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30/05/2011 | FRANCE | N°10PA02427

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 mai 2011, 10PA02427


Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010, présentée pour la Société Anonyme PPN, prise en la personne de son président en exercice, ayant son siège social 4 Route de Gaillon à Villers sur le Roule (27940), par Me Vielh ; la SA PPN demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0718699 en date du 19 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi du fait de l'arrêté en date du 24 février 2006 du ministre de l'économie, des finances et d

e l'industrie portant suspension pour un an de la mise sur le marché de la...

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010, présentée pour la Société Anonyme PPN, prise en la personne de son président en exercice, ayant son siège social 4 Route de Gaillon à Villers sur le Roule (27940), par Me Vielh ; la SA PPN demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0718699 en date du 19 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi du fait de l'arrêté en date du 24 février 2006 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie portant suspension pour un an de la mise sur le marché de la boisson dénommée Security FeelBetter qu'elle produit et commercialise ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 327 549, 80 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 26 juillet 2007, et de la capitalisation des intérêts sur les sommes non perçues à compter du 26 juillet 2008, en réparation du préjudice causé par l'illégalité de l'arrêté du 24 février 2006 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêt n° 292615 en date du 7 février 2007 du Conseil d'Etat ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2001 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- les observations de Me Vielh, représentant la société PPN SA,

- et connaissance prise de la note en délibéré en date du 17 mai 2011, présentée pour la SOCIETE PPN SA, par Me Vielh ;

Considérant que, par le jugement susmentionné en date du 19 mars 2010, le Tribunal administratif de Paris a reconnu l'Etat responsable du préjudice direct et certain causé à la SOCIETE PPN SA, trouvant sa source dans l'illégalité de la suspension de mise sur le marché, opérée par l'arrêté ministériel du 24 février 2006, de la boisson dénommée Security FeelBetter produite et commercialisée par ladite société, et l'a condamné à lui verser une indemnité d'un montant de 11 357 euros, représentant les frais engagés pour le rappel des produits livrés aux distributeurs ; que la SOCIETE PPN SA relève régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le reste des préjudices dont elle demandait l'indemnisation ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : La décision mentionne que l'audience a été publique. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le commissaire du gouvernement et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. (...) ;

Considérant qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte l'ensemble des mentions obligatoires prévues par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; qu'en outre, en se bornant à soutenir que le jugement attaqué ne vise et n'analyse qu'imparfaitement les moyens de la société PPN , celle-ci n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté ;

Sur la responsabilité :

Considérant que, par l'arrêté en date du 24 février 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a suspendu pour une durée d'un an la mise sur le marché de la boisson Security FeelBetter , produite et commercialisée par la SOCIETE PPN SA, et a décidé du retrait de celle-ci en tous lieux où elle se trouve ; que cet arrêté a été annulé par le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 7 février 2007 susvisé, au motif que la mesure prise par le ministre apparaissait excessive et disproportionnée au regard des risques que présente la commercialisation de ce produit pour la santé et la sécurité des consommateurs ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur l'indemnisation :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la marge brute réalisée par la SOCIETE PPN SA dans le cadre de la commercialisation du produit Security FeelBetter s'établissait à 62,34 % sur l'exercice 2006, c'est-à-dire sensiblement du même ordre que sur l'année précédente ; que toutefois, la SOCIETE PPN SA n'a pas inclus ses charges dans le calcul de sa marge brute, à savoir notamment les frais de personnel ainsi que les frais naturellement supportés par toute entreprise commerciale ; que dans ces conditions, il convient de retrancher à ce titre et de manière forfaitaire, 30 % du montant de marge brute précédemment obtenu, afin de calculer les indemnités que la SOCIETE PPN SA peut se voir attribuées au titre des bénéfices d'exploitation dont elle a été privée du fait de la suspension de l'autorisation de mise sur le marché du produit dont s'agit ;

Considérant que la SOCIETE PPN SA sollicite la réparation de plusieurs préjudices, à savoir le préjudice subi du fait de pertes financières directes, le préjudice subi du fait de son impossibilité de commercialiser le produit Security FeelBetter dans des conditions normales du 24 février 2006 au 7 février 2007, ainsi que le préjudice subi du fait de la détérioration d'image du produit Security FeelBetter ;

