Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2009, présentée pour Mlle Jiji A, demeurant ..., par Me Rodrigue-Moriconi ; Mlle A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0809121/5 du 2 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2008 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, jusqu'à ce qu'elle ait statué sur sa demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en faveur de son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision en date du 19 novembre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant à la requérante le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 15 juillet 2009 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2010 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,
- et les observations de Me Rodrigue-Moriconi, représentant Mlle A ;
Considérant que Mlle Jiji A, ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 13 novembre 1989, a demandé le 5 mai 2008 son admission au séjour au préfet de police, sur les fondements relatifs à sa vie privée et familiale en France, faisant valoir également le suivi de sa scolarité en France ; que cette demande a été rejetée par la décision litigieuse du 13 novembre 2008 du préfet de Seine-et-Marne, lequel a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et fixé le pays de destination ; que Mlle A relève régulièrement appel du jugement susmentionné par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à voir annuler l'arrêté préfectoral dont s'agit ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
Considérant que Mlle A fait valoir qu'elle est née de père inconnu et que sa mère est décédée le 9 septembre 1994 ; qu'elle est entrée en France en mai 2006, selon ses déclarations, à l'âge de 17 ans pour rejoindre sa grand mère et ses frère et soeurs, ainsi que ses oncles et tantes, tous en situation régulière ou de nationalité française présents sur le territoire français ; qu'elle poursuit une scolarité sérieuse depuis son arrivée et qu'elle prépare un baccalauréat de secrétariat au lycée professionnel Charles Baudelaire de Meaux ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est célibataire sans charge de famille ; qu'elle a vécu dans son pays d'origine en étant orpheline depuis le décès de sa mère et jusqu'à l'âge de 17 ans, et n'a quitté ce pays qu'en 2006 alors que sa grand mère l'avait déjà quitté en 2003, les autres membres de sa famille en 1981, 1987, 2001 et 2004 ; qu'elle n'établit pas, en tout état de cause et en l'absence de production des livrets de famille, être dépourvue d'attaches en République démocratique du Congo où demeurait encore son grand-père à la date de la décision litigieuse ; que la circonstance que la requérante suit une scolarité sérieuse et satisfaisante depuis son entrée en France, est sans incidence sur l'atteinte que pourrait porter l'arrêté litigieux à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que dès lors, et nonobstant la circonstance que l'intéressée n'aurait pu bénéficier de la procédure du regroupement familial, le refus prononcé le 13 novembre 2008 par le préfet de Seine-et-Marne n'a pu porter au droit de Mlle A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'ainsi, cette décision n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant par ailleurs et en tout état de cause, qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire (...) (est) subordonné à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ; qu'aux termes de l'article 7-7 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, repris à partir du 15 novembre 2006 à l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 3° de l'article 7 : a) L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies. (...) " ;
Considérant que Mlle A, âgée de 19 ans à l'époque des faits, suivait une classe de première année de préparation pour l'obtention d'un bac professionnel ; qu'elle ne remplissait aucune des conditions prévues par les textes précités, relatives au niveau de formation, à l'âge de début des études en France, ou à la nature des études qu'elle souhaitait poursuivre en France ; qu'ainsi, elle ne se trouvait à la date de la décision litigieuse dans aucun des cas dans lesquels il est possible d'obtenir une dérogation à l'obligation de produire un visa d'une durée supérieure à trois mois ; que, dès lors, le préfet n'avait ni à lui accorder une telle dérogation ni même à en envisager l'hypothèse ; qu'il en résulte que la requérante ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 313-7 et R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre du refus opposé à sa demande de titre de séjour ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que les conclusions de la requête à fin d'annulation du refus de séjour contenu dans l'arrêté litigieux du 13 novembre 2008, doivent être rejetées ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, à la suite de son entrée en France, a entamé un cursus scolaire à la rentrée de 2006, au sein du lycée Charles Baudelaire sis à Meaux, obtenant tout d'abord en juillet 2007 le diplôme national du brevet, en série professionnelle, puis le diplôme de brevet d'études supérieures dans les métiers du secrétariat le 1er juillet 2008, et poursuivait ensuite sa scolarité, de manière sérieuse et satisfaisante, durant l'année 2008-2009, afin d'obtenir son baccalauréat professionnel, en étant soutenue par sa tante, Mme B, qui l'hébergeait ; qu'elle avait obtenu jusque-là et encore durant la première partie de l'année scolaire 2008-2009 des résultats satisfaisants, obtenant les encouragements ainsi que de bonnes appréciations de ses professeurs, lesquels soulignaient son assiduité ; que l'intéressée démontrait ainsi le sérieux du parcours scolaire qu'elle avait suivi et qui n'était pas achevé ; que dans ces conditions, l'arrêté litigieux en date du 13 novembre 2008 assorti d'une obligation de quitter le territoire, aurait eu pour effet d'obliger Mlle A à interrompre ses études en cours d'année et de lui faire perdre une chance d'obtenir le diplôme à finalité professionnelle en cours de préparation, portant ainsi une atteinte grave à sa situation personnelle ; que dès lors, la décision distincte portant obligation pour l'intéressée de quitter le territoire français, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à ce titre par Mlle A, la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois doit être annulée ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant que l'annulation, par le présent arrêt, de la décision faisant obligation à Mlle A de quitter le territoire français implique, par voie de conséquence, l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel elle devait pouvoir être reconduit à l'expiration du délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est seulement en tant qu'elle était dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, contenues dans l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 13 novembre 2008, que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. " ;
Considérant que le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de Seine-et-Marne accorde à Mlle A un titre de séjour, mais seulement qu'en application des dispositions précitées, il lui soit délivré, dans un délai maximum d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué à nouveau sur son cas ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mlle A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il s'ensuit que son conseil est fondé à se prévaloir des dispositions combinées de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Rodrigue-Moriconi, avocat de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 2 juin 2009 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mlle A dirigées contre les décisions contenues dans l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 13 novembre 2008, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Article 2 : Les articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 13 novembre 2008 portant obligation de quitter la France et fixant le pays de destination sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à Mlle A dans le délai maximum d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas. L'administration tiendra le greffe (service de l'exécution) immédiatement informé des mesures prises en vertu de cette injonction.
Article 4 : L'Etat versera à Me Rodrigue-Moriconi la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A est rejeté.
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N° 09PA07217