Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2008, présentée pour la société anonyme CRITERE, dont le siège est 7, place Robert Schuman Saint-Quentin-en-Yvelines (78885), par Me Rivault ; la société CRITERE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0205964 du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- les conclusions de Mme Samson, rapporteur public,
- et les observations de Me Haddad, pour la société CRITERE ;
Considérant que la société CRITERE, qui a pour activité la vente au détail de vêtements, relève appel du jugement du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996 à la suite d'une vérification de comptabilité ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience ; que l'avis d'audience a été reçu le 2 janvier par le conseil de la société à l'égard duquel sont accomplis les actes de procédure en application de l'article R. 431-1 du code de justice administrative ; que le moyen tiré de ce que la procédure de première instance serait irrégulière en l'absence d'avis d'audience doit dès lors être écarté ;
Considérant, d'autre part, que la régularité des formalités de notification du jugement est, en tout état de cause, sans incidence sur sa régularité ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne :1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts et qu'aux termes de l'article 302 septies A du même code : I. Il est institué par décret en conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes qui ne sont pas placées sous le régime du forfait et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 5 000 000 F, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 1 000 000 F, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées ; qu'il résulte de l'instruction que la société CRITERE réalisait un chiffre d'affaires de 51 124 801 F en 1995 et de 63 326 533 F en 1996 ; que les dispositions de l'article L. 52 précité ne lui étant ainsi pas applicables, le moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité serait irrégulière pour avoir duré plus de trois mois ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les ventes à prix coûtant :
Considérant que l'administration a constaté que la société avait vendu des marchandises à prix coûtant à huit autres sociétés, alors qu'elle réalisait habituellement une marge de plus de 30 % du prix d'achat ; qu'elle a considéré qu'en l'absence de contrepartie cette renonciation à recettes constituait un acte anormal de gestion et a réintégré au chiffre d'affaires de la société les sommes correspondant à une marge de 10 % du prix d'achat des articles vendus à prix coûtant ;
Considérant que s'il incombe en principe à l'administration d'apporter la preuve du caractère anormal d'un acte de gestion, la vente de marchandises à prix coûtant par une entreprise commerciale doit être présumée anormale ; que l'administration doit par suite être réputée avoir apporté la preuve du caractère anormal de cet acte si le contribuable ne justifie pas de l'existence de contreparties en sa faveur ; qu'en l'espèce, la société fait valoir que les cessions d'éléments de son stock à des entreprises qui avaient les mêmes associés et exploitaient des magasins de ventes de vêtements à la même enseigne relevait d'une gestion commune des stocks permettant d'obtenir de meilleurs tarifs auprès des fournisseurs ; que ces mouvements entre magasins permettaient aussi à chaque magasin de minorer les risques d'invendu ou de défaut d'approvisionnement ; qu'en outre, en effectuant ces ventes à prix coûtant à caractère réciproque elle n'accordait aucun avantage particulier aux sociétés partenaires ; que l'administration ne conteste pas pour sa part de façon précise la réalité des avantages retirés par la société de sa participation au système de gestion des stocks mis en place avec les autres sociétés exploitant des magasins à la même enseigne ; qu'elle ne saurait soutenir que la société aurait dû demander aux autres sociétés une rémunération des avantages qu'elles retiraient du dispositif dès lors que la société CRITERE en bénéficiait elle-même et qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que la requérante en bénéficiait moins que les autres ; qu'il suit de là que la société CRITERE doit être regardée comme justifiant de la réalité des contreparties qu'elle retirait des cessions de marchandises à prix coûtant, qui ne peuvent dès lors être qualifiées d'actes anormaux de gestion ; qu'il convient en conséquence de réduire le résultat imposable de la société de 283 033 F au titre de l'année 1995 et de 497 529 F au titre de l'année 1996 ;
En ce qui concerne la provision pour dépréciation des stocks :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment... 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables... ; qu'aux termes de l'article 38 du code précité : 3°... les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient... ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock, ou une catégorie déterminée d'entre eux, a, à la date de clôture d'un exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation ; que pareille provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante ;
Considérant que la société CRITERE a constitué des provisions pour dépréciation de son stock de vêtements en appliquant un pourcentage différent selon les fournisseurs ; qu'à supposer même que cette distinction recouvrait en l'espèce une distinction selon la nature des articles en stocks, la requérante ne conteste pas que les pourcentages appliqués n'étaient pas différents suivant le temps écoulé depuis l'entrée des marchandises dans le stock ; qu'elle ne soutient pas que cet élément aurait été sans pertinence compte tenu des conditions particulières d'exercice de son activité ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a estimé que la dépréciation des stocks n'avait pas été déterminée avec une approximation suffisante et a refusé en conséquence la déduction de ces provisions ;
En ce qui concerne les redressements de la société civile immobilière Cripark :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, le bailleur qui abandonne à son locataire les loyers que celui-ci lui doit, procède à un acte de disposition qui fonde le droit pour l'administration de réintégrer les loyers abandonnés dans les recettes des revenus fonciers du bailleur ; que l'existence d'abandons de loyers de la part de la société civile immobilière Cripark n'est pas contestée ; que l'administration était par suite fondée à rehausser les revenus fonciers réalisés par cette société et à réduire d'autant la quote-part de son déficit imputable sur les résultats de la société CRITERE qui en était associée ;
Sur les pénalités de mauvaise foi appliquées à raison du redressement de la quote-part du déficit de la société civile immobilière Cripark :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts direct... la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ; qu'en se bornant à faire valoir que les redressements apportés au résultat de la société civile immobilière sont fondés et à se référer, sans autre précision, aux circonstances de l'affaire et notamment au comportement des associés de la société civile immobilière, l'administration n'apporte pas la preuve de la mauvaise foi de la société CRITERE ; qu'il y a lieu par suite de prononcer la décharge de ces pénalités ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CRITERE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de réduire les compléments d'impôt sur les sociétés et les intérêts de retard y afférents auxquels elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996 et de prononcer la décharge des pénalités de mauvaise foi afférente au complément d'impôt sur les sociétés établi au titre de l'année 1996 ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche la société n'est pas recevable, en l'absence de litige né et actuel avec le comptable chargé du recouvrement, à demander qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
D E C I D E :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à la société CRITERE au titre des années 1995 et 1996 sont réduites des sommes respectives de 283 033 F et de 497 529 F.
Article 2 : La société CRITERE est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard y afférents correspondant aux réductions de bases définies à l'article 1er.
Article 3 : La société CRITERE est déchargée des pénalités de mauvaise foi, appliquées en raison du redressement de la quote-part du déficit de la société civile immobilière Cripark, afférentes au complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1996.
Article 4 : Le jugement n° 0205964 du 11 mars 2008 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à la société CRITERE la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la société CRITERE est rejeté.
''
''
''
''
2
N° 08PA02469