Sur les pertes financières directes :

Considérant en premier lieu, que la SOCIETE PPN SA allègue un préjudice d'un montant de 219 804 euros au titre des commandes annulées faisant suite à l'arrêté ministériel du 24 février 2006 ; que d'une part, si la requérante évalue à 60 630 euros le préjudice subi en raison de l'annulation des commandes passées par voie électronique, celle-ci n'a toutefois versé aucune pièce comptable justificative au dossier, susceptible de corroborer ses allégations ; qu'en effet, si le relevé bancaire produit par la requérante fait apparaître un ensemble de transactions portant la mention remise CB (...) Security FeelBetter , rien n'indique que ces sommes, qui ne sont reprises par aucune pièce comptable, correspondent effectivement aux commandes passées par voie électronique ; que dans ces conditions, la matérialité du préjudice de 60 630 euros n'est pas établi et ne peut, dès lors, être indemnisé ; que d'autre part, si la SOCIETE PPN SA évalue à 159 174 euros le dommage qu'elle a subi à la suite de l'annulation des commandes par les distributeurs du produit incriminé, il résulte de l'instruction que seuls les bons de commande de l'enseigne Cora en date du 22 février 2006 sur les sites de Choisey, Dunkerque, Hagueneau, Saint-Quentin, et Val d'Yerres, de Corade pour elle-même et pour Saint-Maximin, Massy et Carrefour Rambouillet en date des 21 et 23 février 2006, de Relais Ceccaldi en date du 24 février 2006, des centrales Leclerc Scapest et Socamaine en date des 23 et 24 février 2006, du Super U Vaucresson en date du 23 février 2006 et de la centrale nord-ouest Système U en date du 20 février 2006 peuvent être regardés comme étant suffisamment probants, car présentant notamment l'identification du responsable commercial en charge de la commande passée et de la quantité de produit commandée, ce qui ramène à 38 110 euros le montant total justifié ; que dès lors, l'application de la méthode de calcul susmentionnée conduit à un montant d'indemnisation de 16 630, 44 euros ;

Considérant en deuxième lieu, que la SOCIETE PPN SA établit avoir engagé des frais à hauteur de 11 357 euros pour le rappel des produits Security FeelBetter détenus par ses clients ; que si l'administration soutient en défense que ce rappel n'était pas rendu obligatoire par l'arrêté ministériel du 24 février 2006, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, la société requérante ayant dû produire un procès-verbal de remise en état des lieux et des retours effectués, elle était fondée à demander le remboursement des frais ainsi exposés, et qui ont déjà fait l'objet d'une condamnation en première instance ;

Considérant en troisième lieu, que la SOCIETE PPN SA évalue à 109 639, 98 euros le préjudice subi en raison du dédommagement de ses clients, sous forme d'avoirs, à la suite de la suspension de mise sur le marché de sa boisson et au rappel de produits qui s'en est suivi ; que, cependant, l'authenticité d'une partie des avoirs que produit la société requérante devant la Cour, n'est pas établie dès lors, notamment, qu'ils ne renvoient à aucune facture identifiable ou qu'ils font état d'une date d'émission antérieure à celle de la facture à laquelle ils se réfèrent, tandis que d'autres avoirs étaient relatifs à plus de produits que ceux qui ont été effectivement repris (avoir n° AV0115 indiquant 133 bouteilles alors que seulement 113 sont effectivement reprises) ; qu'ainsi, les seuls avoirs ayant un caractère probant sont les numéros AV0117, AV0128, AV0083, AV0086, AV0023, AV0078, AV0024, AV0107, AV0093, AV0115 (pour lequel ne sont retenues que 113 bouteilles) AV0130, AV0020, AV0018, AV0080, AV0079, AV0019, AV0087, AV0066, AV0071, AV0113, AV0021, AV0069, AV0016, AV0022, AV0070, AV0076, AV0075, AV0072, AV0074, AV0073, AV0081, AV0017, AV0077, AV0067, AV0015, AV0129, AV0082, AV0122, AV0025, AV0026, AV0027, AV0097, AV0059, AV0068 et AV0084, le montant total devant être retenu étant égal à 93 822, 70 euros ; qu'au final, il résulte de l'instruction ainsi que de l'application de la méthode de calcul précitée, que la SOCIETE PPN SA ne justifie de la réalité de son préjudice qu'à hauteur de 40 942 euros ;

