Vu la requête, enregistrée le 27 août 2008, présentée pour la société WILLI BETZ FRANCE, dont le siège est zone industrielle Pariest, rue de la Maison Rouge à Lognes (77185), par la société CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société WILLI BETZ FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-6945/7, 04-6950/7, 04-6955/7, 07-3373/7 du 2 juillet 2008 en tant que le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe professionnelle mis à sa charge dans les rôles de la commune de Lognes (Seine-et-Marne) au titre des années 1999, 2002 et 2004, dans les rôles de la commune de Strasbourg (Bas-Rhin), au titre des années 2000 et 2001, et dans les rôles de la commune de Quimper (Finistère), au titre des années 2000 et 2001 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ainsi que du complément de taxe professionnelle mis à sa charge au titre des années 2002, 2003 et 2004, dans les rôles de la commune de Strasbourg, et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 49 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2010 :
- le rapport de Mme Versol, rapporteur,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me Duchatel, pour la société WILLI BETZ FRANCE ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat :
Considérant, en premier lieu, que les quatre demandes présentées par la société WILLI BETZ FRANCE, enregistrées les 8 juillet 2003 et 3 mai 2007 au greffe du Tribunal administratif de Melun, le 9 juillet 2003 au greffe du Tribunal administratif de Rennes et le 2 février 2004 au greffe du Tribunal administratif de Strasbourg, dont le jugement a été attribué au Tribunal administratif de Melun par ordonnance du 25 novembre 2004 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, tendaient uniquement à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge, en premier lieu, dans les rôles de la commune de Lognes (Seine-et-Marne) pour les années 1999, 2000, 2001, 2002 et 2004, en deuxième lieu, dans les rôles de la commune de Strasbourg (Bas-Rhin) pour les années 2000 et 2001, en troisième lieu, dans les rôles de la commune de Quimper (Finistère) pour les années 2000 et 2001 ; que si la société WILLI BETZ FRANCE a également présenté une demande enregistrée le 3 mai 2007 au greffe du Tribunal administratif de Strasbourg, tendant à la décharge du complément de taxe professionnelle mis à sa charge au titre des années 2002, 2003 et 2004 dans les rôles de la commune de Strasbourg, demande rejetée par jugement du 15 juillet 2010 du Tribunal administratif de Strasbourg, ses conclusions devant la Cour de céans tendant à la décharge dudit complément de taxe professionnelle sont irrecevables ;
Considérant, en second lieu, que, dans le délai de recours contentieux, la société WILLI BETZ FRANCE n'a présenté aucun moyen à l'appui de ses conclusions relatives aux compléments de taxe professionnelle mis à sa charge dans les rôles de la commune de Quimper (Finistère) pour les années 2000 et 2001, tant en ce qui concerne la régularité du jugement qui rejette ses conclusions à fin de décharge qu'en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition et le bien-fondé de ces impositions ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat à l'encontre desdites conclusions doit être accueillie ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ; qu'aux termes de l'article 1473 du même code, alors applicable : La taxe professionnelle est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés ou rattachés et des salaires versés au personnel ; qu'aux termes de l'article 1469, alors en vigueur, de ce code : La valeur locative est déterminée comme suit : (...) 3°(...) les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois ; il en est de même si le locataire n'est pas passible de la taxe professionnelle (...) ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1471 du code général des impôts, alors applicable : Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les modalités d'application de la taxe professionnelle aux entreprises qui exercent une partie de leur activité en dehors du territoire national , et qu'aux termes de l'article 310 HH de l'annexe II audit code, dans sa rédaction applicable : Pour les entreprises qui exercent une partie de leur activité en dehors du territoire national (...) : (...) 2° La valeur locative de l'ensemble des véhicules dont dispose une entreprise de transport (...), ainsi que de leurs équipements et matériel de transport, est retenue proportionnellement à la part, dans les recettes hors taxes de l'entreprise, de celles qui correspondent à des opérations effectuées dans les limites du territoire national et soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) ; que les recettes hors taxes de l'entreprise mentionnées par ces dispositions s'entendent des seules recettes provenant de l'activité de transport de l'entreprise, à l'exclusion, le cas échéant, de recettes issues d'activités d'une autre nature ; que constitue une entreprise de transport, au sens des mêmes dispositions, celle qui a pour objet de déplacer des marchandises, des voyageurs ou des bagages tout en assurant la maîtrise de l'opération ;
