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08/02/2010 | FRANCE | N°07PA01134

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 08 février 2010, 07PA01134


Vu le recours, enregistré le 22 mars 2007, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la cour d'annuler le jugement n° 0312987/6-2 en date du 9 janvier 2007 en tant que par ledit jugement le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à M. A une somme de 482 776 euros alors qu'il ne pouvait prétendre au titre de l'indemnité complémentaire due en sus de sa pension militaire d'invalidité qu'à une somme de 112 379 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions m...

Vu le recours, enregistré le 22 mars 2007, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la cour d'annuler le jugement n° 0312987/6-2 en date du 9 janvier 2007 en tant que par ledit jugement le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à M. A une somme de 482 776 euros alors qu'il ne pouvait prétendre au titre de l'indemnité complémentaire due en sus de sa pension militaire d'invalidité qu'à une somme de 112 379 euros ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de la sécurité sociale notamment les dispositions de l'article L. 376-1, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties le jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2010 :

- le rapport de M. Coiffet, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public ;

Considérant que M. Alain A, né en 1962, qui exerçait la profession de gendarme depuis janvier 1981, a subi le 24 janvier 2000 une intervention chirurgicale dans le service de neurochirurgie de l'hôpital du Val de Grâce afin de traiter un adénome somatotrope de l'hypophyse ; qu'alors que l'opération s'était bien passée, il a été victime de violents maux de tête, dus à une pneumencéphalie nécessitant une reprise chirurgicale le 8 février 2000, et d'une méningite post-opératoire traitée par médicament ; qu'ayant quitté l'hôpital le 1er mars 2000, son état s'est nettement aggravé, nécessitant une hospitalisation à l'hôpital Mignot de Versailles le 6 mars 2000 puis un transfert en état de coma profond à l'hôpital Percy ; qu'une ponction lombaire a alors révélé la présence de streptocoques C, une antibiothérapie étant alors mise en place ; que, depuis son réveil et malgré des soins intensifs et plusieurs opérations, M. A est demeuré tétraplégique ; que M. A a recherché devant les premiers juges la responsabilité de l'Etat du fait de l'infection nosocomiale contractée à l'hôpital du Val de Grâce et a demandé réparation des préjudices qui consistent en une tétraplégie, des troubles sphinctériens, des dysesthésies, une hyperpathie hémisphérique, des céphalées, des lombalgies, une hypoacousie, une dépression ainsi que des troubles sexuels majeurs, lesquels sont ainsi qu'il résulte de l'instruction en rapport direct et certain avec l'infection nosocomiale ; que par le jugement du 9 janvier 2007 le Tribunal administratif de Paris a estimé que ladite infection était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et condamné ce dernier à payer à M. A la somme de 482 776 euros correspondant, d'une part, au préjudice professionnel à compter de sa consolidation soit 370 397 euros et à la somme de 15 546, 11 euros au titre de la perte de revenus pendant l'ITT, d'autre part, au préjudice d'agrément pour un montant de 40 000 euros et au pretium doloris (6/7), préjudice esthétique (5/7) ainsi qu'aux préjudices moral et sexuel éprouvés par M. A évalués au total à la somme de 54 000 euros, enfin au remboursement des frais relatifs à l'aménagement du logement et de son véhicule pour un montant total de 2 832, 89 euros ; que le même tribunal a condamné l'Etat à verser, d'une part, à Mme A la somme de 20 000 euros au titre des préjudices de toute nature subis du fait de l'infection nosocomiale contractée par son mari, d'autre part, pour le compte et au nom des deux enfants de M. et Mme A la somme de 12 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

Considérant que le MINISTRE DE LA DEFENSE fait appel de ce jugement en tant seulement que par ledit jugement, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. A une somme de 482 776 euros ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE soutient, d'une part, que le tribunal a indemnisé deux fois M. A pour son préjudice professionnel et qu'en particulier, il ne pouvait lui allouer une indemnité de 370 397 euros à ce titre, en sus de sa pension militaire, d'autre part, qu'il ne pouvait prétendre au titre de l'indemnité complémentaire due en sus de cette pension qu'à une somme de 112 379 euros ; que Mme et M. A demandent quant à eux, d'une part, par la voie de l'appel incident que le préjudice de M. A soit fixé à 3 426 526, 44 euros, d'autre part, par la voie de l'appel provoqué que soient réévalués les préjudices moral et sexuel de son épouse à la somme de 30 000 euros et le préjudice moral de ses enfants à la somme de 15 000 euros chacun ;

