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02/11/2009 | FRANCE | N°08PA02004

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 02 novembre 2009, 08PA02004


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 16 avril et 28 mai 2008, présentés pour Mme Alice B, Mme Mireille B, M. Catherine A, Mme Geneviève B, MM. John-Patrick, René, Michel et Philippe B, faisant tous élection de domicile chez M. Michel B, ..., ainsi que pour la SOCIETE FONCIERE IMMOBILIERE DE CHINE, la SOCIETE IMMOBILIERE DE PICARDIE et la SOCIETE INTERNATIONALE D'EPARGNE ayant leurs sièges ..., par la SCP Choucroy-Gadiou-Chevallier ; les consorts B et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701460 en date du 15 février 2008

par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur deman...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 16 avril et 28 mai 2008, présentés pour Mme Alice B, Mme Mireille B, M. Catherine A, Mme Geneviève B, MM. John-Patrick, René, Michel et Philippe B, faisant tous élection de domicile chez M. Michel B, ..., ainsi que pour la SOCIETE FONCIERE IMMOBILIERE DE CHINE, la SOCIETE IMMOBILIERE DE PICARDIE et la SOCIETE INTERNATIONALE D'EPARGNE ayant leurs sièges ..., par la SCP Choucroy-Gadiou-Chevallier ; les consorts B et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701460 en date du 15 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du Premier ministre, intervenue le 29 novembre 2009 et rejetant leur demande d'indemnisation à raison des biens et titres français spoliés en 1949 par les autorités chinoises ;

2°) d'annuler cette décision implicite ;

3°) de condamner l'Etat à la réparation du préjudice qu'ils ont subi, conformément à leur demande préalable reçue par l'administration le 29 septembre 2006, à hauteur de la somme de 1, 5 milliards d'euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité franco-chinois du 28 février 1946 et la loi n° 46-1083 du 17 mai 1946 portant approbation dudit traité ;

Vu l'accord franco-chinois du 30 mai 1984 et la loi n° 84-1146 du 20 décembre 1984 portant approbation dudit accord, ainsi que le décret n° 85-558 du 24 mai 1985 portant publication de l'accord entre le gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République populaire de Chine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2009 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public ;

Considérant que les consorts B et autres, agissant soit personnellement soit par voie d'héritage du fait de la confiscation en 1949 par les autorités chinoises des droits et titres de propriétés immobilières détenus par leur famille dans les territoires concédés de la République de Chine, demandent à l'Etat, sur le fondement des deux accords franco-chinois de 1946 et de 1984, la réparation du préjudice subi à hauteur d'une somme de 1, 5 milliards d'euros, suivant une demande préalable adressée au Premier ministre le 26 septembre 2006, reçue le 29 septembre suivant, et implicitement rejetée ; que les consorts B et autres relèvent régulièrement appel du jugement susmentionné du 15 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation du rejet implicite de leur demande préalable et à la condamnation indemnitaire de l'Etat ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyait, à la date du jugement attaqué, que les parties à l'instance devaient être mises à même de présenter des observations orales en réponse aux conclusions du commissaire du gouvernement ; que dès lors, le moyen présenté par les requérants et tiré de la violation du principe du contradictoire du fait qu'ils n'ont pas été en mesure de répondre au commissaire du gouvernement devant le tribunal administratif, à l'audience du 15 février 2008, doit être écarté ;

Considérant d'autre part, que les requérants soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation, faisant valoir que le Tribunal administratif de Paris s'est borné à affirmer que l'Etat français ne pouvait voir sa responsabilité engagée à raison des spoliations dont ont pu être victimes les personnes qui sont visées par les autorités chinoises ; que cependant, les juges de première instance ont estimé qu'il résultait des termes des accords en cause que leurs stipulations n'ont pas entendu établir au profit des ressortissants français ayant résidé en Chine et dont les droits ont été méconnus, le droit d'être indemnisé par l'Etat français des préjudices subis ; que par ailleurs, la responsabilité de l'Etat français ne pouvait être recherchée ni sur le terrain de l'égalité devant les charges publiques, son action directe n'étant pas en cause, ni sur celui de sa carence fautive dans ses relations avec l'Etat chinois, en raison de leur caractère non détachable de la conduite des relations internationales ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les consorts B et autres, le Tribunal administratif de Paris, qui n'était pas tenu de répondre point par point à chacun des arguments qu'ils avaient avancés, a suffisamment motivé le jugement querellé ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué manque donc en fait ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du traité franco-chinois du 28 février 1946 susvisé : " 1° Pour parer à toutes questions relatives aux droits et titres existants de propriétés immobilières, possédés par des sociétés ou des ressortissants français ou par le Gouvernement de la République Française dans les territoires de la République de Chine et en particulier aux questions qui pourraient surgir de l'abrogation des dispositions des traités et accords prévues à l'article 2 du présent traité, les Hautes Parties Contractantes conviennent que ces droits et titres existants seront imprescriptibles et ne seront mis en cause sous aucun prétexte à moins que la preuve ne soit établie par une procédure légale régulière de leur acquisition frauduleuse ou par des moyens frauduleux ou malhonnêtes, étant entendu qu'aucun droit ou titre ne sera invalidé en vertu de changements postérieurs de quelque nature que ce soit dans la procédure originale suivant laquelle ils ont été acquis. Il est également convenu que l'exercice de ces droits ou titres sera soumis aux lois et règlements de la République de Chine sur les taxes, la Défense Nationale et le droit de domaine éminent et qu'aucun de ces droits ou de ces titres ne pourra être aliéné à un Gouvernement ou aux ressortissants ou sociétés d'un tiers pays quelconque sans le consentement explicite du Gouvernement National de la République de Chine. 2° Les Hautes Parties Contractantes conviennent également que, si le Gouvernement National de la République de Chine désirait remplacer par de nouveaux titres de propriété les baux à perpétuité actuellement existants ou tous autres documents probatoires relatifs aux propriétés immobilières, possédés par des sociétés ou des ressortissants français ou par le Gouvernement de la République Française, le remplacement en sera fait par les autorités chinoises sans frais d'aucune sorte et les nouveaux titres de propriété protègeront pleinement les détenteurs de ces baux ou autres documents probatoires et leurs héritiers légaux ou leurs ayants cause, sans discrimination de leurs droits et intérêts antérieurs y compris le droit d'aliénation (...) " ;

