Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 22 juillet et le 30 novembre 2009, régularisés par le mémoire enregistré le 18 décembre 2009, présentés pour le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, par la SCP Peignot-Garreau ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0619446/3-2 en date du 20 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 5 juillet 2006 par lequel le préfet de police a interdit à l'association des Anciens du Lycée Lamoricière d'Oran (ALLO) la manifestation de ravivage de la flamme sur la tombe du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe prévue le même jour à 18 h 30 et a rejeté les conclusions indemnitaires de l'association ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association des Anciens du Lycée Lamoricière d'Oran devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de ladite association la somme de 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu la loi du 8 juin 1935 ;
Vu le décret du 23 octobre 1935 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2011 :
- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,
- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,
- et les observations de Me Nese, pour l'association des Anciens du Lycée Lamoricière d'Oran (ALLO) ;
Considérant que, le 5 juin 2006, le président du comité de la flamme sous l'Arc de Triomphe a autorisé une délégation de l'association des Anciens du Lycée Lamoricière d'Oran, qui souhaitait honorer la mémoire de civils victimes des évènements survenus à Oran le 5 juillet 1962, à participer au ravivage de la flamme du souvenir sur la tombe du soldat inconnu le 5 juillet 2006 à 18h30 ; que, par le jugement susvisé en date du 20 mai 2009, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 5 juillet 2006 par lequel le préfet de police a interdit ladite manifestation et a rejeté les conclusions indemnitaires de l'association ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES doit être regardé comme faisant appel du jugement en date du 20 mai 2009 en tant seulement que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a annulé ledit arrêté ; que, par la voie de l'appel incident, l'association des Anciens du Lycée Lamoricière d'Oran demande que l'État soit condamné à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des termes mêmes du mémoire en défense devant les premiers juges que le préfet de police doit être regardé comme ayant soulevé le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que, en l'absence même de trouble à l'ordre public, il lui appartenait d'interdire la manifestation envisagée en raison de ce que la flamme du souvenir et le tombeau du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe ne sauraient être utilisés à des fins d'expression de querelles partisanes et d'affrontements idéologiques, lesquels sont sans rapport avec le symbole qu'ils représentent ; que, dès lors, le ministre est fondé à soutenir que le jugement attaqué par lequel les premiers juges ont annulé la décision du préfet est à cet égard insuffisamment motivé, faute d'avoir répondu à ce moyen, et à en demander l'annulation ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentées par l'association des Anciens du Lycée Lamoricière d'Oran devant le Tribunal Administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté susvisé ;
Sur la légalité de l'arrêté du 5 juillet 2006 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés par l'association ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public : Si l'autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public, elle l'interdit par un arrêté qu'elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration au domicile élu (...) ; que le respect de la liberté de manifestation ne fait pas obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir de police interdise une activité si une telle mesure est seule de nature à prévenir un trouble à l'ordre public ;
Considérant que, pour interdire la cérémonie litigieuse, le préfet de police s'est fondé sur ce que la manifestation était susceptible de créer des troubles à l'ordre public sous l'Arc de Triomphe, notamment du fait de la présence de manifestants opposés à la cérémonie ; que l'administration fait valoir que plusieurs associations et personnalités avaient appelé l'attention des pouvoirs publics sur les dangers d'une telle cérémonie et ont informé le préfet de police de leur intention de s'opposer par leur présence à la participation d'associations faisant, selon elles, l'apologie de l'organisation de l'armée secrète (OAS) et auxquelles elles imputaient des troubles suvenus lors de manifestations antérieures ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ladite cérémonie, eu égard à son caractère limité et à la configuration des lieux, était de nature à menacer l'ordre public dans des conditions telles qu'il ne pouvait être paré à tout débordement à cet endroit par des mesures de police appropriées, excluant l'interdiction de cette manifestation, alors même que le caractère insuffisant du service d'ordre allégué n'est nullement établi par l'administration qui se borne à invoquer la circonstance qu'un match de football de coupe du monde se déroulait le même jour ; que, dès lors, le préfet de police ne pouvait, sans porter une atteinte illégale à la liberté de manifestation, prendre la mesure d'interdiction contestée excédant ce qui était nécessaire au maintien de l'ordre public ; que, si l'administration fait valoir que les lieux retenus n'ont pas vocation à être utilisés à des fins d'expression de querelles partisanes et d'affrontements idéologiques, en tout état de cause, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'une mesure d'interdiction de la manifestation aurait été nécessaire à cet égard pour y assurer la tranquillité publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté susmentionné est entaché d'illégalité et ne peut qu'être annulé ;
Sur les conclusions de l'appel incident de l'association tendant à la réparation du préjudice moral :
Considérant que le Tribunal administratif de Paris a, par l'article 1er du jugement attaqué, annulé la décision susmentionnée du préfet de police ; que le ministre doit être regardé comme demandant l'annulation de ce jugement en tant qu'il annule ladite décision, ainsi qu'il a été dit ; que les conclusions susmentionnées de l'appel incident de l'association des Anciens du Lycée Lamoricière d'Oran qui doivent être regardées comme dirigées contre l'article 3 du jugement soulèvent un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal ; que, dès lors, lesdites conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que, compte tenu des succombances respectives des parties, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés par l'association et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 20 mai 2009, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 5 juillet 2006 du préfet de police, est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 5 juillet 2006 du préfet de police est annulé.
Article 4 : L'État versera à l'association des Anciens du Lycée Lamoricière d'Oran la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les surplus des conclusions des parties sont rejetés.
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N° 09PA04492