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a, d'une part, reconnu la responsabilité pour faute de l'Etat du fait de l'infection nosocomiale contractée par M. A lors de son séjour à l'hôpital militaire du Val de Grâce, infection responsable de son invalidité, d'autre part, condamné l'Etat à payer à l'intéressé une somme de 482 776 euros, à Mme Graziella A, son épouse, une somme de 20 000 euros, enfin une somme de 12 000 euros au nom et pour le compte de chacun de leurs enfants David et Rémy au titre des préjudices respectifs de chacun ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE représentant l'Etat dans le contentieux indemnitaire dont s'agit est, en sa seule qualité de partie au litige de première instance, bien recevable à relever appel du jugement l'ayant condamné ainsi qu' il vient d'être dit ; que les intimés ne sauraient par suite utilement faire valoir que la requête serait irrecevable faute pour le MINISTRE DE LA DEFENSE d'avoir produit sa créance contrairement à ce qu'imposeraient les dispositions de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale issu de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 ; qu'au demeurant, le ministre de la défense a versé aux débats à l'appui de son mémoire en réplique en date du 22 février 2008 un titre de pension qui peut être regardé comme une créance suffisamment détaillée et claire ; que la fin de non recevoir opposée par les Epoux A ne peut dès lors qu'être écartée ;

Sur l'appel principal et les conclusions incidentes présentées par M. et Mme A s'agissant des droits à indemnisation de M. A :

Sur le cadre juridique applicable au calcul des droits à indemnisation de M. A :

Considérant que le calcul des droits à indemnisation de M. A suppose, en vue de réparer intégralement ses préjudices sans indemniser deux fois l'un d'entre eux, de combiner les principes et le cadre d'analyse issus des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi susvisée du 21 décembre 2006, avec ceux dégagés par le juge administratif lorsqu'est en cause l'application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre définissant les modalités de versement de la pension militaire d'invalidité, éventuellement majorée pour tenir compte des différents handicaps de la victime ;

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ; que d'autre part, en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Ouvrent droit à pension : /1º les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; /2º les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; /3º l'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service... ; que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique ; que ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances, physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique ; qu'il en va de même s'agissant du préjudice moral subi par ses ayants droits ; que ces dispositions ne font pas plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que l'indemnisation forfaitaire de l'atteinte à l'intégrité physique par le versement d'une pension militaire d'invalidité, éventuellement majorée, vise à réparer, tant les répercussions de l'incapacité permanente partielle, également dénommée déficit fonctionnel permanent, sur le plan patrimonial, pouvant notamment inclure le préjudice professionnel après consolidation et le recours à une tierce personne, que ses répercussions au titre des troubles dans les conditions d'existence en raison des troubles physiologiques dont la victime reste atteinte, préjudice à caractère personnel qui demeure distinct des souffrances physiques ou morales et des préjudices d'esthétique ou d'agrément ; que d'autre part, et en conséquence, il convient pour le juge après avoir évalué l'indemnisation des préjudices à laquelle peut prétendre la victime sur le plan patrimonial et sur le plan personnel de ventiler le capital représentatif de la pension militaire d'invalidité auquel elle a droit entre ces différentes catégories de préjudice afin de déterminer si la réparation forfaitaire découlant de l'application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en assure la réparation intégrale et d'allouer à la victime, si tel n'est pas le cas, une somme correspondant à la différence ;

Sur l'évaluation des différents chefs de préjudice de M. A :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de M. A :

Sur les dépenses de santé :

Considérant M. A a droit au remboursement des honoraires versés au docteur C pour une somme de 487, 84 euros, montant admis par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;

Sur les frais liés au handicap :

Considérant que la réalité des frais, invoqués relatifs à l'aménagement du logement résultant directement de l'état du requérant est établie pour un montant de 618, 89 euros auxquels s'ajoutent 2 214 euros pour les frais d'aménagement du véhicule ; que le surplus des frais n'est pas établi ; que le jugement attaqué doit sur ce point être confirmé ; que d'autre part, s'agissant de l'indemnisation du recours à une tierce personne, il ressort des pièces du dossier que le docteur D a, dans le cadre de l'expertise, considéré que cette assistance était nécessaire 20 heures par jour dont 6 heures d'aide spécialisée, le reste du temps se partageant entre 4 heures pour accompagner M. A dans ses déplacements et 10 heures de surveillance à domicile ne nécessitant qu'une aide non spécialisée ; qu'aucun élément versé au dossier ne permet de remettre sérieusement en cause cette appréciation différenciée des besoins nécessités par l'état de M. A, en particulier le partage fixé par l'expert entre aide spécialisée, à un coût pouvant être fixé à 19 euros le taux horaire moyen, et aide non spécialisée à un taux horaire moyen de 7, 62 euros ; que M. A ne produisant pas de factures acquittées, il y a lieu de retenir non des arrérages mais un capital représentatif de ce chef de préjudice calculé à compter de la date de sortie de l'hôpital le 4 mai 2001 sur la base d'un taux de rente non contesté de 22, 124 euros et arrêté à la somme de 1 782 044 euros ;