Sur le préjudice subi du 24 février 2006 au 7 février 2007 :

Considérant d'une part, que la SOCIETE PPN SA fait état d'un manque à gagner estimé à 1 167 903 euros, correspondant au chiffre d'affaires dont elle a été privée entre le 24 février 2006, date de l'arrêté litigieux, et le 17 mai 2006, date à laquelle le Conseil d'Etat en a ordonné la suspension ; que cependant, la perte de chiffre d'affaire ne peut en aucun cas être indemnisée dans sa totalité, le préjudice indemnisable n'étant constitué que des bénéfices qui pouvaient être normalement attendus de la commercialisation du produit litigieux ; qu'il résulte de l'instruction que sur l'exercice 2006, durant les 283 jours au cours desquels la SOCIETE PPN SA a pu librement commercialiser son produit, cette dernière a dégagé une marge brute de 197 495 euros ; que dans ces conditions, et en tenant compte de la méthode de calcul précitée, la SOCIETE PPN SA, ne pouvant justifier de la réalité de son préjudice que sur la période de 82 jours au cours desquels la décision de suspension de mise sur le marché a produit ses effets, doit être dès lors regardée comme ayant perdu un montant de bénéfice net de 40 059 euros ;

Considérant d'autre part, que la SOCIETE PPN SA soutient que, sur la période courant du 17 mai 2006 au 7 février 2007, elle a subi un manque à gagner de 3 818 844 euros résultant du ralentissement de son activité jusqu'au prononcé de l'annulation de l'arrêté du 24 février 2006 par le Conseil d'Etat, due notamment, à ses dires, à l'attentisme de ses distributeurs devant une situation non définitivement résolue, ainsi qu'aux mises en garde répétées de l'administration ; que cependant, ce dommage, à le supposer établi, ne saurait être regardé comme une conséquence directe dudit arrêté, dès lors qu'il est constant que celui-ci avait cessé de produire effectivement ses effets à compter du 17 mai 2006, date à laquelle le juge des référés du Conseil d'Etat en avait ordonné la suspension ; qu'il n'y a donc pas lieu de réparer un tel dommage qui ne présente pas de caractère direct ;

Sur le préjudice subi du fait de la détérioration d'image du produit :

Considérant qu'aucune des pièces versées au débat par la SOCIETE PPN SA ne permet d'établir la réalité du préjudice d'image qu'elle soutient avoir subi et qu'elle évalue, forfaitairement, à 1 000 000 euros, alors qu'au contraire celle-ci mentionne que son chiffre d'affaires aussi bien que sa marge brute ont presque doublé entre les exercices 2006 et 2007 ; que pour cette même raison ayant conduit à ne pas affecter les marges brutes précédemment calculées d'un coefficient réducteur du fait de l'absence désormais reconnue de tout effet de dégrisement de la boisson dont s'agit, il n'y a pas lieu d'indemniser le préjudice d'image allégué et non établi, d'autant que l'administration a délivré à la société requérante des certificats d'exportation pour cette même boisson ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant de l'indemnisation qu'est en droit de réclamer la SOCIETE PPN SA s'établit à la somme de 97 631, 44 euros, venant en sus de la somme de 11 357 euros déjà accordée par les premiers juges ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que la requérante a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité susmentionnée de 97 631, 44 euros à compter du 26 juillet 2007, date de réception de sa demande par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 28 novembre 2007 ; qu'à cette dernière date, les intérêts n'étant pas dus pour une année entière, il n'y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à la demande de capitalisation qu'à compter du 26 juillet 2008, date à laquelle était due, pour la première fois, une année entière d'intérêts ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE PPN SA la somme de 97 631, 44 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2007. Les intérêts échus à la date du 26 juillet 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 0718699 du Tribunal administratif de Paris en date du 19 mars 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE PPN SA une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE PPN SA est rejeté.

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N° 10PA02427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA02427
Date de la décision : 30/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : VIELH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-05-30;10pa02427 ?
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