Vu, I, sous le nº 09PA00253, la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés respectivement les 16 janvier et 2 avril 2009, présentés pour Mme Nassera A, demeurant ..., par Me Valluis ; Mme A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nº 0425638/3-1 en date du 12 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 15 octobre 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, rejetant le recours de la SAS Guinot dirigé contre la décision implicite de l'inspecteur du travail de Paris, section 2A, par laquelle celui-ci avait refusé à ladite société l'autorisation de licencier l'intéressée ;
2°) de confirmer les décisions susmentionnées du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, et de l'inspecteur du travail de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la société SAS Guinot le paiement d'une somme de 2 500 euros et au titre des frais irrépétibles au bénéfice de la requérante ;
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Vu, II, sous le nº 09PA00254, la requête et le mémoire ampliatif enregistrés les 16 janvier et 2 avril 2009, présentées pour Mme Nassera A, par Me Valluis ; Mme A demande à la cour ;
1°) d'annuler le jugement nº 0503128/3-1 en date du 12 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête conjointe de Mme A et de la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT, demandant l'annulation de la décision du 16 décembre 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, autorisant la société SAS Guinot à licencier Mme A et annulant la décision de l'inspecteur du travail de Paris, section 2A, du 29 juillet 2004 relative à ce même licenciement ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée du ministre de l'emploi, du travail ;
3°) et de surseoir à statuer sur le jugement susmentionné, dans l'attente de la décision du juge d'instruction sur la plainte enregistrée sous le n° 040923093 déposée au Parquet de Paris par la société SAS Guinot concernant des faits de faux et usage à l'encontre de l'intéressée, et de la solution de l'instance pénale correspondante ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2010 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,
- et les observations de Me Monteille pour Mme A et celles de Me Favel pour la société Guinot SAS ;
Considérant que la société Guinot SAS a sollicité par trois fois de l'inspection du travail de Paris section 2A, l'autorisation de licencier Mme A, agent de maîtrise classée au groupe IV de la convention collective des industries chimiques, assistante de vente à l'international, et par ailleurs déléguée syndicale et du personnel, déléguée syndicale centrale et représentante au comité d'entreprise ; que la société dont s'agit s'est ainsi vue notamment refuser cette autorisation à la suite d'une demande du 26 mars 2004 complétée par un recours hiérarchique du 14 juin suivant, à l'origine du jugement n° 0425638/3-1 ici attaqué, puis par une nouvelle décision de l'inspecteur du travail du 29 juillet 2004 faisant suite à sa demande du 26 juillet 2004, un nouveau recours hiérarchique ayant alors abouti à une décision ministérielle autorisant le licenciement à l'origine du second jugement attaqué n° 0503128/3-1 ; que Mme A fait régulièrement appel de ces deux jugements du 12 novembre 2008 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions ;
Sur la jonction des requêtes :
Considérant que les requêtes n° 09PA00253 et 09PA00254 sont toutes deux relatives à la situation d'un même salarié protégé et de son employeur, et concernent deux demandes successives d'autorisation de licenciement de ce salarié de la part de son employeur des 26 mars et 26 juillet 2004 ; que même si les motifs de ces deux demandes, invoqués par l'employeur, diffèrent, les deux requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
En qui concerne le jugement n° 0425638/3-1 :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis des fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque leur licenciement est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, éventuellement, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que des relations tendues ont existé entre Mme A et sa hiérarchie, notamment depuis son refus, en mai 2002, peu de temps avant son départ pour un congé de maternité, de prendre des responsabilités plus importantes sans toutefois en être gratifiée ; que Mme A s'était par là même opposée à son employeur en mai 2002 en raison de la volonté de celui-ci de lui augmenter de manière sensible et sans concertation le nombre des zones géographiques qu'elle couvrait de par ses activités dans l'export, passant ainsi de 5 zones telles que fixées par son contrat de travail du 21 décembre 1998, à un nombre plus important de pays et de zones à couvrir, notamment l'Asie, et le Brésil selon les termes non utilement démentis de son courrier du 10 juin 2003 adressé à son employeur, lui faisant également remarquer qu'elle ne parlait pas le portugais ; qu'en outre, par ce même courrier, elle faisait remarquer à son employeur qu'à son retour de couches le 22 mai 2003, elle n'avait pu retrouver de suite un emplacement de travail et n'avait pu non plus bénéficier d'un ordinateur ; qu'enfin, son temps de travail devait être réduit pour cause d'allaitement ; que ces faits ne sont pas révélateurs par eux-mêmes, de la part de l'intéressée, d'une attitude d'insubordination ; que, s'il apparaît ainsi que des tensions importantes préexistaient entre Mme A et son employeur avant même que celle-ci ne prenne en juin 2003 ses responsabilités syndicales, cet engagement syndical doit être regardé comme ayant alors déclenché la première saisine préalable de l'inspecteur du travail, le 31 juillet 2003, opérée par son employeur ; qu'ainsi, même si à la date de la seconde demande de licenciement de Mme A, présentée par son employeur à l'inspecteur du travail le 26 mars 2004 et essentiellement fondée sur son refus d'accéder à la demande de son employeur visant à modifier à tout moment le contenu de ses zones géographiques, sa charge de travail avait été finalement allégée, ladite demande d'autorisation de la licencier devait être regardée, lors du refus opposé en dernier lieu par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, comme n'étant pas sans rapport avec les fonctions représentatives exercées par l'intéressée ;
