divers billets d'avion qu'il a dû acheter pour se rendre plusieurs fois en France au cours de la présente procédure, il n'a apporté avant la clôture de l'instruction aucun justificatif relatif à ces dépenses ; que sa demande tendant au remboursement de cette somme ne peut qu'être rejetée ;
Considérant en revanche que M. A justifie de frais d'obsèques pour son épouse à hauteur de 6 857, 94 euros ; qu'il y a lieu de fixer à 2 743, 18 euros la somme qui lui est due à ce titre ;
Sur le préjudice personnel :
Considérant qu'il y a lieu d'indemniser M. A du préjudice moral subi du fait du décès de son épouse à hauteur de 23 000 euros ; que la somme due à ce titre par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris s'élève, compte tenu de la réfaction de 40%, à 9 200 euros ; que la somme de 15 200 euros lui ayant déjà été allouée à ce titre par l'ONIAM, aucune somme ne lui est due à ce titre ;
Sur le recours subrogatoire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux :
Sur la fin de non recevoir opposée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :
Considérant qu'eu égard aux liens qu'établissent les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique entre les droits de l'ONIAM et ceux des victimes d'un accident médical, quand un jugement ayant statué sur les conclusions indemnitaires de la victime a fait l'objet d'un appel de la part de cette dernière introduit dans le délai légal, l'ONIAM est recevable à présenter des conclusions d'appel même si ces dernières n'ont pas été formées dans le délai d'appel ; que la fin de non recevoir opposée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au motif que l'ONIAM n'était pas recevable à solliciter en appel le remboursement des sommes versées aux ayants droits de Mme C autres que M. A doit, par suite, être écartée ;
Considérant que l'ONIAM s'est substitué à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dans le cadre des protocoles d'indemnité provisionnelle transactionnelle, qu'il se trouve subrogé à concurrence des sommes versées dans les droits des victimes en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; qu'il a versé à M. A la somme de 15 200 euros et celle de 24 000 euros, soit six fois la somme de 4 000 euros à chacun, aux six enfants de M. et Mme A dont le préjudice moral a été évalué à bon droit à 5 000 euros par enfant ; qu'il est fondé à en demander le remboursement à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit, après application du taux de réfaction, 9 200 et 12 000 euros ;
Considérant que l'ONIAM a également droit, en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, au versement de la somme de 3 180 euros correspondant à 15% de l'indemnité allouée et de celle de 1 200 euros en remboursement des frais d'expertise ; qu'ainsi l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à l'ONIAM la somme de 25 580 euros ;
Sur le recours subrogatoire de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe :
Considérant que la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe a versé aux débats l'état définitif de ses débours s'élevant à la somme de 2 455, 63 euros ; qu'elle est fondée à demander à la Cour de mettre une somme de 982, 25 euros, à laquelle il convient d'ajouter celle de 327, 42 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. A a droit aux intérêts légaux à compter du 24 janvier 2003, date de la réception par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de sa demande au principal ;
Sur les frais d'expertise en instance d'appel :
Considérant qu'il y a lieu de mettre définitivement à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 2 418, 12 euros correspondant aux honoraires du docteur taxés et liquidés par ordonnance du 1er juin 2010 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions dudit article, les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, partie perdante dans cette instance, doivent être rejetées ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 3 000, 00 euros qu'elle versera à M. A, et celle de 1 000, 00 euros que demande la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, au titre des frais exposés par ces parties et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à M. A la somme de 2 743, 18 euros qui portera intérêt au taux légal à compter du 24 janvier 2003.
Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 25 580 euros en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.
Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe la somme de 1 309, 67 euros.
Article 4 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 418, 12 euros par ordonnance du 1er juin 2010 sont mis à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Article 5 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à M. A la somme de 3 000, 00 euros et à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, la somme de 1 000, 00 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de M. A et les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont rejetés.
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N° 08PA04569