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30/05/2011 | FRANCE | N°09PA00288

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 mai 2011, 09PA00288


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 19 janvier et 26 février 2009, présentés pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS (SNCF), prise en la personne de son président en exercice, ayant son siège social 34 rue du Commandant Mouchotte à Paris Cedex 14 (75699), par Me Odent ; la SNCF demande à la Cour :

1°) de confirmer l'article 1er du jugement n° 0425833/6-2 du 12 novembre 2008 et d'annuler ses articles 2 et 3, en raison de ce que le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation solidaire

des entreprises et sociétés Protech Bâtiment, Alquier, Léon Grosse,...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 19 janvier et 26 février 2009, présentés pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS (SNCF), prise en la personne de son président en exercice, ayant son siège social 34 rue du Commandant Mouchotte à Paris Cedex 14 (75699), par Me Odent ; la SNCF demande à la Cour :

1°) de confirmer l'article 1er du jugement n° 0425833/6-2 du 12 novembre 2008 et d'annuler ses articles 2 et 3, en raison de ce que le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation solidaire des entreprises et sociétés Protech Bâtiment, Alquier, Léon Grosse, Dervaux et Guinet Derriaz, du fait des désordres affectant deux escalators parmi les quatre installés par la société de Constructions Industrielles de la Méditerranée (CNIM), dans le bâtiment voyageurs de la Gare Saint-Charles à Marseille, dans le cadre de la restructuration de celui-ci pour accueillir la ligne TGV ;

2°) de condamner les entreprises et sociétés susmentionnées, à l'exception de la CNIM, à lui réparer ses préjudices résultant des dégradations des escaliers mécaniques concernés, à hauteur d'une somme de 120 438 euros, avec les intérêts de droit et leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge des mêmes entreprises une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2011 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Poulet, représentant la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS, de Me Barthelemy, représentant la société Léon Grosse et de Me Vecchié, représentant la société Dervaux ;

Considérant que, dans le cadre de la réalisation de la ligne TGV Méditerranée impliquant la restructuration du bâtiment voyageurs de la gare Saint-Charles à Marseille, la SNCF a confié, par un marché passé le 25 mai 2000 et pour un montant de 686 829, 27 euros HT, à la société de Constructions Industrielles de la Méditerranée (CNIM), le lot 35 H de l'opération fond de gare , portant sur l'installation de quatre escaliers mécaniques assurant la desserte entre la gare et les installations du métropolitain marseillais, le litige ne portant que sur les escaliers n° 3 et 4 de la trémie B ; que les autres travaux de restructuration ont été confiés à la société Protech Bâtiment pour le ravalement et le traitement des façades, à la société Alquier pour les façades intérieures, à la société Léon Grosse pour le gros oeuvre, l'étanchéité et la démolition, à la société Dervaux au titre des menuiseries extérieures et des garde-corps et enfin, à la société Guinet-Derriaz, pour le dallage et les revêtements, sous la maîtrise d'ouvrage de la SNCF et la maîtrise d'oeuvre des sociétés APG et AREP ;

Considérant que la société CNIM a demandé devant le tribunal, la condamnation de la SNCF à réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de la suspension du contrat de maintenance des escalators et de l'impact en termes d'image commerciale des dysfonctionnements des escalators qu'elle avait livrés, qu'elle chiffre au total à la somme de 31 000 euros, augmentée des intérêts de droit ; que, par demande reconventionnelle, la SNCF a appelé en garantie les sociétés Protech Bâtiment, Alquier, Léon Grosse, Dervaux et Guinet Derriaz au titre des préjudices invoqués par la société CNIM et recherche par ailleurs leur responsabilité au titre des préjudices propres qu'elle a subis du fait de la dégradation desdits escalators ; que la demande de la société CNIM a été rejetée, tout comme les conclusions reconventionnelles de la SNCF, par le jugement attaqué en date du 12 novembre 2008 dont la SNCF relève régulièrement appel ;

Sur les responsabilités :

Considérant d'une part, que la société CNIM demande réparation de son préjudice résultant de la perte d'exercice de son contrat de maintenance relatif aux escaliers mécaniques susmentionnés, ainsi qu'à la perte d'image commerciale et de notoriété en résultant ; que la perte du contrat de maintenance en question conclu avec la SNCF le 1er mars 2000, pour une exécution à partir du 28 juin 2001, date de mise en service prévue desdits escalators, s'il peut trouver son origine dans le défaut de protection des équipements et leur détérioration durant le chantier, ne peut se rattacher au premier marché conclu, relatif à l'installation de ces mêmes escalators en son lot 35 H, non plus qu'au règlement définitif de celui-ci, mais concerne l'exécution d'un second marché, ne faisant pas l'objet du présent litige, ainsi que d'ailleurs en sont convenus les premiers juges ; que les conclusions de la société CNIM ne peuvent donc qu'être rejetées, et par voie de conséquence l'appel en garantie de la SNCF à ce titre ;