Sur le préjudice économique et professionnel :

Sur le préjudice subi du 24 janvier 2000 au 8 octobre 2001 :

Considérant, qu'il résulte de l'instruction que M. A a été en situation d'incapacité totale de travail pendant 651 jours, du 24 janvier 2000 au 8 octobre 2001, période pendant laquelle il a touché des indemnités liées à son congé maladie, transformé en congé de longue maladie à compter du 1er juin 2000, ainsi qu'une pension d'invalidité à compter du 17 avril 2000 ; que le ministre reconnaît que l'intéressé, pendant cette période a perçu la somme globale de 30 190, 54 euros alors qu'il aurait dû percevoir, s'il était resté en fonction, une rémunération totale de 47 736, 65 euros ; que la perte de rémunération s'établit donc sur la période considérée à un montant non contesté par les parties de 17 546, 11 euros et non de 15 546, 11 euros comme l'a indiqué à tort le tribunal par une erreur de plume dans le jugement attaqué lequel doit dès lors être réformé sur ce point ;

Sur le préjudice subi à compter du 8 octobre 2001 :

Considérant, s'agissant du préjudice professionnel subi par M. A, à compter de la date de consolidation de son préjudice le 18 octobre 2001, qu'il ressort des éléments versés au dossier, que ce chef de préjudice résulte de la différence entre la somme qu'il aurait pu percevoir s'il était resté en fonction à grade constant jusqu'à sa retraite par limite d'âge le 31 décembre 2017, soit 587 916, 68 euros d'une part, et d'autre part, le montant théorique des pensions qu'il percevra jusqu'à cette date soit 287 098, 68 euros ainsi que la différence capitalisée sur les mêmes bases entre la pension qu'il percevra à compter du 1er janvier 2018 et celle qu'il aurait normalement perçue, soit 69 579 euros ; que le préjudice total éprouvé de ce chef peut ainsi être fixé à la somme de 370 397 euros ; que si M. A lequel fait valoir qu'il aurait pu bénéficier de plusieurs avancements jusqu'à la fin de sa carrière soutient pour ce motif que ce dernier montant est erroné, cette promotion, quels que soient les mérites propres de l'intéressé, n'était en rien garantie et certaine dès lors que l'avancement ne constitue ni un droit ni une récompense, l'avancement des sous-officiers de la gendarmerie résultant au demeurant d'une sélection sévère des personnels jugés les plus qualifiés et les plus méritants par une commission qui procède à l'examen parmi de nombreuses candidatures de chaque situation individuelle ; qu'il y a lieu en conséquence d'arrêter à la somme de 370 397 euros, déjà retenue par le tribunal, le montant total du préjudice professionnel subi par M. A ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de M. A :

Considérant, en premier lieu, que le capital représentatif de la pension militaire d'invalidité versée à l'intéressé ne fait pas obstacle à ce que M. A obtienne de l'Etat, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, réparation des souffrances, physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément subis ; que c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que les premiers juges, lesquels se sont bien prononcés contrairement à ce qu'avancent les intimés sur les préjudices sexuel et d'agrément de M. A, ont, d'une part, évalué à 40 000 euros le préjudice d'agrément après consolidation subi par M. A, résultant notamment de l'impossibilité de pratiquer une activité physique et sportive, d'autre part, fixé à la somme de 54 000 euros le pretium doloris, estimé à 6/7, le préjudice esthétique estimé à 5/7, et les préjudices moral et sexuel éprouvés par M. A ; que le jugement doit ainsi être confirmé sur ces points ;

Considérant, en deuxième lieu, que le préjudice lié aux troubles dans les conditions d'existence subis par M. A résultant du déficit fonctionnel permanent de 80% dont il reste atteint doit être évalué compte tenu de l'âge de 43 ans à la date du 8 octobre 2001 de la consolidation de ses préjudices à la somme de 220 000 euros ;