Considérant que la société WILLI BETZ FRANCE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur a remis en cause les bases imposables à la taxe professionnelle déclarées par la société pour ses établissements situés à Lognes et à Strasbourg, au motif que son activité ne constituait pas une activité de transport au sens des dispositions précitées de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que, durant la période de référence des impositions en litige, la société WILLI BETZ FRANCE a donné en location une partie des camions dont elle était propriétaire à sa société mère établie en Allemagne ; que cette société, qui centralisait les ordres de mission, affectait la réalisation des prestations à un exécutant et délivrait des notes de crédit mensuellement à la société requérante en contrepartie de la mise à disposition de son matériel de transport, dirigeait, coordonnait et contrôlait les opérations de transport réalisées avec les camions de la contribuable ; que, dans ces conditions, la société WILLI BETZ FRANCE ne peut être regardée comme ayant eu la maîtrise desdites opérations ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que l'activité en cause n'entrait pas, pour le motif susévoqué, dans les prévisions de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts ; qu'est sans influence à cet égard la circonstance selon laquelle la requérante serait considérée comme une entreprise de transport par ses clients et d'autres administrations ; que la requérante ne peut pas davantage utilement se prévaloir de ce qu'elle figure en qualité d'entreprise de transport sur les lettres de voiture, que les polices d'assurance qu'elle a souscrites couvrent ses activités de transport et que la position de l'administration méconnaîtrait l'intention des parties aux contrats de transport ;
Considérant, toutefois, en second lieu, qu'aux termes de l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. (...) ; qu'il résulte de ces stipulations, telles que les a interprétées la Cour de justice de l'Union européenne, que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent s'appliquer de manière non discriminatoire, se justifier par des raisons impérieuses d'intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ; qu'à cet égard, il incombe au juge national de se prononcer au vu des modalités concrètes d'application de la réglementation contestée devant lui ; que cet article s'oppose à l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre ;
Considérant qu'en l'espèce, les dispositions du 3° de l'article 1469 du code général des impôts ont pour conséquence, pour les locations de biens qui sont supérieures à six mois, d'inclure dans la base imposable à la taxe professionnelle la valeur locative desdits biens au nom du propriétaire, prestataire de service, lorsque le locataire est établi hors de France, ce dernier n'étant pas passible de la taxe professionnelle alors que ces mêmes biens ne sont pas imposables au nom du propriétaire lorsque le locataire est établi en France et assujetti à la taxe professionnelle ; que, par suite, lesdites dispositions sont susceptibles de décourager ou de dissuader d'exercer la libre prestation de services garantie par les stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors que le loueur devra, lorsque le locataire est établi hors de France, soit mettre la totalité de la taxe à la charge du locataire, ce qui rendrait le prix de location moins compétitif, soit supporter lui-même tout ou partie de la taxe, ce qui l'inciterait à renoncer à offrir sa prestation de service hors du territoire ; que le ministre n'invoque aucune raison impérieuse d'intérêt général de nature à justifier une telle restriction à l'exercice de la libre prestation de services entre Etats membres ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que lesdites dispositions du code général des impôts contreviennent au principe de libre prestation de services à l'intérieur de la Communauté, en méconnaissance des stipulations de l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, par suite, la société WILLI BETZ FRANCE est fondée à demander la décharge du complément de taxe professionnelle mis à sa charge, au titre des années 1999, 2002 et 2004, dans les rôles de la commune de Lognes, d'une part, et au titre des années 2000 et 2001, dans les rôles de la commune de Strasbourg, d'autre part ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête que la société WILLI BETZ FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe professionnelle mis à sa charge, d'une part, au titre des années 1999, 2002 et 2004, dans les rôles de la commune de Lognes (Seine-et-Marne) et, d'autre part, au titre des années 2000 et 2001, dans les rôles de la commune de Strasbourg (Bas-Rhin) ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société WILLI BETZ FRANCE et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La société WILLI BETZ FRANCE est déchargée du complément de taxe professionnelle mis à sa charge, au titre des années 1999, 2002 et 2004, dans les rôles de la commune de Lognes (Seine-et-Marne) et, au titre des années 2000 et 2001, dans les rôles de la commune de Strasbourg (Bas-Rhin).
Article 2 : Le jugement du 2 juillet 2008 du Tribunal administratif de Melun est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société WILLI BETZ FRANCE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société WILLI BETZ FRANCE est rejeté.
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N° 08PA04497