Vu le recours, enregistré le 23 janvier 2008, du MINISTRE DU TRAVAIL, DE LA SOLIDARITE ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; Le ministre demande à la cour d'annuler le jugement n° 0421909/5-2 en date du 22 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la Société Turkish Airlines en annulant la décision en date du 25 mars 2004 par laquelle le préfet de Paris (direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle) a refusé le renouvellement de l'autorisation provisoire de travail de Mme A sollicitée par la succursale de la société Turkish Airlines et la décision de refus en date du 9 août 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale prise sur recours hiérarchique refusant également une autorisation de travail, et en le condamnant à verser à la Société Turkish Airlines la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejette comme infondée la demande de première instance de cette société ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention générale du 20 janvier 1972 sur la sécurité sociale entre la République française et la République de Turquie, et notamment son article 6 ;
Vu la décision n° 1/80 en date du 19 septembre 1980, du conseil d'association institué en application de l'accord d'association n° 64/733/CEE entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;
Vu le code du travail ;
Vu la circulaire n° 20 du 23 janvier 1990 relative aux autorisations provisoires de travail, publiée au Bulletin officiel n° 60, fascicule spécial n° 90/3 bis ;
Vu le code de l'entrée et au séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2010 :
- le rapport de M. Vinot, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Sirinelli, rapporteur public ;
Considérant que le MINISTRE DU TRAVAIL, DE LA SOLIDARITE ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève appel du jugement n° 0421909/5-2 du 22 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de refus en date du 25 mars 2004 opposée par le préfet de police à la demande de renouvellement de l'autorisation provisoire de travail présentée par la société Turkish Airlines et, par voie de conséquence, sa décision confirmative de refus née du silence gardé sur le recours hiérarchique reçu le 9 juin 2004 ;
Sur le non-lieu à statuer :
Considérant que la société Turkish Airlines a fait valoir que, Mme A ne travaillant plus en France, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête d'appel ; que toutefois elle ne précise pas la date de l'arrêt effectif des activités de l'intéressée en France ; qu'au demeurant il est constant que l'annulation du refus de renouvellement d'autorisation provisoire de travail faisait grief à l'administration défenderesse qui justifiait ainsi d'un intérêt à relever appel du jugement du Tribunal administratif de Paris ; que, par suite, il y a lieu de statuer sur cet appel ;
Sur le bien fondé du recours du ministre du travail et des relations sociales :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 341-7 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : Une autorisation provisoire de travail peut être délivrée à l'étranger qui ne peut prétendre ni à la carte de séjour temporaire portant la mention salarié ni à la carte de résident et qui est appelé à exercer chez un employeur déterminé, pendant une période dont la durée initialement prévue n'excède pas un an, une activité présentant par sa nature ou les circonstances de son exercice un caractère temporaire... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Elaldi a bénéficié d'autorisations provisoires de travail à partir du 18 décembre 2001 et régulièrement renouvelées jusqu'au 21 janvier 2004, afin d'occuper, en qualité de salariée détachée d'une entreprise établie hors de France, un poste de comptable au sein de la filiale française de la société Turkish Airlines immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris ; que si l'activité de comptabilité en cause présente un caractère de spécificité qui nécessite la maîtrise de connaissances particulières en langue et en système de comptabilité turcs, il n'est pas établi par les pièces du dossier qu'elle présente un caractère temporaire au sens des dispositions de l'article R. 341-7 du code du travail ; qu'au contraire, il n'est pas sérieusement contesté que la comptabilité constitue par nature une activité pérenne, durable et habituelle qui est intégrée au fonctionnement normal de la filiale française de la société Turkish Airlines, pourvue de la personnalité juridique et soumise à la législation sociale française prévue par les dispositions du code du travail et de la convention collective des compagnies aériennes établies en France ; qu'il n'est pas non plus contesté que si l'intéressée bénéficie d'un contrat de travail turc, elle travaille cependant directement sous la subordination du responsable de la filiale française et non plus sous celle de la société mère établie en Turquie, en ce qui concerne notamment la fixation des horaires de travail, le contenu et le suivi des tâches accomplies dans l'établissement ; qu'il n'est pas non plus établi que les circonstances entourant l'exercice de l'activité de comptabilité de Mme Elaldi lui confèrent un caractère temporaire au sens des dispositions précitées dès lors qu'il est constant qu'elle a déjà donné lieu à une activité à plein temps sur le territoire national d'une durée de trois années, largement supérieure à la limite d'une année fixée par l'article R. 341-7 précité ; qu'en outre, la société Turkish Airlines ne peut se prévaloir utilement des dispositions à caractère réglementaire contenues dans la circulaire n° 20 du 23 janvier 1990, prise en application de l'article R. 341-7 du code sur les autorisations provisoires de travail ;
