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27/06/2011 | FRANCE | N°10PA06038

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 27 juin 2011, 10PA06038


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2010, présentée pour M. Saïd B, demeurant ..., par Me Rochiccioli ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003718/9 du 31 mai 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2010 du préfet du Val-d'Oise en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d

ans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, durant le t...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2010, présentée pour M. Saïd B, demeurant ..., par Me Rochiccioli ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003718/9 du 31 mai 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2010 du préfet du Val-d'Oise en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, durant le temps du réexamen de sa situation administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en faveur de son conseil, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 25 novembre 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant au requérant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 20 juillet 2010 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 et notamment son article 40 ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou à la Confédération Suisse ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2011 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public ;

Considérant que M. Saïd B, né en 1978 et de nationalité marocaine, a sollicité le 21 octobre 2008 un titre de séjour non seulement en qualité de salarié, mais en faisant également valoir l'ancienneté de sa résidence en France, soutenant être régulièrement entré sur le territoire le 16 décembre 1998 ; que, par un arrêté en date du 10 février 2010, le préfet du Val-d'Oise a opposé un refus à sa demande de titre de séjour et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français en mentionnant le pays de destination ; que par sa demande introduite le 15 mars 2010 auprès du greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l'intéressé a contesté cet arrêté non seulement en ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour, mais également s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la fixation du pays de destination ; qu'ayant été interpellé le 23 mai 2010, M. B a été placé en rétention dans un centre relevant du ressort du Tribunal administratif de Melun, sa demande présentée le 15 mars 2010 ayant alors été transmise, par une ordonnance de renvoi, à cette seconde juridiction ; que, M. B relève régulièrement appel du jugement en date du 31 mai 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté les seules conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2010 du préfet du Val-d'Oise en tant qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ;

Considérant que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) ; que l'article L. 512-1 dudit code prévoit que : L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif (...). Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative dans les conditions prévues au titre V du présent livre. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, en cas de placement en rétention de l'étranger avant qu'il ait rendu sa décision, il statue, selon la procédure prévue à l'article L. 512-2, sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi, au plus tard soixante-douze heures à compter de la notification par l'administration au tribunal de ce placement (...) ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant que M. B fait notamment valoir, en excipant de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qu'il avait également contestée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision litigieuse du 10 février 2010 n'était pas suffisamment motivée, notamment en ce qui concerne sa demande de délivrance d'une carte de séjour mention salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 susmentionné : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 de ce même code : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention salarié lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à 12 mois. Elle porte la mention travailleur temporaire lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à 12 mois. ... ; qu'en application de l'article L. 5221-2 du code du travail, antérieurement codifiés à l'article L. 341-2 du même code, pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ainsi qu'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ; qu'enfin, aux termes de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse : la situation de l'emploi ou l'absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché du travail n'est pas opposable à une demande d'autorisation de travail présentée pour l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse souhaitant exercer une activité professionnelle dans un métier ou une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée au présent arrêté ;

Considérant que M. B a présenté à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une promesse d'embauche datée du 24 octobre 2008 en qualité de maçon finisseur ; que l'autorité préfectorale a eu connaissance de ce document, et indique dans ses écritures en défense présentées devant le tribunal, qu'elle a également examiné la demande de l'intéressé sur ce même fondement, en application de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007 susvisée ;

Considérant qu'au regard de l'obligation de motiver les refus d'autorisation, imposée par les dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 notamment en son article 1er, le préfet doit, s'il estime devoir rejeter une demande de carte de séjour temporaire présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, faire connaître les motifs pour lesquels ladite demande est rejetée, en indiquant les faits de l'espèce qu'il retient ou écarte ; que le préfet peut ainsi relever soit que la demande, faute de tendre à l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier ou une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement, figurant sur une liste annexée à l'arrêté susmentionné du 18 janvier 2008, ne se situe pas dans le champ de l'admission exceptionnelle au séjour ainsi sollicitée, soit que les éléments de la situation personnelle de l'intéressé soumis à son appréciation, tels que par exemple, l'insuffisance de son expérience et de sa qualification professionnelles, l'absence de perspectives réelles d'embauche pour l'intéressé dans l'une des activités susmentionnées, ou la faible durée de son séjour en France, font obstacle à ce que sa demande puisse être regardée comme relevant d'un motif exceptionnel ;

Considérant qu'il suit de là, qu'en se bornant à indiquer à M. B que celui-ci ne remplit aucune des conditions prévues par l'article L. 313-14 et que son admission au séjour ne répond pas à des considérations humanitaires ou ne se justifie pas au regard de motifs exceptionnels qu'il (elle) fait valoir , le préfet auteur de la décision en litige, à savoir le préfet du Val-d'Oise, n'a pas satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il s'ensuit que M. B est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a écarté ce moyen, après avoir admis la recevabilité du mémoire en défense présenté devant lui par le préfet du Val-d'Oise ;

Considérant que l'annulation de l'arrêté du 10 février 2010, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français emporte, par voie de conséquence, annulation de la décision fixant le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 mai 2010, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2010, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, qui est le seul, en l'état du dossier, qui apparaisse fondé et qui n'implique pas nécessairement que le préfet du Val-d'Oise délivre une carte de séjour temporaire à M. B, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. ;

Considérant que M. B a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 25 novembre 2010 du bureau d'aide juridictionnelle ; que par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rochiccioli, avocat de M. B, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 31 mai 2010 et l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 10 février 2010 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet du Val-d'Oise tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rochiccioli, avocat de M. B, la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

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N° 10PA06038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA06038
Date de la décision : 27/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-06-27;10pa06038 ?
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