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29/11/2010 | FRANCE | N°09PA05166

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 29 novembre 2010, 09PA05166


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 17 août et 28 septembre 2009, présentés par le PREFET DE POLICE qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903535/5-2 en date du 11 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 18 février 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme Djodo A, lui faisant obligation de quitter le territoire français, et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée le 4 novembre 2008 par Mme A devant le Tribunal administr

atif de Paris ;

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Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 17 août et 28 septembre 2009, présentés par le PREFET DE POLICE qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903535/5-2 en date du 11 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 18 février 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme Djodo A, lui faisant obligation de quitter le territoire français, et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée le 4 novembre 2008 par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 21 janvier 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant à Mme A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 7 octobre 2009 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2010 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Thisse, représentant Mme A ;

Considérant que le PREFET DE POLICE relève régulièrement appel du jugement en date du 11 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accueilli la demande de Mme Djodo A, née le 15 octobre 1970 et de nationalité malienne, tendant à l'annulation de sa décision en date du 18 février 2009 refusant à celle-ci le renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, et assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

Sur le recours du préfet :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code susmentionné : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis (...), à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin ... chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis [...] à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. " ; qu'enfin, l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose, à Paris, au médecin-chef du service médical de la préfecture de police d'émettre un avis, pris sur le fondement d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et précisant notamment si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, et de transmettre cet avis au PREFET DE POLICE ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précédemment rappelées éclairées par les travaux parlementaires qui en sont à l'origine, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de prononcer à l'égard d'un étranger du territoire national, un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter ledit territoire, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement décider d'obliger l'étranger à quitter le territoire que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays d'origine ;

Considérant d'une part, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, présente en France depuis 2001, est atteinte d'une lourde pathologie cardiaque, à savoir une valvulopathie mitro-aortique, ayant donné lieu à plusieurs interventions chirurgicales pratiquées sur le territoire en 1988, 2001 et 2003, à la suite desquelles elle se trouve être porteuse de prothèses mitrales, nécessitant un suivi médical régulier sous anticoagulants per os avec une surveillance rapprochée de la coagulation, au moins mensuelle, par test sanguin devant être effectué par un laboratoire approprié ; qu'en raison de son état de santé, elle a été admise à séjourner sur le territoire français à plusieurs reprises depuis le 19 novembre 2003, à la suite de deux avis favorables du médecin, chef du service médical de la préfecture de police ; que cependant, par un dernier avis en date du 25 novembre 2008, ce même médecin a estimé que si l'état de santé de Mme A nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le traitement initialement suivi était alors terminé et que le traitement nécessaire de suivi était disponible dans son pays d'origine, sans pour autant préciser, de manière contradictoire, que les soins nécessités par son état de santé présentaient un caractère de longue durée ; qu'il ressort par ailleurs des termes d'un certificat médical circonstancié daté du 7 novembre 2008, reproduit en substance de manière identique par la suite et notamment le 14 avril 2009, rédigé par le Dr B, praticien hospitalier en cardiologie au sein du groupe hospitalier HEGP- Broussais, ayant suivi le dossier médical de l'intéressée depuis 2003, que la pathologie dont elle souffre nécessite un suivi médical régulier sur le territoire français en raison de l'existence de risques de complications pouvant entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou le décès de sa patiente, précisant la nature et la fréquence du traitement à suivre pour une durée nécessairement indéterminée ;

Considérant d'autre part, que pour refuser le titre de séjour sollicité, le PREFET DE POLICE s'est fondé sur l'avis susmentionné qu'a émis le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, le 25 novembre 2008 ; que l'autorité précitée a estimé que si l'état de santé de Mme A nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait cependant bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que cependant, il ne ressort d'aucun des documents produits par l'administration, que la pathologie dont souffre l'intéressée, et qui s'était aggravée en 2003, nécessitant une intervention chirurgicale à coeur ouvert, puisse être suivie de la manière indiquée plus haut, non seulement au moyen du médicament anti-thrombotique adéquat ou d'un équivalent de celui-ci, mais également par les analyses spécifiques appropriées ; qu'en outre, aucun de ces mêmes documents ne permet de s'assurer que dans le pays d'origine de Mme A, celle-ci pourrait bénéficier de plateaux techniques permettant un remplacement valvulaire en cas de nécessité ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme A se soit amélioré avec le temps, celle-ci à l'inverse s'étant vue reconnaître, le 17 février 2009, un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80% par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Paris ; que dans ces conditions, le PREFET DE POLICE, en refusant à Mme A le renouvellement de son titre de séjour, a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de recours non plus que les moyens incidents en défense de Mme A, que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 18 février 2009, sur le seul fondement de l'état de santé de celle-ci ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relatif à l'aide juridique : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens..." ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée par l'ordonnance n° 2005-1526 du 8 décembre 2005 : " ... l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. Si, à l'issue du délai de douze mois mentionné au troisième alinéa, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci. " ; et qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 76 de la même loi : " Les bureaux d'aide juridictionnelle se prononceront dans les conditions prévues par les textes en vigueur à la date à laquelle les demandes ont été présentées et les admissions produiront les effets attachés à ces textes (...) " ; que Mme A ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir, selon les dispositions sus-rappelées des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme réclamée de 1 200 euros à payer à Me Biju-Duval, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Biju-Duval une somme de 1 200 (mille deux cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

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N° 09PA05166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA05166
Date de la décision : 29/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : BIJU-DUVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-11-29;09pa05166 ?
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