Considérant qu'il résulte ce qui précède que le tribunal a, en retenant que l'activité en cause constituait une activité spécifique justifiant la délivrance d'une autorisation provisoire de travail, commis une erreur de droit et une erreur dans la qualification juridique des faits ; que le ministre du travail et des relations sociales est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé, pour ce motif, la décision du préfet de Paris du
25 mars 2004 et la décision implicite de rejet du recours gracieux du 9 août 2004 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Turkish Airlines devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions à fin d'annulation présentée par la Société Turkish Airlines devant le Tribunal administratif de Paris :
Considérant, en premier lieu, que par arrêté n° 2002-245-5 du 2 septembre 2002 régulièrement publié, M. B a reçu délégation de signature pour signer tout acte entrant dans la compétence d'autorités dont il n'est ni soutenu ni même allégué que les circonstances ne les auraient pas empêchées de signer l'acte litigieux ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 341-5 du code du travail, alors en vigueur : Sous réserve des traités et accords internationaux, lorsqu'une entreprise non établie en France effectue sur le territoire national une prestation de services, les salariés qu'elle détache temporairement pour l'accomplissement de cette prestation sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche, établies en France, en matière de sécurité sociale, de régimes complémentaires interprofessionnels ou professionnels relevant du titre III du livre VII du code de la sécurité sociale, de rémunération, de durée du travail et de conditions de travail, dans les limites et selon des modalités déterminées par décret ; qu'aux termes de l'article 6 de la convention du 20 janvier 1972 sur la sécurité sociale entre la République française et la République de Turquie : Par dérogation aux dispositions de l'article premier de la présente Convention : 1. Ne sont pas assujettis au régime de sécurité sociale du pays du lieu de travail, et demeurent soumis au régime de sécurité sociale du pays d'origine : a) de plein droit, les travailleurs salariés détachés par leur employeur dans l'autre pays pour y effectuer un travail déterminé, pour autant que la durée du détachement n'excède pas trois ans, y compris la durée des congés ;
Considérant que la société ne saurait utilement opposer les stipulations de l'article 6 de la convention de sécurité sociale précitées, qui ont uniquement pour objet de réglementer les obligations réciproques des Etats en matière de sécurité sociale des travailleurs détachés et n'ont, par suite, ni pour objet, ni pour effet d'instituer une procédure particulière permettant la délivrance d'une autorisation de travail pour les travailleurs turcs soumis aux dispositions de l'article R. 341-7 du code du travail ou à celle de l'article 12 de l'ordonnance du
2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de la décision n° 1/80 du conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement de l'association entre la CEE et la Turquie : L'article 6, paragraphe 1, de la décision n° 1/80 est ainsi rédigé : 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un État membre (...) a droit, dans cet État membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi ; que si ces dispositions, qui font partie intégrante de l'ordre juridique communautaire, sont d'effet direct et peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de renouvellement d'une autorisation de travail, l'autorisation provisoire de travail prévue par l'article R. 341-7 du code du travail, en tant qu'elle prévoit une durée maximum de validité de 9 mois renouvelable, exclut la possibilité pour un étranger titulaire d'une telle autorisation précaire de se prévaloir d'un emploi régulier au sens de dispositions communautaires précitées ; que, dès lors, la société Turkish Airlines n'est pas fondée à soutenir que le préfet était tenu de renouveler de plein droit l'autorisation provisoire de travail en application de l'article 6 de la décision du conseil d'association susmentionnée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU TRAVAIL, DE LA SOLIDARITE ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de refus du
25 mars 2004 du préfet de Paris et sa décision confirmative du 9 août 2004 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0421909/5-2 en date du
22 novembre 2007 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Turkish Airlines devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
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N° 08PA00423