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30/06/2011 | FRANCE | N°10PA04392

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 juin 2011, 10PA04392


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août et 28 septembre 2010, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000596/6-1 du 16 juillet 2010 en tant qu'il a annulé, à la demande de Mlle Tigesie A, son arrêté en date du 7 septembre 2009 par lequel il a fait obligation à Mlle Tigesie A de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Tigesie A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août et 28 septembre 2010, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000596/6-1 du 16 juillet 2010 en tant qu'il a annulé, à la demande de Mlle Tigesie A, son arrêté en date du 7 septembre 2009 par lequel il a fait obligation à Mlle Tigesie A de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Tigesie A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 10 février 2011 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant à Mlle Tigesie A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 22 décembre 2010 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2011 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

Considérant que le PRÉFET DE POLICE a pris le 7 septembre 2009, à l'encontre de Mlle Tigesie A, née selon ses déclarations le 4 mai 1989 et de nationalité éthiopienne, un arrêté lui refusant une carte de résident au titre de l'asile politique, dans le cadre des dispositions de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cet arrêté étant assorti d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite ; que, par un jugement du 16 juillet 2010, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral en tant qu'il portait obligation de quitter le territoire français et fixait le pays de destination, et a rejeté le surplus de la demande de Mlle Tigesie A tendant à l'annulation du refus de titre de séjour ; que le PRÉFET DE POLICE interjette régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il annule la décision portant obligation de quitter le territoire français de Mlle Tigesie A et fixant son pays de renvoi ; que par la voie de l'appel incident, Mlle Tigesie A conclut à l'annulation du jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;

Sur l'appel principal du PRÉFET DE POLICE :

Considérant qu'aux termes des dispositions du 1er alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I.- L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) , et qu'aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du même code : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que Mlle Tigesie B, ressortissante éthiopienne, se disant appartenir à l'ethnie Oromo, est entrée en France, selon ses déclarations, le 2 août 2005, à l'âge prétendu de 16 ans, alors qu'un examen médical ultérieur a conclu à un âge osseux supérieur à 18 ans ; qu'elle a sollicité, le 3 janvier 2006, le bénéfice de l'asile politique qui lui a été refusé par une décision en date du 6 juin 2007 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée le 28 mai 2009 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; que tirant les conséquences de ces décisions, le PREFET DE POLICE a, par arrêté en date du 7 septembre 2009, pris sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé de délivrer à l'intéressée une carte de séjour en qualité de réfugiée, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, et fixant comme pays de destination le pays dont elle a la nationalité ou tout autre pays où elle établirait être légalement admissible ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mlle Tigesie A a fait valoir devant le tribunal les risques encourus en cas de retour en Éthiopie, qu'elle a fui en raison de la répression qui s'est abattue en mai 2002 sur le parti politique auquel appartenaient ses parents, emmenés de force par la police ; que son frère a été lui-même abattu sous ses yeux par les policiers ; qu'elle a été envoyée par son oncle au Qatar où elle aurait été exploitée, maltraitée et violentée par la famille qatari qui l'employait, qu'elle a réussi à quitter pour arriver en France en août 2005 ; que cependant, ces allégations ne sont corroborées par aucun document ni témoignages, et sont ainsi dépourvues de toute force probante, sa demande d'asile ayant été au demeurant rejetée ; que par ailleurs, elle ne conteste pas que ses parents soient encore vivants, de même que son oncle, et n'est dès lors pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'elle n'apporte aucun élément sérieux susceptible de constituer un obstacle à son retour vers celui-ci ; qu'enfin, si Mlle Tigesie A fait également valoir qu'elle a engagé un cursus d'apprentissage professionnel, dont au demeurant elle n'a pas informé l'autorité préfectorale, il ressort des pièces du dossier qu'elle a changé plusieurs fois d'orientation, et n'a jamais obtenu de diplôme ; qu'ainsi, la formation en cours ne justifie pas son maintien en France ;

Considérant qu'il résulte ainsi de tout ce qui précède, et eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mlle Tigesie A, que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté pris le 7 septembre 2009 à l'encontre de Mlle Tigesie A, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée, et à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle Tigesie A devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour ;

Sur le fond et l'appel incident de Mlle Tigesie A :

Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant en premier lieu, que Mlle Tigesie A a présenté sa demande d'admission au séjour le 25 janvier 2006, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 314-11 8° du code susmentionné, sollicitant ainsi l'asile, et a été déboutée de sa demande par la décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 juin 2007, laquelle a été confirmée en appel le 28 mai 2009 ; qu'elle ne pouvait donc pas se prévaloir des dispositions protectrices de la Convention de Genève susvisée du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; que par suite, le PRÉFET DE POLICE pouvait prendre, comme il l'a fait, l'arrêté litigieux en date du 7 septembre 2009 refusant à Mlle Tigesie A l'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile et l'obligeant à quitter le territoire français ;

Considérant en deuxième lieu, que si Mlle Tigesie A soutient qu'elle aurait droit à un titre de séjour en qualité d'étudiant, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'elle aurait déposé, avant la date de la décision litigieuse, une demande de titre de séjour sur un tel fondement ; qu'en tout état de cause, le préfet n'était pas tenu de rechercher si Mlle Tigesie A pouvait obtenir une carte de séjour à un autre titre que celui de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel était fondée sa demande ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est en tout état de cause inopérant et ne peut qu'être écarté ;

Considérant en troisième lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le Tribunal administratif de Paris, d'écarter le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de celle de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, si l'intéressée se prévaut également du bénéfice des dispositions de l'article

R. 313-10 du même code, en faisant valoir qu'elle est scolarisée depuis son arrivée en France, ces dispositions, qui exemptent seulement, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour, ne peuvent être utilement invoquées par Mlle Tigesie A, laquelle n'a justifié d'une scolarité en France qu'à compter du 6 septembre 2005, soit en tout état de cause, après l'âge de 16 ans ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que Mlle Tigesie A n'est pas fondée à demander l'annulation du refus de titre de séjour contenu dans l'arrêté litigieux du 7 septembre 2009 ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à être motivée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision ne peut qu'être écarté, de même que celui tiré du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée ;

Considérant en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mlle Tigesie A n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;

Considérant en troisième lieu, que les moyens tirés du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée, de la violation des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés ;

Sur la fixation du pays de destination :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle Tigesie A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi contenue dans l'arrêté litigieux du 7 septembre 2009 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement annulé son arrêté en date du 7 septembre 2009 ; qu'il y a lieu par voie de conséquence, de rejeter les conclusions de Mlle Tigesie A à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement n° 1000596 du 16 juillet 2010 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mlle Tigesie A devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

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N° 10PA04392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04392
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : BARRAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-06-30;10pa04392 ?
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