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03/06/2010 | FRANCE | N°08PA05962

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 juin 2010, 08PA05962


Vu la requête sommaire, enregistrée les 3 et 4 décembre 2008, et le mémoire complémentaire, enregistré les 8 et 10 février 2009, présentés pour Mme Sandra A demeurant ..., par Me Amiet ; Mme A demande à la cour :

1°) à titre principal, de déclarer sa requête recevable et bien fondée ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement n° 0505807 du 26 septembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la justice, garde des sceaux du 30 décembre 2004 rejetant sa demande de subst

itution à son nom de celui de B ;

3°) et d'annuler la décision du ministre de la ...

Vu la requête sommaire, enregistrée les 3 et 4 décembre 2008, et le mémoire complémentaire, enregistré les 8 et 10 février 2009, présentés pour Mme Sandra A demeurant ..., par Me Amiet ; Mme A demande à la cour :

1°) à titre principal, de déclarer sa requête recevable et bien fondée ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement n° 0505807 du 26 septembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la justice, garde des sceaux du 30 décembre 2004 rejetant sa demande de substitution à son nom de celui de B ;

3°) et d'annuler la décision du ministre de la justice, garde des sceaux rejetant sa demande de substitution à son nom de celui de B ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ;

Vu le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2010 ;

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative : Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. / [...] ;

Considérant que lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, le juge administratif, après en avoir pris connaissance, n'est tenu, à peine d'irrégularité de sa décision, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ;

Considérant que la note en délibéré déposée par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris le 20 septembre 2008, après la séance publique mais avant la lecture de la décision du tribunal, fait état, à l'appui d'un certificat médical établi le 15 septembre 2008 par le psychanalyste qui la suit depuis 1996, de son suivi thérapeutique et de la grande souffrance psychique autour de son patronyme ainsi que des conséquences du rejet de sa demande ; qu'elle ne contient l'exposé d'aucune circonstance de fait que l'intéressée n'était pas en mesure de faire valoir avant la clôture de l'instruction ;

Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal administratif de Paris, qui s'est prononcé sur les troubles psychiques en rapport avec le port de son nom, est suffisamment motivé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 61 du code civil : Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret ;

Considérant, d'une part, que le souhait manifesté par Mme A de porter le nom de sa mère B traduit un motif affectif tenant au désintérêt matériel et affectif de son père à son égard lequel a, notamment, fait l'objet d'une condamnation pour abandon de famille en 1978 et d'une condamnation à 100 francs d'amende pour coups et blessures la même année ; que, toutefois un tel motif ne suffit pas, sauf circonstances exceptionnelles, à caractériser l'intérêt légitime requis pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi, étant précisé que le père de la requérante n'a pas été déchu de l'autorité parentale et que les violences sexuelles ou psychologiques qu'il aurait exercées sur sa fille ne sont pas établies ; qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier et notamment des témoignages et certificats médicaux produits que les difficultés psychologiques rencontrées par la requérante seraient exclusivement liées au port du patronyme de son père ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des documents produits par l'intéressée que le nom B ait fait l'objet, sur une période suffisamment longue, d'un usage constant et ininterrompu de nature à lui conférer un intérêt légitime au changement de nom sollicité ; que, par conséquent, la discordance entre son état civil et son identité sociale et les difficultés en résultant, notamment, professionnelles ne sont pas suffisantes pour justifier d'un intérêt légitime au changement de nom qu'elle sollicite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges n'ont, pas plus que le ministre de la justice, garde des sceaux, commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que Mme A ne justifiait pas d'un intérêt légitime au sens de l'article 61 du code civil ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique de pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article 14 de cette même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ;

Considérant, d'une part, que la requérante ne saurait utilement soutenir que les premiers juges auraient méconnu les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dés lors que dans la demande dont elle avait saisi le tribunal elle n'avait pas invoqué le moyen tiré de la violation desdites stipulations et qu'il n'appartenait pas au tribunal de le soulever d'office ;

Considérant, d'autre part, que Mme A soutient que les règles relatives à la dévolution du nom, antérieures à la loi du 4 mars 2002 et issues de celle-ci, méconnaissent les stipulations sus-rappelées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elles opéraient une discrimination fondée sur le sexe puis sur l'âge ; que toutefois ce moyen ne peut qu'être écarté ; qu'en effet, l'administration, pour rejeter la demande de l'intéressée, n'a pas fait application des règles de transmission du nom patronymique mais s'est fondée sur le seul article 61 du code civil et sur le principe de fixité du nom de famille ; que cet article, qui s'applique indistinctement aux hommes et aux femmes, que le nom de l'intéressé soit issu du lignage paternel ou maternel, ne comporte aucune discrimination fondée sur le sexe ;

Considérant, en dernier lieu, que Mme A ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 16 de la convention des Nations-Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dès lors que ces stipulations n'ont pas d'effet direct et ne créent que des obligations entre Etats ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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N° 08PA05962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08PA05962
Date de la décision : 03/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : AMIET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-06-03;08pa05962 ?
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