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23/03/2011 | FRANCE | N°07PA04663

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2011, 07PA04663


Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2007, présentée pour la société GRAVILUX, dont le siège est situé 5 rue des Gravilliers à Paris (75003), par Me D'Alboy ; la société GRAVILUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203809 du 2 octobre 2007 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du

1er septembre 1995 au 31 août 1998, ainsi que des pénalités y afférentes et de l'

amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1840 N sexies du code général d...

Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2007, présentée pour la société GRAVILUX, dont le siège est situé 5 rue des Gravilliers à Paris (75003), par Me D'Alboy ; la société GRAVILUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203809 du 2 octobre 2007 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du

1er septembre 1995 au 31 août 1998, ainsi que des pénalités y afférentes et de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1840 N sexies du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2011 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que la société GRAVILUX, spécialisée dans le négoce en gros d'articles de maroquinerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du

1er septembre 1995 au 31 août 1998, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été réclamés, ainsi qu'une amende et des pénalités fondées, respectivement, sur les articles 1840 N sexies et 1729 du code général des impôts ; qu'à la suite du rejet par l'administration de ses réclamations contentieuses formées contre ces redressements, la société GRAVILUX a saisi le Tribunal administratif de Paris de ce litige ; que par jugement du 2 octobre 2007, ce tribunal a déchargé la société requérante des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour un montant de 3 050,66 euros, ainsi que des intérêts de retard y afférents et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que la société GRAVILUX relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ce surplus ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par trois décisions des 7 décembre 2009, 11 mai et 27 septembre 2010, le directeur du contrôle fiscal Ile de France-est a prononcé le dégrèvement à hauteur de 34 239 euros de l'amende mise à la charge de la requérante sur le fondement 1840 N sexies du code général des impôts et à hauteur de 50 756 euros, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel l'intéressée a été assujettie au titre de la période du 1er septembre 1995 au 31 août 1998 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

Considérant qu'aux termes de l'article R* 256-1 du livre des procédures fiscales : L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de redressement contradictoire, il fait référence soit à la notification prévue à l'article L. 57 et, le cas échéant, aux différentes pièces de procédure adressées par le service informant le contribuable d'une modification des rehaussements, soit au document adressé au contribuable qui comporte l'information prévue au premier alinéa de l'article L. 48. ;

Considérant que l'avis de mise en recouvrement du 15 mars 2001 indique le montant de l'amende mise en recouvrement sur le fondement de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, précise qu'il s'agit d'une amende et renvoie, en outre, à la notification de redressements du 22 novembre 1999 à laquelle était annexé le procès-verbal du 3 novembre 1999 constatant les infractions commises à ce titre ; qu'il est, par suite, conforme aux dispositions précitées, seules applicables, du premier alinéa de l'article R* 256-1 du livre des procédures fiscales ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, qui se prévaut de ce que le deuxième alinéa de cet article ne prévoit une référence à la notification de redressements qu'en ce qui concerne les mises en recouvrement consécutives à une procédure de redressement contradictoire, ce qui n'est pas le cas s'agissant de ladite amende, l'avis litigieux ne saurait être regardé comme entaché d'irrégularité au seul motif qu'il comporte de manière surabondante une telle référence ;

En ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux :

Considérant qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. [...] ; qu'il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est, notamment, subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre ; que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que, s'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajouté est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur ;

Considérant, en premier lieu, que la société GRAVILUX, à qui incombe, ainsi qu'il vient d'être dit, s'agissant des biens transportés par l'acquéreur, la charge d'établir la réalité de l'expédition des biens hors de France, n'a pas fourni les documents de nature à justifier la livraison effective de la marchandise en cause ; qu'elle soutient, en se prévalant de l'instruction fiscale 3 CA-92 du 31 juillet 1992, qu'elle doit être regardée comme apportant la preuve de cette livraison par la production de copies de factures portant l'adresse et le cachet de l'entreprise destinataire ; que, toutefois, l'instruction invoquée, d'où il ressort que la preuve de l'expédition des marchandises peut être apportée par tout moyen, la valeur de ces justifications devant être appréciée au cas par cas, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale dont la requérante serait susceptible de se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société GRAVILUX demande que soient exclus de la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée les montants figurant sur diverses factures qui correspondraient à des exportations de biens à destination d'autres pays de l'Union européenne ; qu'elle soutient qu'elle établit la réalité de ces exportations par des documents de transport, malgré l'indication de numéros d'identification communautaire erronés ; que, toutefois, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la livraison de ces marchandises en se bornant à fournir, outre les factures en cause, soit de simples bons d'enlèvement établis par des transporteurs, soit des documents de livraison incomplets ou imprécis, dépourvus de signature ou de cachet ou ne permettant pas d'établir le lien entre les biens livrés et ceux mentionnés sur les factures ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas des documents produits que les marchandises figurant sur les factures n° 9609223 et n° 9608165 auraient été exportées à destination de territoires étrangers à la réglementation régissant la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire ; que la société GRAVILUX ne saurait, en conséquence, demander pour ce motif l'exonération des sommes correspondantes ;

Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas des documents produits que les factures Modlux n° 9701265, n° 9602197 et, pour la moitié de son montant, n° 9711191, ainsi que les factures Byoux nos 9510188, 9511051, 9512023, 9709102, 9709202 et 9801066, auraient donné lieu à des paiements en provenance de l'étranger ; que la société GRAVILUX ne saurait, en conséquence, et en tout état de cause, demander pour ce motif la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ;

En ce qui concerne l'amende prévue par l'article 1840 N sexies du code général des impôts et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 modifié par l'article 80 de la loi du 23 décembre 1988 : (...) Les règlements qui excèdent la somme de cinq mille francs ou qui ont pour objet le paiement par fractions d'une dette supérieure à ce montant, portant sur les loyers, les transports, les services, fournitures et travaux ou afférents à des acquisitions d'immeubles ou d'objets mobiliers ainsi que le paiement des produits de titres nominatifs et des primes ou cotisations d'assurance doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement ou de crédit ; qu'aux termes de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, issu de l'article 3 de la même loi modifiée et dans sa rédaction applicable à la date de l'infraction relevée à l'encontre de la société GRAVILUX : Les infractions aux dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 relatives aux règlements par chèques et virements, qui prescrit d'effectuer certains règlements par chèque barré ou par virement bancaire ou postal, sont punies d'une amende fiscale dont le montant est fixé à 5 % des sommes indûment réglées en numéraire. Cette amende, qui est recouvrée comme en matière de timbre, incombe pour moitié au débiteur et au créancier, mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total ; que ces dispositions ont été modifiées par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et par l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, par lesquelles il a été procédé à la codification de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, étant passibles désormais, en vertu des dispositions combinées de l'article 1840 J du code général des impôts et des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire ; que ces dispositions ont ainsi substitué une amende dont le montant maximum peut atteindre 5 % des sommes indûment réglées en numéraire à une amende qui était antérieurement égale à 5 % de ces sommes ; qu'en vertu de ces nouvelles dispositions, le montant de l'amende doit être modulé, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, sans que celui-ci atteigne nécessairement le plafond fixé par la loi ; que, dès lors, ces nouvelles dispositions issues de la loi du 2 août 2005 et de l'ordonnance du 7 décembre 2005 prévoient des peines moins sévères que la loi ancienne ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société GRAVILUX a perçu des paiements en espèces pour des montants supérieurs aux seuils fixés par les dispositions combinées de l'article 1840 J du code général des impôts et des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, en raison de transactions portant sur des prestations entrant dans le champ d'application de ces dispositions ; que ces faits sont de nature à justifier la sanction ; que la circonstance, invoquée par la requérante, que les entreprises clientes de la société GRAVILUX étaient des entreprises étrangères et, par suite, n'étaient pas inscrites au registre du commerce et des sociétés, est sans incidence sur l'application des dispositions susvisées ; qu'il résulte de l'instruction que l'infraction a porté sur un montant total de 4 551 908 F réparti sur la période du 1er septembre 1995 au 31 août 1998, provenant de nombreuses sociétés ; que l'administration n'a retenu que les versements supérieurs à 3 000 euros soumis à l'amende en conséquence des dispositions de l'article 1er du décret n° 2010-662 du 16 juin 2010 ; que rien ne fait apparaître que la société aurait pu rencontrer des difficultés à se faire payer par chèque ou virement ; que, par suite, l'amende infligée à hauteur de 5 % des sommes indûment réglées en numéraire n'est pas disproportionnée ;

En ce qui concerne les pénalités de mauvaise foi :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date de l'imposition litigieuse : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie [...] ;

Considérant que la société GRAVILUX soutient que les manquements relevés à son encontre sont exclusivement imputables à une erreur, au demeurant contestée, et n'avaient aucun caractère intentionnel ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la société GRAVILUX s'est prévalue de manière systématique du régime d'exonération prévue par l'article 262 ter-I du code général des impôts, sans être en mesure d'établir que les conditions ouvrant droit à ce régime étaient réellement satisfaites ; que, dès lors, et eu égard également à la nature des manquements constatés, l'entreprise appelante doit être regardée comme ayant eu l'intention délibérée de minorer l'imposition due par elle ; que, par suite, c'est à bon droit que la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées a été appliquée par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GRAVILUX n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société GRAVILUX présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer, à hauteur du montant de 34 239 euros, sur les conclusions de la requête relatives à l'amende mise à la charge de la société GRAVILUX sur le fondement 1840 N sexies du code général des impôts et, à hauteur du montant de 50 756 euros, en droits et pénalités, sur les conclusions de la requête relatives au rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel l'intéressée a été assujettie au titre de la période du 1er septembre 1995 au 31 août 1998.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 08PA04258

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N° 07PA04663


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA04663
Date de la décision : 23/03/2011
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. Brunet
Rapporteur ?: Mme Joëlle ADDA
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : D'ALBOY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-03-23;07pa04663 ?
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