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10/12/2009 | FRANCE | N°08PA06154

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 10 décembre 2009, 08PA06154


Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2008, présentée pour Mme Atika A, demeurant ..., par Me Rouquette ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805807/7 en date du 15 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 11 422, 49 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2008 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait du retard du préfet du Val-de-Marne à

lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale...

Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2008, présentée pour Mme Atika A, demeurant ..., par Me Rouquette ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805807/7 en date du 15 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 11 422, 49 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2008 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait du retard du préfet du Val-de-Marne à lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 11 422, 49 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2008 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2009 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A, de nationalité algérienne, entrée en France le 4 octobre 1999, a sollicité le 9 mars 2005 un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ; que le préfet du Val-de-Marne a, par décision implicite, rejeté cette demande ; que la requérante s'est pourvue contre cette décision devant le Tribunal administratif de Melun, lequel par jugement en date du 27 mars 2008 a annulé celle-ci en faisant droit au moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit de Mme A à mener une vie familiale normale ; que par courrier reçu en préfecture le 13 mai 2008, la requérante a sollicité le préfet du Val-de-Marne en vue de l'indemnisation du préjudice résultant pour elle du refus de délivrance d'un titre de séjour vie privée et familiale ; qu'une décision implicite de rejet de cette demande est née du silence gardé par l'administration ; que Mme A a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Melun et demandé la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice ; que par le jugement susmentionné du 15 octobre 2008, dont Mme A relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'antérieurement à ce refus, à la suite d'une décision du Conseil d'Etat en date 10 mars 2003 annulant la décision distincte fixant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise par le préfet du Val-de-Marne en date du 1er juillet 2002 à l'encontre de Mme A, ce même préfet a assigné l'intéressée à résidence à compter du 24 juillet 2003 ; que par arrêtés du 23 février 2007 le préfet du Val-de-Marne a ensuite abrogé cette assignation à résidence de même que la reconduite à la frontière de Mme A prononcée le 1er juillet 2002 ; que si Mme A distingue les deux périodes de temps pendant lesquelles elle a été placée, après le refus de titre de séjour opposé à sa demande, d'abord sous le régime de l'assignation à résidence, puis sous celui de simples autorisations provisoires de séjour, cette évolution de sa situation administrative n'est pas constitutive en soi d'une deuxième faute du préfet du Val-de-Marne ; que si Mme A soutient qu'en la plaçant sous autorisations provisoires de séjour postérieurement à l'abrogation de son assignation à résidence, le préfet du Val-de-Marne lui a fait perdre le bénéfice des prestations de la caisse d'allocations familiales, il résulte de l'instruction que lorsqu'elle était assignée à résidence, Mme A bénéficiait déjà d'autorisations provisoires de séjour de trois mois et que le préfet n'a donc pas contrairement à ce qu'elle soutient restreint de six mois à trois mois ses autorisations de séjour ; que, par suite Mme A n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement d'une restriction fautive de la durée de ses autorisations de séjour, nonobstant la circonstance qu'elle ait bénéficié des prestations de la caisse d'allocations familiales pendant sa période d'assignation à résidence et en ait perdu le bénéfice après l'abrogation de cette mesure ;

Considérant cependant que le refus illégal de délivrance d'un titre de séjour à Mme A né du silence gardé par le préfet du Val-de-Marne sur sa demande du 9 mars 2005, annulé par jugement du 27 mars 2008 du Tribunal administratif de Melun, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme A :

Considérant que Mme A fait valoir que le refus de séjour illégal opposé à sa demande en date du 9 mars 2005 l'a maintenue dans une situation précaire, d'une part, sous le régime de l'assignation à résidence du 9 mars 2005 au 23 février 2007, l'obligeant à se rendre au commissariat tous les quinze jours, puis en raison de l'attribution d'autorisations provisoires de séjour de 3 mois pour la période du 23 février 2007 au 27 mars 2008, l'obligeant à se déplacer à la préfecture pour les faire renouveler ; qu'elle justifie ainsi d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence, dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité de 1 500 euros ;

Considérant que Mme A fait valoir, par ailleurs, qu'elle a subi un préjudice financier, du fait de la perte des prestations de la caisse d'allocations familiales du 1er mai 2007 jusqu'au mois de mai 2008 ; que Mme A a justifié en première instance, en produisant des attestations de sa caisse d'allocations familiales, avoir perçu des prestations pour la période de mai 2005 à avril 2007 compris, dont le montant, comprenant des allocations familiales et des allocations logement, s'élevait en dernier lieu à 555, 87 euros par mois ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'attestation en date du 4 avril 2008 de la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne produite en première instance, que de mai 2007 à mars 2008 ses droits n'ont pas été étudiés à défaut de titre de séjour valable pour le versement de ces prestations ; que dès lors, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la requérante établit un lien de cause à effet entre son maintien sous autorisations provisoires de séjour et l'absence de droit aux allocations familiales, qui prendra effet à compter du 1er mai 2007 ; que Mme A justifie ainsi que le refus illégal de séjour du préfet du Val-de-Marne lui a fait perdre une chance sérieuse de bénéficier des prestations de la caisse d'allocations familiales ; que toutefois il ressort de l'attestation du 4 avril 2008 de la caisse d'allocations familiales susmentionnée, que les droits de Mme A ont été rétablis à compter du mois d'avril 2008 ; que si la requérante demande la prise en compte de droits au titre de la naissance de son dernier enfant, il résulte des pièces versées au dossier que celui-ci est né le 5 avril 2008, soit dans la période où ses droits lui ont été réattribués ; que, dès lors, la requérante n'est fondée à demander l'indemnisation de son préjudice financier que pour la période du 1er mai 2007 à la fin du mois de mars 2008, lequel s'élève à un montant de 6 114, 57 euros ;

Considérant que le préjudice global de Mme A doit donc être évalué à la somme de 7 614, 57 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices résultant du refus illégal du préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour ; qu'elle est fondée à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser d'une somme de 7 614, 57 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que Mme A a droit à ce que la somme de 7 614, 57 euros qui lui est accordée porte intérêts à compter du 13 mai 2008, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation par le préfet du Val-de-Marne ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts dans sa demande de 1ère instance enregistrée le 29 juillet 2008 ; que cette demande prend effet à compter du 13 mai 2009, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 15 octobre 2008 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A une indemnité de 7 614, 57 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2008. Les intérêts échus à la date du 13 mai 2009 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

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N° 08PA06154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA06154
Date de la décision : 10/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde Renaudin
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : ROUQUETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-12-10;08pa06154 ?
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