Sur le droit de M. A à percevoir sur le fondement d'une action de droit commun, et en sus de l'indemnité complémentaire afférente à ses préjudices annexes, l'indemnisation des préjudices non réparés par l'allocation de la pension militaire d'invalidité majorée servie en réparation de l'atteinte à son intégrité physique :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier des éléments versés au dossier, que la pension militaire d'invalidité au taux de 100% versée à M. A depuis le 17 avril 2000 devenue définitive à compter du 17 avril 2009 est assortie de plusieurs suppléments et majorations en tant que grand invalide et grand mutilé bénéficiaire des dispositions cumulées des articles L. 16 et L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, notamment une double majoration au titre de la tierce personne ; que la somme que va recevoir M. A au titre du service de sa pension militaire d'invalidité majorée s'élève à un montant de 2 901 443 euros, somme qui doit être nécessairement prise en compte dans sa globalité pour apprécier si l'intéressé est ou non intégralement réparé des préjudices liés à l'atteinte à son intégrité physique et couverts par ladite pension ; qu'il est constant que ce montant de 2 901 443 euros est supérieur à l'indemnisation totale à laquelle M. A pourrait prétendre au titre du préjudice professionnel évalué à 370 397 euros, du préjudice lié au recours à une tierce personne arrêté à la somme de 1 782 044 euros, enfin des troubles dans les conditions d'existence compte tenu de l'atteinte à son intégrité physique évaluée à 80% d'IPP pour un montant de 220 000 euros ; que dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal a alloué à M. A une indemnité de 370 397 euros au titre de son préjudice professionnel en sus de la pension militaire qui lui est versée et condamné l'Etat à payer ladite somme ; qu'il y a lieu dès lors de réformer le jugement attaqué sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A a droit à recevoir, en sus de la pension militaire d'invalidité majorée qui lui est servie, les sommes de 487, 84 euros correspondant au remboursement admis en appel par le MINISTRE DE LA DEFENSE des dépenses de santé acquittées par l'intéressé, de 17 546, 11 euros au titre de la perte de revenus subie pendant la période d'incapacité temporaire totale du 24 janvier 2000 au 8 octobre 2001, de 2 832, 89 euros correspondant au remboursement des frais relatifs à l'aménagement nécessaire de son logement et de son véhicule, de 94 000 euros au titre des préjudices d'agrément, du pretium doloris, du préjudice esthétique, et des préjudices moral et sexuel éprouvés par M. A ; que le jugement doit ainsi être réformé en ce qu'il a de contraire à ce qui vient d'être dit ;

Sur les conclusions tendant à la désignation d'un expert architecte ayant pour mission de déterminer les travaux d'aménagement nécessaires compte tenu du handicap :

Considérant qu'il appartient à M. A de faire établir des devis puis d'acquitter les frais induits par les travaux d'aménagement qui s'avéreraient nécessaires compte tenu de son handicap et en relation directe avec celui-ci pour ensuite en obtenir sur justificatifs le remboursement de l'Etat ; qu'il s'en suit que la demande susvisée formulée sur le fondement des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée ; que les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à payer aux époux A le paiement de dépens doivent en conséquence être rejetées comme dépourvues d'objet ;

Sur l'appel provoqué et les droits à indemnisation de Mme A et de ses enfants :

Considérant que le MINISTRE DE LA DEFENSE, dans le délai d'appel, n'a contesté le jugement attaqué lu le 9 janvier 2007 qu'en tant seulement qu'il portait sur les droits à indemnisation de M. A ; que les conclusions d'appel provoqué introduites le 14 novembre 2007, soit après l'expiration de ce délai, par les intimés tendant à ce que soit réévaluée l'indemnisation accordée à Mme A au titre des préjudices de toute nature subis et à chacun de ses enfants au titre de leur préjudice moral sont étrangères à l'appel principal dont l'admission n'a en aucune façon aggravé leur situation ; que ces conclusions sont par suite irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante en l'instance, la somme que réclament M. et Mme A au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à payer à M. A, en sus de la pension militaire d'invalidité majorée qui lui est servie, les sommes de 487, 84 euros correspondant au remboursement des dépenses de santé acquittées par l'intéressé, de 17 546, 11 euros au titre de la perte de revenus subie pendant la période d'incapacité temporaire totale du 24 janvier 2000 au 8 octobre 2001, de 2 832, 89 euros correspondant au remboursement des frais relatifs à l'aménagement nécessaire de son logement et de son véhicule, de 94 000 euros au titre des préjudices d'agrément, du pretium doloris, du préjudice esthétique, et des préjudices moral et sexuel éprouvés par M. A.

