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11/04/2011 | FRANCE | N°10PA03644

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 11 avril 2011, 10PA03644


Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2010, présentée pour M. Tony A, demeurant ..., par Me Quemoun ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0720161/6-1 du 21 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 190 000 euros en réparation des préjudices moral et matériel subis du fait du décès de sa mère, survenu à la suite de deux appels téléphoniques adressés au SAMU ;

2°) d'annuler la décision en date du 17 octobr

e 2007 de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris de rejet de sa demande préalabl...

Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2010, présentée pour M. Tony A, demeurant ..., par Me Quemoun ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0720161/6-1 du 21 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 190 000 euros en réparation des préjudices moral et matériel subis du fait du décès de sa mère, survenu à la suite de deux appels téléphoniques adressés au SAMU ;

2°) d'annuler la décision en date du 17 octobre 2007 de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris de rejet de sa demande préalable, et de condamner cet établissement à lui verser la somme susmentionnée ;

3°) d'ordonner à titre subsidiaire, une mesure d'expertise, afin d'établir le lien de causalité ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 21 octobre 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant au requérant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 16 juillet 2010 ;

Vu les codes de la santé publique et de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2011 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Ben Ammar pour M. A, et celles de Me Tsouderos pour l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ;

Considérant qu'estimant que le décès de sa mère est imputable à deux fautes du service d'aide médicale d'urgence (SAMU) de l'hôpital Necker à Paris, relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), et notamment de son médecin régulateur joint par deux fois par téléphone le 13 octobre 2006 à 22H19 et le lendemain à 8H07, et résultant d'une part du refus d'hospitaliser l'intéressée en urgence et d'autre part de ne pas envoyer de secours concomitamment à ceux dépêchés par les sapeurs-pompiers de Paris, M. A a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de l'établissement public hospitalier à raison de ce décès, et à ce qu'il soit condamné à lui réparer les préjudices moral et matériel qui lui sont liés ; que M. A relève régulièrement appel du jugement susmentionné en date du 21 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que Mme Maria A, née le 2 février 1923, a ressenti une altération de son état de santé à compter du mois d'août 2006, présentant alors des lourdeurs dans les jambes pour lesquelles elle a utilisé un gel lui développant une réaction allergique, entraînant des oedèmes, à propos desquels son médecin traitant a suspecté un problème cardiaque pour lequel il lui a prescrit un traitement le 26 septembre 2006, assorti de divers examens ; que lors de sa dernière visite le 12 octobre 2006, ce médecin avait alors noté une légère amélioration de l'état général, cependant que l'intéressée ne pouvait lui présenter la radiographie des poumons qu'il lui avait demandée ; que dès le lendemain, M. A, confronté aux difficultés de sa mère, a appelé le médecin régulateur du SAMU à 22H19, celui-là soutenant qu'il avait fait part à ce médecin de la situation de santé de sa mère, notamment de ses difficultés respiratoires, alors que ledit médecin évoque une conversation confuse, ne se souvenant pas d'avoir discuté des résultats de l'analyse sanguine effectuée peu de temps auparavant, et ne reconnaissant pas avoir perçu d'informations relatives à ces mêmes difficultés respiratoires ; qu'il n'est pas contesté que ce médecin régulateur a émis des recommandations, mais n'a pas procédé à l'hospitalisation de Mme A ; que devant l'aggravation de l'état de santé de sa mère durant la nuit, M. A a rappelé le SAMU le 14 octobre à 8H07, le médecin régulateur décidant alors à 8H16 une hospitalisation par ambulance à l'hôpital du Perpétuel Secours ; que parallèlement, M. A a contacté la brigade des sapeurs-pompiers la plus proche entre 8H15 et 8H20, celle-ci décidant d'une intervention en prévenant toutefois de celle-ci le SAMU à 8H22, ce même service d'urgence annulant alors l'appel passé pour le transfert en ambulance ; que M. A recherche la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à raison de la mauvaise appréciation des conditions d'urgence par le médecin régulateur au soir du 13 octobre 2006, et de la renonciation à une intervention le lendemain matin ;