Considérant qu'il en résulte que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 15 octobre 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, rejetant le recours de la société Guinot SAS contre la décision implicite par laquelle l'inspecteur du travail avait refusé de lui accorder l'autorisation de la licencier de son emploi d'assistante d'administration des ventes à l'export ; qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Guinot SAS le versement à Mme A d'une somme de 2 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans ce litige, la partie perdante, la somme que demande la société Guinot SAS au titre de ces mêmes frais ;
En qui concerne le jugement n° 0503128/3-1 :
Considérant que, pour autoriser le licenciement de Mme A, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale s'est fondé sur deux des griefs qui lui étaient reprochés par son employeur, à savoir d'avoir apposé une signature imitée sur la demande de congés qu'elle avait déposée le 15 mars 2004 pour la période du 14 au 18 juin 2004, ainsi que sur la consultation par celle-ci dans les services comptables d'informations de caractère confidentiel ;
Considérant en premier lieu, qu'il est établi que Mme A avait fait une demande écrite le 15 mars 2004 pour un congé de quatre jours entre le 14 et 18 juin suivant, utilisant pour cela le formulaire correspondant de son employeur, une photocopie en ayant été faite au service du personnel ; que l'intéressée a en outre interrogé le 22 mars le service du personnel, lequel lui répondit le même jour favorablement ; qu'enfin, par un autre courriel du 11 juin 2004, celle-ci rappelait encore à son supérieur qu'elle devait prendre des congés la semaine suivante, aucune objection ne lui étant retournée à ce sujet ; que dans ces conditions, et alors même que la signature apparaissant sur la demande, a été imitée selon l'expertise graphologique de caractère judiciaire diligentée par l'employeur, les pièces du dossier n'établissent pas que l'intéressée en soit à l'origine, non plus et surtout qu'elle ait quitté son poste sans autorisation régulière d'absence, son responsable déclarant lui-même en comité d'entreprise qu'il n'avait plus souvenance de l'avoir ou non signée ; qu'ainsi, les conditions dans lesquelles Mme A a pris un congé entre le 14 et le 18 juin 2004 ne peuvent être caractérisées comme constitutives d'une faute de gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Considérant en deuxième lieu, que s'il est également reproché à Mme A de n'avoir pas respecté les procédures internes à la société, en s'introduisant dans les services comptables sans en avoir reçu l'autorisation, il apparaît que c'est sur l'injonction même, réitérée, de son supérieur que l'intéressée est allée rechercher des documents douaniers dans les archives de la comptabilité, en compagnie d'une autre assistante, laquelle a d'ailleurs effectué les recherches des documents en question dans les dossiers comptables, sans que Mme A ne les consulte, ces documents lui ayant ensuite été confiés ; que dans ces conditions, il n'apparaît pas de façon caractérisée que la requérante n'ait pas respecté les procédures internes de la société, et que par voie de conséquence, elle ait commis une faute justifiant un licenciement ;
Considérant enfin, qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que Mme A ait mis en cause la loyauté de ses responsables hiérarchiques, ou même demandé à ce qu'ils soient sanctionnés ; qu'il n'est pas non plus établi qu'elle ait fait preuve d'un comportement irrespectueux à leur égard, compte-tenu du climat de tension qui s'était instauré dans l'entreprise à son égard ;
Considérant qu'il résulte ainsi de ce qui précède, qu'en l'absence de faute avérée de la salariée au sein de son entreprise de nature à justifier son licenciement, et compte-tenu de la motivation adoptée précédemment relative à la deuxième demande d'autorisation de licenciement du 26 mars 2004, la présente procédure de licenciement initiée par la société Guinot SAS à l'encontre de Mme A, ne peut que révéler une discrimination en rapport avec les mandats qu'elle détenait ; qu'il y a donc lieu, sans qu'il soit besoin, en tout état de cause, de surseoir à statuer durant le temps d'aboutissement de la procédure judiciaire pour faux et usage de faux à l'encontre de l'intéressée, d'annuler également le jugement nº 0503128/3-1 en date du 12 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête conjointe de Mme A et de la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT, demandant l'annulation de la décision du 16 décembre 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, autorisant la société SAS Guinot à licencier la requérante et, enfin, ladite autorisation ;
D E C I D E :
Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Paris nº 0425638/3-1 et n° 0503128/3-1 en date du 12 novembre 2008, sont annulés.
Article 2 : La décision du 16 décembre 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, autorisant la société SAS Guinot à licencier Mme A, est annulée.
Article 3 : La société SAS Guinot versera à Mme A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par cette société tendant à l'application des mêmes dispositions sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
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N° 09PA00253 et 09PA00254