Vu la requête, enregistrée le 3 février 2009, présentée pour la société SOCAPA, dont le siège est 75, avenue Parmentier à Paris (75011), par Me Dupoux, avocat ; la société SOCAPA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0204262/2-1 du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1996 au 30 avril 1998, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :
- le rapport de M. Niollet, rapporteur,
- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société SOCAPA qui exerçait une activité de distribution de produits informatiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a entendu remettre en cause certaines déductions de taxe sur la valeur ajoutée qui, selon elle, prenaient place dans un circuit de fraude, remettre en cause le régime suspensif de la taxe prévu à l'article 275 du code général des impôts pour certaines ventes, remettre en cause l'exonération de taxe dont la société avait bénéficié à raison de livraisons intracommunautaires sur le fondement des dispositions de l'article 262 ter du code général des impôts, et faire application des pénalités prévues en cas de manoeuvres frauduleuses au rappel relatif aux déductions et des pénalités de mauvaise foi au rappel de la taxe sur les livraisons intracommunautaires ; que la société SOCAPA relève appel du jugement du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires et des pénalités qui ont été établies en conséquence ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales : L'obligation du secret professionnel, telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts. / Le secret s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations (...) ;
Considérant que, si l'administration ne peut, en principe, fonder le redressement des bases d'imposition d'un contribuable sur des renseignements et des documents qu'elle a obtenus de tiers sans l'avoir informé, avant la mise en recouvrement, de l'origine et de la teneur de ces renseignements afin que l'intéressé ait la possibilité de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, telles que celles de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, citées ci-dessus, ou la vie privée peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sauf si le contribuable est débiteur solidaire de l'impôt dû par ce tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans sa notification de redressements en date du 19 mars 1999, l'administration a fait référence à des défaillances de certains fournisseurs de la société SOCAPA vis-à-vis de leurs obligations fiscales et a, en en précisant l'origine et de la teneur, fait état de documents et de renseignements recueillis auprès de tiers, lors de visites dans les locaux de la société CDS Luxembourg et au domicile de son dirigeant, et dans l'exercice de son droit de communication auprès de la société archives services pour obtenir des pièces de la comptabilité de la société Konnectic Réseau ; que, si la société SOCAPA a demandé à avoir communication de ces documents et de ces renseignements, ceux qui concernaient les défaillances de ses fournisseurs étaient couverts par le secret professionnel ; que la société SOCAPA ne saurait donc contester utilement le rejet de sa demande de communication par l'administration ;
Sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : I 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ; qu'aux termes de l'article 283 du même code : (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée (...) ; qu'aux termes de l'article 272 de ce code dans sa rédaction applicable en l'espèce : (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu ; que, pour l'application de ces dispositions, le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause la déduction par la société SOCAPA de la taxe sur la valeur ajoutée qui avait grevé les factures qui lui avaient été délivrées par les sociétés françaises Speed'up Technologie, Micom, Lentek et CDS Bastia à raison de l'achat de certains matériels informatiques, l'administration s'est fondée tout d'abord sur la circonstance que la société SOCAPA avait immédiatement refacturé ces mêmes matériels aux sociétés Konnectic Réseau et Tekelec qui les avaient à leur tour refacturés aux sociétés proline et CDS Luxembourg qui les avaient elles mêmes revendus aux sociétés française mentionnées ci-dessus ; que l'administration a également constaté que la société SOCAPA ne disposait d'aucun moyen matériel et humain ; qu'elle a en outre fait état de défaillances de certains fournisseurs de la société SOCAPA, notamment de la société Micom, vis-à-vis de leurs obligations fiscales ; qu'elle s'est enfin fondée sur le caractère systématique et sur l'importance croissante de ces opérations, pour estimer que la société savait ou aurait du savoir qu'elle participait à un circuit de fraude ;
