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17/06/2010 | FRANCE | N°08PA04020

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 17 juin 2010, 08PA04020


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2008, présentée pour M. Abdel Ben Hedi A, demeurant ..., par Me Roques ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0420909-0603305 du 9 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a refusé d'accueillir sa demande tendant à l'annulation des décisions, en date du 9 juillet 2004 et du 27 décembre 2005, par lesquelles le préfet de police a rejeté ses demandes tendant à la délivrance d'un titre de séjour au motif que la première était devenue sans objet et que la seconde était infondée ;

2°) d'an

nuler lesdites décisions et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer le t...

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2008, présentée pour M. Abdel Ben Hedi A, demeurant ..., par Me Roques ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0420909-0603305 du 9 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a refusé d'accueillir sa demande tendant à l'annulation des décisions, en date du 9 juillet 2004 et du 27 décembre 2005, par lesquelles le préfet de police a rejeté ses demandes tendant à la délivrance d'un titre de séjour au motif que la première était devenue sans objet et que la seconde était infondée ;

2°) d'annuler lesdites décisions et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;

3°) de verser à Me Roques, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2010 :

- le rapport de M. Demouveaux, rapporteur,

- et les conclusions de M. Bachini, rapporteur public ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de police en date du 9 juillet 2004 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 29 juin 2005 annulant l'arrêté par lequel il avait décidé sa reconduite à la frontière, le préfet a délivré, le 18 novembre 2005, à M. A une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 17 février 2006 ; que la délivrance de cette autorisation n'a eu ni pour objet ni pour effet de retirer la décision du 9 juillet 2004, par laquelle cette même autorité avait refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas rendu sans objet les conclusions que le requérant a présentées contre cette décision ; que M. A est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le Tribunal administratif a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ces conclusions ; que ledit article 1er doit donc être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Paris contre l'arrêté susvisé du préfet de police en date du 9 juillet 2004 ;

Sur les conclusions présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Paris :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ;

Considérant que, par l'arrêté du 9 juillet 2004 attaqué, le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A sur le fondement de ces dispositions, au motif que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si M. A conteste cette appréciation, il n'établit pas que l'asthme dont il souffre ne pourrait faire l'objet d'un traitement approprié en Tunisie ; qu'ainsi, s'il fait valoir que le prix des médicaments est élevé dans ce dernier pays, il ressort des pièces du dossier et, notamment, d'une étude de l'Organisation mondiale de la santé qu'il a lui-même versée au dossier qu'il existe en Tunisie un secteur public de la santé et d'accès aux soins à l'intention des personnes dépourvues de ressources et que ce secteur est relativement efficace dans les achats ; que le requérant ne fait état d'aucune circonstance qui lui interdirait de bénéficier des services de celui-ci ; qu'il n'établit pas non plus ne pouvoir se procurer en Tunisie les médicaments qui lui sont nécessaires, dès lors que, parmi ceux qui lui sont habituellement prescrits en France, deux seulement ne figurent pas sur une liste, produite par le requérant, de médicaments disponibles en Algérie, en Tunisie et au Maroc et que le caractère indispensable ou non substituable des médicaments en question n'est pas allégué ; que, par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7.5 du décret susvisé du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction issue du décret du 5 mai 1999, applicable à la date de la décision attaquée : Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 [devenu l'article L. 311. 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile], le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (...) ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévues par cet article 7-5 impose audit médecin de préciser si l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine (et la durée prévisible du traitement) et enfin si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant que si l'avis rendu par le médecin-chef du service médical de la préfecture de police le 6 février 2004 ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour M. A de voyager sans risque vers la Tunisie, alors qu'il ressortait des certificats médicaux produits par l'intéressé que celui-ci souffrait d'un asthme sévère et que son état de santé pouvait dès lors susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage, le moyen tiré de cette irrégularité est inopérant à l'encontre de l'arrêté attaqué ; qu'en effet, dès lors que celui-ci se borne à rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A et ne comporte aucune mesure d'éloignement, son auteur n'était pas tenu, à ce stade, de tenir compte des risques encourus par l'intéressé, selon le mode de transport utilisé, en cas de retour vers le pays de renvoi ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A, entré en France le 4 décembre 1999, fait valoir, pour justifier l'atteinte portée à son droit au séjour, l'ancienneté de son séjour et sa bonne insertion professionnelle ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne possède aucune attache familiale en France alors qu'ayant résidé en Tunisie jusqu'à l'âge de 30 ans, il dispose encore dans ce pays de son père et de sa fratrie ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs ;

Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ; que M. A ne peut utilement soutenir qu'en lui refusant le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet de police a méconnu les stipulations précitées, dès lors que cette décision n'implique pas par elle-même un retour en Tunisie ;

