Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 23 avril 2010, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0912323/6-3 en date du 18 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 16 juin 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme Anne Désirée A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite, et a enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale ;
2°) rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2011 :
- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur ;
- et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;
Considérant que Mme A, de nationalité camerounaise, née le 4 novembre 1965, est entrée en France le 25 juillet 2000 munie d'un visa de court séjour ; qu'elle s'est mariée le 29 avril 2006 avec un ressortissant français ; qu'à la suite du dépôt de sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français, elle a bénéficié de récépissés de demande de carte de séjour du 15 juin 2006 au 14 février 2007 ; que son époux a introduit le 19 décembre 2006 une requête en divorce ; que, par l'arrêté en date du 13 février 2007, le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault, lui a refusé l'admission au séjour, et l'a obligée à quitter le territoire français, au motif notamment qu'elle ne remplissait pas les conditions de l'article L. 313-11.4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par le jugement en date du 21 juin 2007, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté son recours dirigé contre ledit arrêté, jugement confirmé par l'arrêt en date du 14 avril 2009 de la Cour administrative d'appel de Marseille ; que, le 29 avril 2008, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Montpellier a prononcé le divorce des époux ; que Mme A a une nouvelle fois sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 9 avril 2009 auprès du PREFET DE POLICE ; que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement en date du 18 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 16 juin 2009 refusant de délivrer à l'intéressée le titre de séjour sollicité, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite, et a enjoint à l'administration de délivrer à Mme B une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif. Il peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative dans les conditions prévues au titre V du présent livre ; qu'aux termes de l'article R. 775-2 du code de justice administrative : Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée. Il n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DE POLICE le 22 février 2010 ; que sa requête d'appel, formulée par télécopie et confirmée par lettre, a été enregistrée le 23 mars 2010, soit pendant le délai franc d'un mois prescrit par les dispositions précitées ; que, dès lors, la fin de non-recevoir pour tardiveté de la requête ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions du PREFET DE POLICE :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; qu'aux termes de l'article L. 312-12 du même code : (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale (...) ;
Considérant que Mme A fait valoir que ce sont les violences dont elle aurait été victime dès le 27 septembre 2006, de la part de son époux de nationalité française, qui l'ont obligé à quitter le domicile conjugal ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que la communauté de vie entre les époux avait cessé depuis la fin de l'année 2006 et que le divorce a été prononcé le 29 avril 2008 ; que, dès lors, en tout état de cause, à la date de l'arrêté contesté et, d'ailleurs, à la date à laquelle l'intimée a de nouveau sollicité la délivrance de ce qui aurait constitué un premier titre de séjour, et non le renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'épouse de français, qui ne lui a jamais été délivré, elle n'entrait pas dans le champ d'application du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne répondant plus à la condition d'être conjoint de français ; que, pour les mêmes motifs, elle ne relevait pas davantage du champ d'application de l'article L. 313-12 dudit code ; que, dans ces conditions, la circonstance qu'elle aurait subi des violences de la part de son conjoint est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que le PREFET DE POLICE n'a pas pris en compte les violences conjugales ayant entraîné la rupture de la vie commune, pour annuler l'arrêté susvisé en date du 16 juin 2009 refusant à Mme A le titre de séjour qu'elle avait sollicité, l'obligeant de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de son éloignement, et pour enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ; que, toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A ;
Sur la légalité de l'arrêté du 16 juin 2009 :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté querellé a été signé pour le PREFET DE POLICE par M. René C, chef du 9ème bureau à la direction de la police générale, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature régulière, intervenue par arrêté du 4 mai 2009 publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris le 12 mai 2009 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
Considérant que Mme B fait valoir qu'elle réside en France depuis plus de dix ans, qu'elle est parfaitement intégrée dans la société française, et qu'elle ne dispose plus de véritables attaches dans son pays d'origine ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressée est célibataire, sans charges de famille en France et que les documents produits établissent sa présence habituelle en France seulement à partir de l'année 2006 ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère, ses soeurs et ses trois enfants, et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, l'arrêté susvisé n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, l'arrêté contesté n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers précitées ; que les circonstances susmentionnées ne sont pas davantage de nature à faire regarder ledit arrêté comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ; / (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ;
Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il a la faculté de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que la demande de titre de séjour de Mme B, ayant donné lieu à l'arrêté contesté, aurait été présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même, d'ailleurs, que les documents produits ne sont pas, ainsi qu'il a été dit, de nature à établir la résidence habituelle en France de l'intéressée avant l'année 2006 ; que, dès lors, Mme D ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 16 juin 2009 refusant à Mme B le titre de séjour qu'elle avait sollicité, l'obligeant de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de son éloignement, et a enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 18 février 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
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N° 10PA01474