Article 2 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article premier du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions incidentes et les conclusions en appel provoqué présentées par M. et Mme A sont rejetés.

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N° 07PA01134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA01134
Date de la décision : 08/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

48-01-05-04-02 PENSIONS. PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE GUERRE. LIQUIDATION DES PENSIONS. FORFAIT DE LA PENSION. RÉPARATION COMPLÉMENTAIRE. - MILITAIRE VICTIME D'INFIRMITÉS RÉSULTANT DE MALADIES CONTRACTÉES PAR LE FAIT DU SERVICE OU À L'OCCASION DU SERVICE - CARACTÈRE FORFAITAIRE DE L'INDEMNISATION ALLOUÉE AU TITRE DE L'ATTEINTE À L'INTÉGRITÉ PHYSIQUE. (1) A) POSSIBILITÉ D'OBTENIR, MÊME SANS FAUTE, UNE INDEMNITÉ COMPLÉMENTAIRE RÉPARANT LES SOUFFRANCES PHYSIQUES OU MORALES ET LES PRÉJUDICES ESTHÉTIQUES, D'AGRÉMENT OU SEXUELS -EXISTENCE. (2) B) POSSIBILITÉ D'ENGAGER, DANS LE CAS NOTAMMENT DE L'EXISTENCE D'UNE FAUTE, UNE ACTION DE DROIT COMMUN POUVANT ABOUTIR À LA RÉPARATION INTÉGRALE DE L'ENSEMBLE DU DOMMAGE - EXISTENCE. (2) C) RÉPARATION DES CONSÉQUENCES DOMMAGEABLES D'UNE FAUTE DE NATURE À ENGAGER LA RESPONSABILITÉ DU SERVICE PUBLIC HOSPITALIER (ARTICLE L. 376-1 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE). (3).

48-01-05-04-02 Les dispositions des articles L. 2, L. 16 et L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service, peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de garantir les militaires des risques qu'ils courent dans l'exercice de leurs missions de défense de la Nation.... ...a) Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le militaire qui a enduré, du fait de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques, d'agrément ou sexuels, obtienne de l'Etat, même en l'absence de faute de ce dernier, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice.... ...b) Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où la maladie ou son aggravation serait imputable à une faute de l'Etat (service de santé des armées) de nature à engager sa responsabilité.... ...c) En vue de réparer intégralement les préjudices subis sans toutefois indemniser deux fois l'un deux, il y a lieu de combiner, s'agissant des conséquences dommageables d'une faute de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier (service de santé des armées), les principes et cadre d'analyse issus des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, avec ceux dégagés par le juge administratif lorsque l'application des dispositions du code précité définissant les modalités de calcul de la pension militaire d'invalidité est en cause.,,L'indemnisation forfaitaire de l'atteinte à l'intégrité physique par le versement d'une pension militaire d'invalidité, éventuellement majorée, vise à réparer, tant les répercussions du déficit fonctionnel permanent (ex ITT) sur le plan patrimonial pouvant notamment inclure le préjudice professionnel après consolidation et le recours à une tierce personne, que ses répercussions au titre des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de l'invalidité, préjudice à caractère personnel qui demeure distinct des souffrances physiques ou morales avant consolidation et des préjudices esthétiques, sexuels ou d'agrément permanents.,,Il convient, donc, pour le juge après avoir évalué l'indemnisation des préjudices à laquelle peut prétendre la victime sur le plan patrimonial et sur le plan personnel de ventiler le capital représentatif de la pension militaire d'invalidité auquel elle a droit entre ces différentes catégories de préjudice afin de déterminer si la réparation forfaitaire découlant de l'application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en assure la réparation intégrale et d'allouer à la victime, si tel n'est pas le cas, une somme correspondant à la différence.,,,[RJ1],,[RJ2],,[RJ3].


Références :

[RJ1]

Comp. CE, 12 janvier 1906, X, p. 36.,,,

[RJ2]

Cf. pour les fonctionnaires civils : CE, Assemblée, 4 juillet 2003, Mme X, n° 211106, publié ;

et pour les militaires : CE, 1er juillet 2005, Mme X, n° 258208, mentionné aux tables.,,,

[RJ3]

Cf. CE, Section, 4 juin 2007, avis, n°s 303422 et 304214, publié ;

et au contentieux, CE, Section, 5 mars 2008, CPAM de la Seine-Saint-Denis, n° 272447, publié.


Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : LE BONNOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-02-08;07pa01134 ?
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