Considérant par ailleurs, qu'aux termes des articles 4 et 7 de l'accord franco-chinois du 30 mai 1984 susvisé : article 4 " 1. Les investissements effectués par les investisseurs de chacune des Parties contractantes bénéficient, sur le territoire et dans les zones maritimes de l'autre Partie, d'une pleine protection et d'une entière sécurité./ 2. Aucune des deux Parties contractantes ne peut soumettre les investissements effectués sur son territoire ou dans ses zones maritimes par des investisseurs de l'autre Partie à des mesures d'expropriation, de nationalisation ou à toutes autres mesures aboutissant au même résultat, si ce n'est à des fins d'utilité publique, de manière non discriminatoire, suivant une procédure légale et contre une indemnisation. Les mesures de dépossession qui pourraient être prises doivent donner lieu au paiement d'une indemnité appropriée ; les principes et les règles de calcul du montant de l'indemnité et les modalités de son versement sont fixés au plus tard à la date de la dépossession. Cette indemnité est versée sans retard ni délai injustifié ; elle est effectivement réalisable et librement transférable (...)/ 3. Les investisseurs de l'une des Parties contractantes dont les investissements auront subi des pertes dues à la guerre ou à tout autre conflit armé, état d'urgence national ou révolte, survenus sur le territoire ou dans les zones maritimes de l'autre Partie contractante, bénéficieront, de la part de cette dernière, d'un traitement approprié non moins favorable que celui accordé aux investisseurs de la Nation la plus favorisée " ; article 7 " Le présent Accord est également applicable aux investissements effectués par des investisseurs de l'une des Parties contractantes sur le territoire ou dans les zones maritimes de l'autre Partie contractante, conformément aux lois et règlements de la République populaire de Chine pour les investisseurs français ou de la République française pour les investisseurs chinois, avant l'entrée en vigueur du présent Accord " ;

Considérant en premier lieu, qu'aucune stipulation des traité et accord susvisés, et notamment pas celles qui précèdent, ne visent à mettre à la charge de chacune des Parties une obligation de protection de ses propres investisseurs ; que notamment, les termes de ces traité et accord ne comportent aucune stipulation suffisamment précise et créatrice par elle-même de droits et d'obligations à l'égard des ressortissants de chacune des Parties ; que s'ils appellent des mesures nationales de mise en oeuvre, ils doivent par eux-mêmes être regardés comme étant dépourvus d'effet direct ; qu'en tout état de cause, ces traité et accord n'ont ni pour objet ni pour effet de priver les intéressés du droit de faire valoir lesdites créances auprès de la République populaire de Chine ; qu'ainsi, les premiers juges n'ont entaché leur jugement d'aucune erreur de droit en estimant que lesdites stipulations ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers, détenteurs notamment de droits et de titres de propriété immobilière ou d'autres créances ;

Considérant en deuxième lieu, que le préjudice subi par les requérants, qui trouve son origine directe dans le fait d'un Etat étranger, ne saurait engager la responsabilité de l'Etat français sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant enfin, que si les requérants font reproche à l'Etat français de refuser de dissocier dans ses négociations avec les autorités chinoises la question des emprunts or non remboursés de 1903 et de 1925 de celle des spoliations des personnes physiques ou morales dont les biens ont été confisqués lors de l'instauration du régime communiste chinois en 1949, les décisions du Gouvernement français en la matière ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales et ne sont pas pour cette raison, susceptibles d'engager la responsabilité pour faute de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts B et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes ; que par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de frais irrépétibles, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts B et autres est rejetée.

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N° 08PA02004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 08PA02004
Date de la décision : 02/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme Seulin
Avocat(s) : SCP CHOUCROY- GADIOU- CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-11-02;08pa02004 ?
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