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08/02/2010 | FRANCE | N°07PA00275

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 08 février 2010, 07PA00275


Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2007, présentée pour M. José A, demeurant ..., par Me Lara ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400017/1 en date du 19 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 3 novembre 2003, par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé son licenciement par la société Colas Ile-de-France Normandie ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler la décision, en date

du 3 novembre 2003, par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail...

Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2007, présentée pour M. José A, demeurant ..., par Me Lara ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400017/1 en date du 19 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 3 novembre 2003, par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé son licenciement par la société Colas Ile-de-France Normandie ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler la décision, en date du 3 novembre 2003, par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé son licenciement par la société Colas Ile-de-France Normandie ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et la société Colas Ile-de-France Normandie au paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte sociale européenne (révisée) faite à Strasbourg le 3 mai 1996 ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2010 :

- le rapport de M. Luben, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Lara pour M. A ;

Considérant que la société Colas Ile-de-France Normandie a demandé à l'inspection du travail, par un courrier reçu le 19 octobre 1994, l'autorisation de licencier pour faute M. A ; que l'inspecteur du travail a rejeté cette demande par une décision en date du 9 novembre 1994 ; que cette décision a été implicitement confirmée, sur recours hiérarchique présenté par la société Colas Ile-de-France Normandie, par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; que le Tribunal administratif de Melun a rejeté, dans son jugement du 6 janvier 1998, le recours de la société Colas Ile-de-France Normandie dirigé contre ces décisions ; que la cour de céans a annulé, ensemble, le jugement du Tribunal administratif de Melun et les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité par un arrêt du 11 décembre 2002 ; que la société Colas Ile-de-France Normandie a réitéré, le 6 mars 2003, auprès de l'inspection du travail sa demande d'autorisation de licenciement de M. A pour les mêmes faits et pour le même motif ; que l'inspecteur du travail a refusé, par une décision en date du 5 mai 2003, d'autoriser ce licenciement au motif que les faits reprochés à M. A étaient amnistiés ; que, sur recours hiérarchique de la société Colas Ile-de-France Normandie reçu le 3 juillet 2003, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé le 3 novembre 2003 la décision de l'inspecteur du travail en date du 5 mai 2003 et a autorisé le licenciement de M. A aux motifs, d'une part, que l'arrêt de la cour de céans du 11 décembre 2002, revêtu de l'autorité de la chose jugée, faisait obstacle à ce que les faits reprochés à M. A puissent entrer dans le champ d'application de la loi d'amnistie et, d'autre part, que les faits commis par M. A étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement envisagé ;

Sur l'application de la loi du 6 août 2002 portant amnistie :

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 6 août 2002 portant amnistie : " Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles. (...) Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs. La demande d'amnistie peut être présentée par toute personne intéressée dans un délai d'un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit de la condamnation définitive. " ; qu'aux termes de l'article 12 de la même loi : " Sont amnistiés, dans les conditions prévues à l'article 11, les faits retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur. " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il était, notamment, reproché à M. A d'avoir encaissé, sur un compte bancaire à son nom, des chèques émis par le fonds de solidarité du comité d'établissement, qui étaient destinés à des salariés rencontrant des difficultés financières, afin de régler les cotisations syndicales desdits salariés ; que si la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 11 janvier 2000, a jugé qu'il n'était pas établi que les sommes détournées aient été utilisées à des fins personnelles par M. A et que, par suite, " sa mauvaise foi et son intention frauduleuse n'étaient pas caractérisées ", l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose aux juridictions administratives qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juge répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions ; que la seule circonstance que M. A n'ait eu aucune responsabilité au sein du comité d'établissement est sans incidence sur le caractère établi des irrégularités ainsi commises par lui ; que, d'autre part, il était également reproché à M. A d'avoir pris livraison de six bouteilles de champagne commandées par l'intermédiaire du comité d'établissement sans les régler ; que ce fait est établi ; qu'en proposant à un responsable du comité d'établissement de les régler le jour même où il venait d'apprendre qu'on lui reprochait ce fait, il a implicitement admis l'irrégularité de son comportement ; qu'enfin, M. A a géré depuis juin 1993, au bénéfice du comité d'établissement, la machine à café et le distributeur de boissons, un compte bancaire spécifique ayant été ouvert par ledit comité au mois de septembre 1993 afin de faciliter le suivi des comptes de ces distributeurs de boissons ; qu'aucune recette n'a jamais été versée sur ce compte, alors qu'il est établi que celles-ci existaient ; que, quand bien même aucun détournement de fonds à son profit n'a été révélé, des erreurs de gestion des distributeurs de boissons et des mouvements de fonds inexpliqués sont néanmoins établis ; que l'ensemble de ces faits doivent être regardés comme constituant des manquements à la probité ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que les faits invoqués à son encontre auraient été couverts par la loi d'amnistie ;

Sur la légalité de la décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 3 novembre 2003, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;

Considérant que l'annulation par la cour de céans, dans son arrêt du 11 décembre 2002, du jugement du Tribunal administratif de Melun du 6 janvier 1998 et des décisions de l'inspecteur du travail en date du 9 novembre 1994 et du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité impliquait que, saisi par société Colas Ile-de-France Normandie d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement présentée pour le même motif et les mêmes faits que précédemment, l'inspecteur du travail puis, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité procèdent à un réexamen de la demande en se plaçant à la date à laquelle ils statuaient, à la lumière des circonstances de droit et de fait existant à cette dernière date ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A n'a pas récidivé dans les errements constatés à l'automne 1994 dans différents actes en relation avec la gestion du comité d'établissement de la société Colas Ile-de-France Normandie ; qu'eu égard à la nature de ces actes, à leur ancienneté et compte tenu des fonctions professionnelles exercées par le salarié, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, en estimant, par la décision d'autorisation de licenciement litigieuse en date du 3 novembre 2003, que son maintien dans l'entreprise était impossible, a commis une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 19 octobre 2006, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision, en date du 3 novembre 2003, par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé son licenciement par la société Colas Ile-de-France Normandie ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. A de la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 3 novembre 2003 et le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 19 octobre 2006 sont annulés.

Article 2 : La somme de 2 500 euros est mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 07PA00275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 07PA00275
Date de la décision : 08/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme Seulin
Avocat(s) : LARA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-02-08;07pa00275 ?
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