Considérant d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise daté du 21 juillet 2003 et déposé le 20 août suivant au Tribunal administratif de Marseille, que le planning contractuel des travaux prévoyait pour date de début de montage des escalators par la société CNIM, la date du 19 février 2001, la fin des travaux étant prévue au 27 avril suivant ; que toutefois, en raison des retards importants accumulés en matière de gros oeuvre puis de second oeuvre, il a été demandé à la CNIM d'installer les escalators en procédant non pas à un montage sur site en plusieurs éléments, mais avec introduction desdits escalators intégralement montés, cette installation ayant été finalement opérée à compter du 16 mars 2001 pour se terminer, après le bris de trois marches durant les travaux de gros oeuvre, le 21 mai 2001, la réception préalable ayant été effectuée le 28 mai et la réception définitive le 28 juin 2001 ; qu'ainsi, alors que lesdits escaliers aurait dû être installés dans un environnement caractérisé par l'achèvement des travaux de génie civil prévus au marché, ainsi que par l'achèvement des travaux de second oeuvre et de corps d'état techniques en leur voisinage, l'expert a pu caractériser des atteintes graves et importantes opérées par les autres intervenants aux travaux de restructuration qui ont affecté d'autant plus le fonctionnement des équipements en cause que ces derniers n'étaient protégés que par une bâche de polyane ; que dans ces conditions, les premiers juges n'étaient pas fondés à rejeter les conclusions de la SNCF tendant à la mise en jeu de la responsabilité des sociétés intervenant sur le chantier, même une fois la réception des travaux effectuée, alors que le décompte général et définitif des travaux n'avait pas été établi ; qu'en outre, le lien direct entre l'intervention des différents constructeurs et la survenue des désordres litigieux est suffisamment établi par le rapport d'expertise, les photographies, les comptes-rendus de chantier, et les dommages pouvant même précisément être mis en relation avec l'entreprise concernée, sur un chantier qui n'était pas ouvert au public ; que par suite, le jugement attaqué, en ce qui concerne les conclusions présentées par la SNCF quant à son préjudice propre et mettant en cause les autres intervenants du chantier, doit être annulé ;

Considérant par ailleurs, que les atteintes susmentionnées ne peuvent relever de la prise en charge par le compte prorata, selon les termes de l'article 2.5.2 de la convention CNIM/SNCF, dès lors que les entreprises responsables peuvent être clairement identifiées ; qu'en effet, il s'agissait notamment des dégagements de grands volumes de poussières abrasives et de gravats, de la déformation des balustrades des escaliers dont s'agit due à la pose de charges lourdes ou par percussion d'une canalisation de pompe à béton le 18 mai 2001 suffisamment constatés, ou des éclats par tronçonnage des dalles de marbre ou de profilés métalliques, ou encore du bris de trois marches constaté en réunion de chantier le 16 mai 2001 après chute de matériaux, et d'autres encore décrites en son rapport par l'expert, de tels incidents relevant de la responsabilité contractuelle des entreprises concernées, s'agissant d'atteintes portées à un bien acquis par le maître d'ouvrage, durant les travaux qu'elles entreprenaient ;

Considérant cependant, qu'il apparaît également dans le même rapport d'expertise, que si la société CNIM n'a pris que les mesures de précaution qui lui ont été demandées lors des réunions de coordination, elle avait suffisamment averti la SNCF des protections nécessaires à installer sur les escaliers mécaniques pendant les travaux, l'établissement public ne contestant pas avoir dû faire retirer durant le chantier les protections normalement prévues par l'installateur ; qu'en outre, la SNCF également maître d'oeuvre par sa filiale AREP, aurait dû, dans le contexte des retards accumulés sur le chantier par les entreprises, prendre toutes les précautions nécessaires afin de protéger dans la mesure du possible les équipements en question durant les opérations de gros oeuvre ou les opérations techniques proches, alors même qu'elle était tenue par les conditions d'inauguration et d'exploitation du TGV, et qu'une protection plus lourde aurait pu gêner les intervenants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la responsabilité des dommages à l'origine du préjudice invoqué par SNCF et d'un montant de 120 438 euros, doit être attribuée à hauteur de 50 % à la SNCF, maître d'oeuvre de l'opération et responsable du calendrier des interventions, et pour le reste aux sociétés intervenantes susmentionnées, hors la CNIM, du fait du retard dans l'avancement de leurs travaux et des dégradations portées aux escaliers mécaniques, propriétés du maître d'ouvrage ; que ces dommages engagent ainsi la responsabilité entière de la SNCF-AREP en sa qualité de maître d'oeuvre, mais également celle des autres sociétés intervenant sur le chantier dont s'agit ;

Sur le préjudice de la SNCF :