Mais considérant, en cinquième et dernier lieu, que, dans le dernier état de ses écritures, M. A a soulevé, à l'encontre de l'arrêté susvisé du préfet de police en date du 9 juillet 2004, le moyen tiré de ce que l'avis rendu le 6 février 2004, émanant du service médical de la préfecture de police et revêtu de la mention pré-imprimée médecin chef du service médical de la préfecture de police, ne comporte pas l'indication du nom et du prénom de celui-ci et que ni la signature manuscrite, qui est illisible, ni aucune autre mention de ce document ne permettent d'identifier la personne qui en est l'auteur ; que le préfet de police n'a pas disposé du temps nécessaire pour, avant la clôture de l'instruction, répondre à ce moyen nouveau ; qu'avant dire droit sur les conclusions présentées par M. A à l'encontre de l'arrêté susvisé du préfet de police en date du 9 juillet 2004, il y a donc lieu de rouvrir l'instruction afin que le préfet de police puisse présenter, s'il le juge utile, des observations en défense ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de police en date du 27 décembre 2005 :

Considérant que M. A a soulevé à l'encontre de cette décision les mêmes moyens qu'à l'encontre de l'arrêté du 9 juillet 2004 ; qu'il y a lieu, pour les mêmes motifs que précédemment, d'écarter ceux tirés de la méconnaissance de l'article L. 311-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que du non respect de l'obligation impartie au médecin chef de donner un avis sur la faculté pour l'intéressé de voyager sans risque vers le pays de renvoi ; que, toutefois, dans le dernier état de ses écritures, M. A a demandé la production de l'avis rendu par le médecin-chef de la préfecture de police le 30 septembre 2005 au vu duquel a été pris l'arrêté contesté, afin de pouvoir éventuellement contester la régularité de cet avis ; que le préfet de police n'a pas disposé du temps nécessaire pour communiquer le document demandé avant la clôture de l'instruction ; qu'avant dire droit sur les conclusions présentées par M. A à l'encontre de l'article 2 du jugement attaqué et de l'arrêté susvisé du préfet de police en date du 27 décembre 2005, il y a lieu de rouvrir l'instruction afin que le préfet puisse verser au dossier l'avis susmentionné du 30 septembre 2005 ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement susvisé en date du 9 novembre 2007 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Il est, avant dire droit, ordonné un supplément d'instruction afin que le préfet de police puisse d'une part présenter, s'il le juge utile, des observations en défense au moyen tiré de l'impossibilité d'identifier l'auteur de l'avis médical en date 6 février 2004 et d'autre part produire l'avis médical en date du 30 septembre 2005.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt demeurent réservés.

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N° 08PA04020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08PA04020
Date de la décision : 17/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 ÉTRANGERS. SÉJOUR DES ÉTRANGERS. REFUS DE SÉJOUR. - REFUS DE TITRE DE SÉJOUR OPPOSÉ À UN ÉTRANGER INVOQUANT SON ÉTAT DE SANTÉ - ARRÊTÉ PRÉFECTORAL PRIS AU VU D'UN AVIS DU MÉDECIN INSPECTEUR DE SANTÉ PUBLIQUE, DÉPOURVU DE MENTION SUR LA CAPACITÉ DE L'ÉTRANGER À VOYAGER (ARRÊTÉ MINISTÉRIEL DU 8 JUILLET 1999) - ABSENCE D'INCIDENCE SUR LA DÉCISION DE REFUS D'ADMISSION AU SÉJOUR (MOYEN INOPÉRANT) : DÉCISION NON ASSORTIE D'UNE MESURE D'ÉLOIGNEMENT. (1) (2).

335-01-03 L'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (C.E.S.E.D.A.) prévoit, après avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police ou du médecin inspecteur de santé publique, la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à « l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire … ».,,En application de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 modifié, l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique doit non seulement apporter des précisions sur l'ensemble des éléments mentionnés par l'article L. 313-11, 11° précité ainsi que sur la durée prévisible du traitement, mais encore indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi au cas où l'éloignement est envisagé.,,En l'espèce, l'avis rendu par le médecin-chef du service médical de la préfecture de police ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour le requérant de voyager sans risque vers la Tunisie, alors qu'il ressortait des certificats médicaux produits par l'intéressé que celui-ci souffrait d'un asthme sévère et que son état de santé pouvait dès lors susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage.... ...Est inopérant à l'encontre d'une décision préfectorale de refus d'admission au séjour le moyen tiré de cette irrégularité, dès lors que cette décision se borne à rejeter la demande présentée à ce titre et ne comporte aucune mesure d'éloignement. L'auteur d'une telle décision n'est, en effet, pas tenu, à ce stade, de tenir compte des risques encourus par un ressortissant étranger, selon le mode de transport utilisé, en cas de retour vers le pays de renvoi.,,,[RJ1],,[RJ2].


Références :

[RJ1]

Rappr. en matière de reconduite à la frontière : CE, 3 mai 2004, n° 253013, jurisprudence transposée par la C.A.A. à l'obligation de quitter le territoire français : 31 décembre 2008, Préfet de police, n° 08PA00073.,,,

[RJ2]

Rappr. s'agissant d'un refus de titre de séjour non assorti d'une mesure d'éloignement : CE, juge des référés, 21 octobre 2005, n° 278032.


Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre DEMOUVEAUX
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : ROQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-06-17;08pa04020 ?
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