Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2007, présentée pour Mme Annick A, demeurant ... par Me Le Bonnois ; Mme A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0319594/6-1 du 16 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemniser des conséquences dommageables de l'infection par le virus d'hépatite C dont elle a fait l'objet le 19 avril 1984 par voie transfusionnelle à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière ;
2°) de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à réparer le préjudice résultant de cette contamination au moyen d'une somme de 200 000 euros, avec intérêts à compter du 6 juin 2003, date de la première demande auprès de l'établissement, et la capitalisation desdits intérêts à compter de juin 2004 ;
3°) à titre subsidiaire, de lui allouer une provision de 30 000 euros à valoir sur son préjudice, et de surseoir à statuer sur le surplus dans l'attente d'un complément d'expertise ;
4°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang (EFS), le versement d'une somme de 5 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner l'Etablissement français du sang aux dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les codes de la santé publique et de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2010 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,
- et les observations de Me Burstow pour Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que Mme A a notamment subi deux interventions chirurgicales le 22 février 1983 dans une clinique d'Ajaccio pour une dysplasie, puis le 19 avril 84 à la Pitié-Salpêtrière à Paris dans le service de neurochirurgie pour une hernie discale, ayant à cette occasion encore reçu deux concentrés sanguins ; qu'imputant à cette dernière transfusion, sa contamination par le virus de l'hépatite C, diagnostiquée le 15 mars 1996, elle recherche la responsabilité de l'Etablissement Français du Sang qui a succédé aux obligations de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ; que Mme A fait régulièrement appel du jugement susmentionné du 16 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Paris a estimé que l'imputabilité de sa contamination aux transfusions qu'elle a subies à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière ne pouvait être retenue et a rejeté sa demande ;
Considérant que les établissements qui élaborent les médicaments et produits dérivés du sang sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité de ces médicaments et produits ;
Considérant que le paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale introduit dans le code de la santé publique un article
L. 1221-14 qui confie à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en lieu et place de l'Etablissement français du sang (EFS), l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que l'article L. 1221-14 institue également, au profit de ces victimes, une procédure de règlement amiable devant l'ONIAM, comme il en existe déjà pour les victimes de contamination par le virus d'immunodéficience humaine en vertu de l'article L. 3122-1 du code de la santé publique et pour les victimes d'accidents consécutifs à des vaccinations obligatoires en vertu de l'article L. 3111-9 du même code ; que cependant, compte tenu de la nécessité de mettre en place de manière simultanée, conformément à l'intention du législateur, tant la procédure d'indemnisation amiable qu'il a instituée pour les victimes d'une contamination par le VHC, que le conseil d'orientation communs aux trois procédures de règlement amiable dont l'ONIAM a désormais la charge, la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et du paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 doit être fixée à la date à laquelle entreront en vigueur les décrets en Conseil d'Etat d'application des articles L. 1221-14 et L. 3122-1 du code de la santé publique et le décret prévu à l'article L. 1142-23 du même code ; qu'à la date du présent arrêt, il y a donc lieu de mettre hors de la cause, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
Sur la responsabilité de l'Etablissement français du sang :
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une injection de médicaments dérivés du sang, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par les parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, que si l'enquête transfusionnelle entreprise par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en 1999 n'a pas permis de mettre hors de cause les donneurs de sang à l'origine des produits sanguins administrés à Mme A lors de sa première intervention chirurgicale à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, le 19 avril 1984, l'expert relève que le risque nosocomial et le risque lié aux anesthésiques ne peuvent être objectivement exclus en l'état des connaissances médicales, alors que l'intéressée a successivement subi d'avril 1984 jusqu'au 15 mars 1996 quatre interventions chirurgicales avec anesthésies générales à l'occasion desquelles les autres facteurs de risque possibles ont pu intervenir ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, caractérisées par le nombre limité des transfusions et la concomitance d'autres événements à l'origine d'autres causes possibles de contamination, la requérante ne peut pas être regardée comme apportant des éléments permettant de présumer de manière simple que sa contamination a pour origine la transfusion de produits sanguins labiles subie en 1984, alors même que le risque de contage par le virus de l'hépatite C lors des transfusions sanguines pratiquées en France avant 1990 était élevé ; que par suite, l'Etablissement français du sang ne peut pas être déclaré responsable des conséquences dommageables subies du fait des transfusions reçues en avril 1984 ; qu'en conséquence, le tribunal a pu à bon droit, et sans irrégulièrement inverser la charge de la preuve, estimer que le lien de causalité entre les transfusions litigieuses et la contamination dont a été victime Mme A, ne pouvait être établi ;
Considérant qu'il suit de là que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise complémentaire ni de surseoir à statuer, Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'en tout état de cause, il y a lieu de rejeter également les conclusions de la requérante tendant à lui allouer le bénéfice d'une provision de 30 000 euros à valoir sur son préjudice, ainsi que celles tendant au versement de frais irrépétibles et à la condamnation de l'EFS aux dépens ; que dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les conclusions de la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de Seine-Saint-Denis, en remboursement de ses débours pour le compte de Mme A et en versement de frais irrépétibles ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A et les conclusions présentées par la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de Seine-Saint-Denis sont rejetées.
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N° 07PA01120