Considérant qu'il résulte notamment des termes des articles L. 6311-1 à L. 6314-1 et R. 712-71 à R. 712-83 du code de la santé publique, applicables à l'espèce, que le SAMU, qui comporte un centre de réception et de régulation des appels (centre 15), est chargé d'assurer une écoute médicale permanente, de déterminer et déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, de s'assurer de la disponibilité des moyens d'hospitalisation, publics ou privés, adaptés à l'état du patient, d'organiser le cas échéant le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires, de veiller à l'admission du patient ; qu'en outre, le médecin régulateur est chargé d'évaluer la gravité de la situation et de mobiliser l'ensemble des ressources disponibles (médecins généralistes, SMUR, ambulances), en vue d'apporter la réponse la plus appropriée à l'état du patient et de veiller à ce que les soins nécessaires lui soient effectivement délivrés ; qu'à cet effet, le médecin régulateur coordonne l'ensemble des moyens mis en oeuvre dans le cadre de l'aide médicale urgente, vérifie que les moyens arrivent effectivement dans les délais nécessités par l'état de la personne concernée et assure le suivi des interventions ; qu'enfin, la détermination par le médecin régulateur de la réponse la mieux adaptée se fonde sur trois critères, à savoir l'estimation du degré de gravité avérée ou potentielle de l'atteinte à la personne concernée, l'appréciation du contexte, l'état et les délais d'intervention des ressources disponibles, et dans le meilleur des cas, elle repose sur le dialogue entre le médecin régulateur et la personne concernée, qui du fait des circonstances, ne peut pas toujours être direct ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'autopsie établi le 31 octobre 2006, que le décès de Mme Maria A est survenu par décompensation d'une insuffisance cardiaque globale sur poly-pathologies, à savoir cachexie, diabète, cardiopathie valvulaire, diverticulose sigmoïdienne, ostéoporose, insuffisance veineuse périphérique et artériosclérose ; qu'ainsi, et alors même que le centre hospitalier n'a pas communiqué la retranscription de la conversation téléphonique entre le médecin régulateur et M. A, tenue au soir du 13 octobre 2006, l'appréciation portée par le médecin régulateur n'a pas tenu compte des multiples éléments de la santé de Mme A que son fils a nécessairement dû alors évoquer, notamment de son âge, alors que ce même médecin reconnaît dans le procès-verbal de police du 19 octobre 2006 à 15H00 que l'intéressé a insisté auprès de lui pour faire alors hospitaliser sa mère ; que par ailleurs et en toute hypothèse, la défenderesse ne peut, s'agissant de ce premier échange téléphonique, mettre en avant ni le caractère infondé de l'appel à hospitalisation formulé par M. A de manière claire compte tenu du tableau clinique suffisamment décrit, et corrélativement la perte d'une chance de survie de la patiente, ni la situation déjà alarmante de celle-ci ne pouvant conduire qu'à une issue fatale et pour laquelle, en toute hypothèse, elle ne pouvait qu'intervenir en urgence ; que dès lors, et nonobstant les contraintes spécifiques qui pèsent sur son activité, l'attitude fautive du médecin régulateur, lors du premier appel téléphonique au soir du 13 octobre 2006, est de nature à engager la responsabilité du service lui-même, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le caractère fautif de la renonciation à toute intervention de ce même service le lendemain matin, concomitamment à l'intervention des sapeurs-pompiers ; que le jugement attaqué doit ainsi être annulé ;

Sur le préjudice indemnisable et l'étendue de la réparation :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A conséquemment au décès de sa mère en les évaluant, dans les conditions de l'espèce propres à l'âge et à l'état de santé préexistant de sa mère, à la somme de 6 000 euros ; que toutefois, lorsque la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a fait perdre à celui-ci une chance d'éviter le dommage constaté, la réparation qui incombe à cet établissement doit alors être évaluée à une fraction de ce dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; que si le rapport d'autopsie a mis en évidence que la cause de la mort de Mme Maria A est due à une décompensation d'une insuffisance cardiaque globale sur poly-pathologie, il n'apparaît pas au dossier que celle-ci se soit trouvée en phase terminale , alors qu'au contraire, parmi les causes contradictoires relevées par l'établissement défendeur, se trouvent les circonstances relatées de la visite, la veille, du médecin traitant ayant écarté la nécessité d'une hospitalisation et l'appréciation du médecin régulateur selon laquelle le cas de l'intéressé ne correspondait pas à une situation d'urgence ; que le préjudice indemnisable doit ainsi en l'espèce, être évalué à 50 % du dommage soit 3 000 euros ; que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris doit dès lors être condamnée à payer à M. A, la somme de 3 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0720161/6-1 du 21 mai 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'Assistance publique - hôpitaux de Paris est condamnée à verser à M. A la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Article 3 : Les surplus des conclusions de la requête et de la demande de M. A sont rejetés.

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N° 10PA03644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03644
Date de la décision : 11/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : QUEMOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-04-11;10pa03644 ?
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