Considérant que le préjudice invoqué d'un montant de 120 438 euros, n'est pas utilement contesté par les sociétés Protech Bâtiment, Alquier, Léon Grosse, Dervaux, et Guinet Derriaz, étant en outre sensiblement inférieur au montant du préjudice retenu par l'expert ; que la SNCF demande la condamnation solidaire des sociétés susmentionnées au titre de ce préjudice lequel, conformément à ce qui précède, restera pour 50 % à sa charge, soit une somme de 60 219 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, ainsi que des conclusions du rapport d'expertise mettant en cause les cinq sociétés susmentionnées dans la survenue des dommages, que la SNCF a dû assumer un préjudice propre du fait des détériorations des escaliers mécaniques litigieux durant la conduite du chantier dont s'agit ; que le 18 mai 2001, une canalisation de pompe à béton a percuté la balustrade de l'escalier mécanique n° 3 provoquant une déformation de celle-ci de 5 cm ; que les jours suivants, des coulures d'eau et de béton sont imputables aux opérations de génie civil conduites par l'entreprise Léon Grosse ; que le 21 mai 2001, il a été constaté que les ouvriers de la société Guinet Derriaz empruntaient les escaliers pour le transport des dalles de sol en appui sur les balustrades, et alors que les polyanes avait été déposés, tandis que des outillages étaient déposés sur les couvercles en aluminium anodisés, le personnel circulant sur les capots ; que les autres constats portés au rapport d'expertise ne permettent pas, par leur imprécision de date et par l'absence de constat dressé, d'attribuer à l'une des autres entreprises présentes sur le chantier la responsabilité d'une dégradation des escaliers en cause ; qu'ainsi, conformément aux niveaux retenus par l'expert, les sociétés Léon Grosse et Guinet Derriaz devront réparer le dommage causé à la SNCF à hauteur respectivement de 30 % et de 20 % de la part ne relevant pas de la SNCF ; qu'il suit de là que les préjudices qui doivent être mis à la charge des sociétés précédemment citées, s'établissent respectivement à 36 131, 40 euros, et à 24 087, 60 euros ;

Considérant toutefois, que la société Guinet Derriaz fait valoir qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à son encontre par jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 17 juillet 2004, puis un plan de cession arrêté par jugement du même tribunal en date du 3 mai 2005, et que dès lors est irrecevable la demande indemnitaire de la SNCF à son encontre ; que l'article L. 622-24 alinéa 1 du code de commerce dispose qu'à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat ; que le litige entre la société CNIM et la SNCF a débuté en 2002 ; que l'appel en garantie par la SNCF des sociétés a eu lieu en réponse à la saisine du TA de Paris par la société CNIM les 18 décembre 2004 et 12 avril 2006 ; qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées ; que la circonstance que la SNCF dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés sur un ouvrage qui lui est affecté et par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle ou n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion, est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur ses conclusions, qu'elles tendent à la condamnation définitive de l'entreprise ou à l'octroi d'une provision, dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance ; qu'il y a lieu, dès lors d'admettre la recevabilité de la demande indemnitaire de la SNCF à l'encontre de la société Guinet Derriaz ;

Considérant en outre, que si la société Guinet Derriaz demande elle-même à être garantie par la société OTH Méditerranée, une telle demande, à la supposer recevable, doit être écartée, compte tenu de ce que le dommage en cause résulte de l'exécution des travaux confiés à la première société, et de ce que la seconde société, à laquelle vient aux droits la société Iosis Méditerranée, n'avait qu'une mission d'assistance et de contrôle ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que la SNCF a droit aux intérêts au taux légal de la somme susmentionnée de 60 219 euros à compter du 8 avril 2005, date d'enregistrement de la demande au Tribunal administratif de Paris ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 18 octobre 2008 ; qu'à cette date, il était dû une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en raison du partage à moitié de responsabilité entre d'une part la SNCF et d'autre part les sociétés Léon Grosse et Guinet Derriaz, il n'y a pas lieu de mettre à leur charge, non plus qu'à la charge des autres parties ci-dessus mentionnées et attraites au litige, ensemble, le versement réciproque à chacune d'entre elles des sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, la SNCF n'étant pas la partie perdante au litige qui l'oppose à la société CNIM, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société CNIM à l'encontre de la SNCF sur le fondement des mêmes dispositions susvisées à hauteur de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0425833/6-2 du 12 novembre 2008 est annulé.

Article 2 : Les sociétés Léon Grosse et Guinet Derriaz sont condamnées de manière solidaire à verser à la SNCF les sommes respectives de 36 131, 40 euros et de 24 087, 60 euros, soit au total la somme de 60 219 euros. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2005, lesquels seront capitalisés à compter du 18 octobre 2008, ainsi qu'à chaque échéance anniversaire ultérieure.

Article 3 : Les surplus des conclusions de la requête et des conclusions incidentes et reconventionnelles présentées par les sociétés CNIM, Protech Bâtiment, Alquier, Léon Grosse, Baudin-Châteauneuf Dervaux, Guinet Derriaz, et Iosis Méditerranée, sont rejetés.

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N° 09PA00288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA00288
Date de la décision : 30/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-05-30;09pa00288 ?
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