Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2010, présentée pour Mme Dominique A, demeurant ..., M. Jean-Pierre A, demeurant ..., Mlle Emilie A, demeurant ..., et Mlle Cyrielle A, demeurant ..., par Me Bineteau ; les consorts A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0608672/6-1 en date du 31 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme A la somme de 52 600 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C et à verser à son époux et à ses filles la somme de 15 000 euros chacun en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2006 et de la capitalisation des intérêts à compter du 12 octobre 2009 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 30 mars 2006 par laquelle l'EFS a rejeté leur demande préalable d'indemnisation ;
3°) de condamner l'EFS à leur verser la somme globale de 97 600 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de leur demande préalable indemnitaire ;
4°) de mettre à la charge de l'EFS une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 et notamment son article 67 ;
Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2011 :
- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Lerat, pour les consorts A ;
Connaissance prise de la note en délibéré présentée le 17 mars 2011 pour les consorts A ;
Considérant que Mme A a reçu lors d'un accouchement en avril 1981 une injection d'immunoglobulines anti-D, en raison d'un risque d'incompatibilité de rhésus entre son groupe sanguin et celui de son enfant ; que de telles injections de produits dérivés du plasma ont également été pratiquées en mai 1984 à l'occasion d'une grossesse extra-utérine, en août 1985 au décours d'une intervention de cerclage du col de l'utérus et en février 1986 lors d'un nouvel accouchement ; qu'un bilan sanguin a révélé en juin 1998 qu'elle était atteinte d'une hépatite C ; que Mme A, son époux et ses deux enfants ont recherché la responsabilité de l'EFS et celle de l'ONIAM dans la contamination de celle-ci par le virus de l'hépatite C ; que le Tribunal administratif de Paris a par jugement du 31 décembre 2009, dont les intéressés relèvent régulièrement appel, rejeté leur demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de cette contamination ;
Sur la mise en cause de l'ONIAM :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale : Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4. / Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite C et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination, notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. (...) ; que cet article institue au profit de ces victimes, une procédure de règlement amiable devant l'ONIAM ; que le paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 précitée prévoit que : A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. / Dans le cadre des actions juridictionnelles en cours visant à la réparation de tels préjudices, pour bénéficier de la procédure prévue à l'article L. 1221-14 du même code, le demandeur sollicite de la juridiction saisie un sursis à statuer aux fins d'examen de sa demande par l'office. / Cependant, dans ce cas, par exception au quatrième alinéa de l'article L. 1221-14 du même code, l'échec de la procédure de règlement amiable ne peut donner lieu à une action en justice distincte de celle initialement engagée devant la juridiction compétente ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que leur entrée en vigueur est subordonnée à celle des décrets en Conseil d'Etat prévus par les articles L. 1221-14 et suivants du code de la santé publique ; que le décret susvisé du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant notamment de contaminations par le virus de l'hépatite C, a introduit dans le code de la santé publique une section relative à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang aux articles R. 1221-69 et suivants de ce code ; qu'aux termes de l'article 7 dudit décret : Les dispositions du présent décret relatives à l'indemnisation des préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang sont applicables quelle que soit la date de réalisation de la transfusion ou de l'injection. Elles sont applicables aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. et qu'aux termes de son article 8 : Les dispositions du présent décret entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de l'arrêté de nomination des membres du conseil d'orientation et au plus tard avant le 1er juillet 2010. ; qu'à la date du présent arrêt les dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique sont donc entrées en vigueur ; que par conséquent l'ONIAM est substitué de plein droit à l'Etablissement français du sang, pour indemniser, le cas échéant, le préjudice subi par les requérants ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion ou d'une injection de médicament dérivé du sang, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;
Considérant que comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, et selon les conclusions du Docteur C, expert désigné par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, dans son rapport en date du 4 janvier 2005, il est établi que Mme A a reçu quatre doses d'immunoglobulines anti-D les 30 avril 1981, 24 mai 1984, 2 août 1985 et 22 février 1986 ; que toutefois aucune enquête transfusionnelle n'a pu aboutir en l'absence d'identification de certains des lots qui lui ont été administrés et de l'indisponibilité des archives concernant ces produits ; que si les consorts A imputent la contamination de Mme A à ces injections, ces produits, fournis par le centre national de transfusion sanguine, subissaient selon l'expert, à l'époque des faits, des étapes d'inactivation virale consistant en une précipitation fractionnée du plasma par l'alcool puis un traitement en milieu acide pH4 ; que l'expert indique également que les études scientifiques n'ont identifié que de rares cas de contamination par le virus de l'hépatite C imputables à ce type de produit ; que l'EFS et l'ONIAM font valoir que ces cas de contamination n'ont pas été relevés en France où était utilisée la méthode du traitement en milieu acide pH4 ; que si l'expert indique que des étapes supplémentaires d'inactivation du virus ont été introduites à partir de 1987, il admet que le traitement en milieu acide pH4 était reconnu comme efficace par les études scientifiques disponibles et en conclut que cette notion nous paraît diminuer la vraisemblance de la contamination de Madame C. par cette voie ; qu'il résulte en outre de l'instruction que Mme A a subi avant la découverte de sa contamination plusieurs interventions invasives, notamment des extractions dentaires et une coloscopie, que l'expert a mentionné comme possibilités de contamination sans toutefois qu'elles puissent être prouvées ; qu'un facteur nosocomial ne peut donc être totalement exclu dans la contamination de Mme A ; que l'expert indique au surplus que 20 à 30% des cas d'hépatite C demeurent d'origine inexpliquée ; qu'il conclut qu'il est possible que ni l'une ni l'autre des quatre administrations d'immunoglobulines anti-D soit la cause de la contamination virale recherchée mais nous ne sommes certainement pas en mesure de l'affirmer avec certitude ni même de préciser le taux chiffré de vraisemblance. ; que, dans ces conditions, et alors même que Mme A n'a pas été exposée, par son mode de vie, à un risque de contamination par le virus de l'hépatite C, les requérants ne peuvent être regardés comme apportant un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de la contamination de Mme A par les injections d'immunoglobulines reçues un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que la responsabilité de l'EFS, auquel l'ONIAM est désormais substitué, ne pouvait par suite être engagée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation de leurs préjudices ; que par voie de conséquence leurs conclusions aux fins d'annulation de la décision du 30 mars 2006 par laquelle l'EFS a rejeté leur demande préalable d'indemnisation doivent également être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par les consorts A doivent dès lors être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête des consorts A est rejetée.
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N° 10PA01074