Considérant que, si la société SOCAPA a, pour établir la réalité de la possession et du transport physiques des marchandises, soutenu qu'elle avait la disposition d'espaces de stockage auprès des sociétés Stil Transport et High Tech Logistics, il résulte de l'instruction que son dirigeant a au cours de la vérification de sa comptabilité admis que certains transferts de marchandises avaient lieu en dehors de ces espaces, et que son client, la société Tekelec, n'apparaît pas sur les listing informatiques de la société High Tech Logistics qui ne couvrent d'ailleurs que la période antérieure au 4 septembre 1997 ; que, si la société soutient avoir justifié pendant le contrôle de la réalité du transfert physique des marchandises en produisant les bons de commande, les factures, les prises en charge par les sociétés d'entreposage, les bons de livraison et de réception, et en précisant les modalités et dates des règlements, elle n'a en tout état de cause pas produit ces divers éléments devant la Cour ; que, contrairement à ce que la société soutient, ni la circonstance que les marchandises auraient été contrôlées par des experts extérieurs ou par son dirigeant, ni le rapport de la Direction nationale d'enquête fiscale établi le 2 février 2000, à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès des entreprises d'entreposage mentionnées ci-dessus, ni les diverses pièces produites relatives aux litiges judiciaires qui l'ont opposée aux sociétés Tekelec et Semcon Technologie à propos de livraisons portant sur d'autres matériels, ni la circonstance que l'administration n'a pas remis en cause la réalité des livraisons de la seule société CDS Bastia, ni la circonstance qu'elle aurait vu son chiffre d'affaires multiplié par dix au cours de la période vérifiée du fait de ses ventes à la société Tekelec, ni le rapport établi par un expert comptable dans le cadre de la procédure pénale dont son dirigeant a fait l'objet et qui a conduit à sa condamnation pour escroquerie, ni les diverses autres pièces qu'elle a produites, n'établissent la réalité des opérations en discussion ; que, si la société soutient enfin qu'elle n'avait à l'époque de ces opérations aucun moyen de savoir qu'elles pouvaient s'inscrire dans le cadre d'un circuit de fraude et qu'elle avait un intérêt économique à y prendre part, l'administration, en se référant au caractère systématique et à l'importance croissante de ces opérations, établit qu'elle savait ou aurait du savoir qu'elle participait à un tel circuit ; que la société SOCAPA n'est donc pas fondée à contester la remise en cause des déductions mentionnée ci-dessus ;
Sur les ventes en franchise de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 275 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : I. - Les assujettis sont autorisés à recevoir ou à importer en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée les biens qu'ils destinent à une livraison à l'exportation, à une livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou de l'article 262 quater ou à une livraison dont le lieu est situé sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne en application des dispositions de l'article 258 A, ainsi que les services portant sur ces biens, dans la limite du montant des livraisons de cette nature qui ont été réalisées au cours de l'année précédente et qui portent sur des biens passibles de cette taxe. / Pour bénéficier des dispositions qui précèdent, les intéressés doivent, selon le cas, adresser à leurs fournisseurs, remettre au service des douanes ou conserver une attestation, visée par le service des impôts dont ils relèvent, certifiant que les biens sont destinés à faire l'objet, en l'état ou après transformation, d'une livraison mentionnée au premier alinéa ou que les prestations de services sont afférentes à ces biens. Cette attestation doit comporter l'engagement d'acquitter la taxe sur la valeur ajoutée au cas où les biens et les services ne recevraient pas la destination qui a motivé la franchise, sans préjudice des pénalités prévues aux articles 1725 à 1740 (...) ;
Considérant qu'il est constant que la société SOCAPA n'a pu fournir les attestations de son client, la société Konnectic Réseau, qui étaient nécessaires pour bénéficier du régime de la vente en franchise prévu par les dispositions précitées de l'article 275 du code général des impôts, au cours de son exercice clos en 1996 ; que, dans ces conditions et alors même que l'administration avait autorisé la société Konnectic Réseau, à effectuer des achats en franchise de taxe dans les conditions prévues par ces mêmes dispositions, elle n'est pas fondée à contester la remise en cause de ce régime ;
Sur les livraisons intracommunautaires :
Considérant qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts : I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) ; qu'aux termes de l'article 289 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : (...) Tout assujetti doit également délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les livraisons de biens visées aux articles 258 A et 258 B et pour les livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter et du II de l'article 298 sexies, ainsi que pour les acomptes perçus au titre de ces opérations. (...) L'assujetti doit conserver un double de tous les documents émis. II. La facture ou le document en tenant lieu doit faire apparaître : (...) 2° Les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du vendeur et de l'acquéreur pour les livraisons désignées au I de l'article 262 ter et la mention Exonération T.V.A., art. 262 ter I du code général des impôts (...) ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre ; que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que, s'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajouté est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur ;
En ce qui concerne les livraisons à la société Berghman Electronics :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée dont la société SOCAPA avait bénéficié à raison de livraisons intracommunautaires à la société belge Berghman Electronics, l'administration a considéré que la société ne justifiait pas de la réalité de ces livraisons et a notamment relevé que le paiement par un chèque de banque de la société Micom dont le gérant était le représentant en France de la société Berghman Electronics laissait penser que les marchandises n'avaient pas quitté la France et que les factures délivrées à cette occasion ne satisfaisaient pas aux conditions fixées au 2°) du II de l'article 289 du code général des impôts, précité ; que la société SOCAPA n'établit en tout état de cause pas par la production d'une télécopie non datée, d'un bon de commande et de correspondances diverses de la société Berghman Electronics que ses marchandises auraient été livrées en Belgique ; qu'ainsi c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'exonération de taxe afférente à des livraisons que la société requérante soutient avoir faites à la société belge ;
En ce qui concerne les livraisons à la société Christalline Communication :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée dont la société SOCAPA avait bénéficié à raison d'une livraison intracommunautaire à la société britannique Christalline Communication, l'administration a considéré que la société ne justifiait pas de la réalité de la livraison en cause et a notamment relevé que la société Christalline Communication avait été radiée du registre de la taxe sur la valeur ajoutée britannique avec effet au 3 octobre 1996, que la lettre de voiture fournie par la société ne contenait pas le cachet de l'entreprise destinataire, que le paiement avait été effectué par un chèque établi au nom d'une banque installée à Paris, et que la facture délivrée à cette occasion le 9 mai 1997 ne satisfaisait pas aux conditions fixées au 2°) du II de l'article 289 du code général des impôts, précité ; qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société SOCAPA, la société Christalline Communication avait été radiée du registre de la taxe sur la valeur ajoutée britannique et que le numéro d'identification qui figurait sur la facture était erroné ; que les diverses pièces qu'elle a produites n'établissent pas que les marchandises facturées auraient été livrées au Royaume-Uni ; qu'ainsi c'est également à bon droit que l'administration a remis en cause l'exonération de taxe afférente à la livraison que la société soutient avoir faite à la société Christalline Communication ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :
Considérant que, pour assortir le rappel de taxe sur la valeur ajoutée relatif aux déductions des pénalités pour manoeuvres frauduleuses, l'administration a considéré que la société SOCAPA avait pris part à des circuits de facturation frauduleux ; que, contrairement à ce que la société soutient, il résulte des éléments mentionnés ci-dessus relevés par le service qu'elle ne pouvait ignorer son implication dans ces circuits ; qu'elle n'est donc pas fondée à contester l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses ;
En ce qui concerne les pénalités de mauvaise foi :
Considérant qu'en relevant que la société SOCAPA qui était en possession des pièces mentionnées ci-dessus, ne pouvait ignorer que ses marchandises n'étaient pas livrées en Belgique et au Royaume-Uni et qu'elle devait soumettre ses livraisons à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a établi la mauvaise foi de la société ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SOCAPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par la jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société SOCAPA est rejetée.
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N° 09PA00556
Classement CNIJ :
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