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13/10/2009 | FRANCE | N°08PA04030

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 octobre 2009, 08PA04030


Vu, I, sous le n° 08PA04030, la requête, enregistrée le 30 juillet 2008, présentée pour M. Jacques A, demeurant ..., par la selarl Berquet ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700225-0700235 du 7 mai 2008 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant qu'il a limité à 1 500 000 francs CFP les sommes auxquelles la province des Iles Loyauté et la Nouvelle-Calédonie ont été condamnées à lui verser ;

2°) de porter à 85 000 000 francs CFP les sommes que la province des Iles Loyauté et la Nouvelle-Calédonie ont été condamnées à lui

payer et de condamner ces deux collectivités à lui verser, en qualité de représentan...

Vu, I, sous le n° 08PA04030, la requête, enregistrée le 30 juillet 2008, présentée pour M. Jacques A, demeurant ..., par la selarl Berquet ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700225-0700235 du 7 mai 2008 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant qu'il a limité à 1 500 000 francs CFP les sommes auxquelles la province des Iles Loyauté et la Nouvelle-Calédonie ont été condamnées à lui verser ;

2°) de porter à 85 000 000 francs CFP les sommes que la province des Iles Loyauté et la Nouvelle-Calédonie ont été condamnées à lui payer et de condamner ces deux collectivités à lui verser, en qualité de représentant légal de sa fille Judith, 5 000 000 de francs CFP ;

3°) de mettre à la charge de la province des Iles Loyauté et la Nouvelle-Calédonie une somme de 500 000 francs CFP au titre de la procédure de première instance et 500 000 francs CFP au titre de l'appel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu, II, sous le n° 08PA04283, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 18 septembre 2008, présentés pour la PROVINCE DES ILES LOYAUTE, dont le siège est Hôtel de la province des Iles loyauté BP 50 à Lifou (98820), Nouvelle Calédonie, par Me Monod ; la PROVINCE DES ILES LOYAUTE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0700225-0700235 du 7 mai 2008 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie le condamnant à verser la somme de 1 500 000 francs CFP à B ;

2°) d'être mise hors de cause s'agissant de la décision de sanction disciplinaire du 21 août 2003 ;

3°) de rejeter la demande de B devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

4°) à titre subsidiaire, que la Nouvelle-Calédonie soit condamnée à la garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;

5°) de mettre à la charge de B une somme de 3 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2009 :

- le rapport de M. Lelièvre, rapporteur,

- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,

- les observations de Me Monod, pour la PROVINCE DES ILES LOYAUTE,

- et connaissance prise de la note en délibéré en date du 30 septembre 2009, présentée pour M. A, par Me Berquet ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 08PA04030 de M. A et n° 08PA04283 de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE sont dirigées contre le même jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ; que le mémoire présenté pour la PROVINCE DES ILES LOYAUTE dans le cadre de l'instance n° 08PA04283 et enregistré le 23 septembre 2009 au greffe de la cour ne justifie pas, eu égard à son contenu, le renvoi de l'affaire ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en constatant que la décision de suspension prise à l'encontre M. A par le président de l'assemblée de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE le 6 mars 2003 n'avait pas eu d'incidence financière , les premiers juges ont entendu affirmer que cet instituteur du cadre territorial de l'enseignement, alors affecté à l'école de Lifou, n'avait pas subi de perte de revenus du fait de cette mesure ; qu'ainsi, en estimant que ce fonctionnaire avait néanmoins subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs ;

Considérant que les premiers juges ont fait notamment référence à l'état dépressif de M. A à la suite des agissements de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE ; que, par suite, la PROVINCE DES ILES LOYAUTE n'est pas fondée à soutenir qu'en estimant que les fautes commises par l'administration avaient causé des troubles dans les conditions d'existence à l'intéressé, le tribunal administratif n'aurait pas suffisamment motivé son jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la recevabilité des conclusions relatives au préjudice causé par la décision de mutation :

Considérant que M. A n'a pas formé de réclamation préalable devant l'administration tendant à la réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de la décision de mutation du 19 février 2004 dont il a fait l'objet ; que cette décision de mutation ne constitue pas le même fait générateur des dommages allégués par M. A que la décision de suspension qui a été prise à son encontre ou des courriers que lui a adressés l'administration ; que la PROVINCE DES ILES LOYAUTE avait opposé en première instance, à titre principal, une fin de non-recevoir à cette demande indemnitaire tirée du défaut de décision préalable ; que, par suite, la PROVINCE DES ILES LOYAUTE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 mai 2008, le tribunal administratif a admis la recevabilité de cette demande ;

Sur le principe de la responsabilité de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE :

Considérant que la décision de suspension en date du 6 mars 2003 prise par le président de l'assemblée de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE a été annulée par un jugement, devenu définitif, du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 23 décembre 2003 ; que toute illégalité étant fautive, la PROVINCE DES ILES LOYAUTE n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la PROVINCE DES ILES LOYAUTE, les premiers juges ne l'ont pas condamnée à indemniser M. A du fait de la décision illégale de sanction prise le 21 août 2003 à l'encontre de ce fonctionnaire par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; que, par suite, la PROVINCE DES ILES LOYAUTE n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif l'aurait condamnée pour une faute commise par une autre personne et que le jugement attaqué serait ainsi entaché d'erreur de droit ;

Considérant que la PROVINCE DES ILES LOYAUTE n'était pas liée par le contenu du rapport de l'inspecteur de la direction générale de l'enseignement au sujet de C; qu'elle était au contraire tenue d'apprécier elle-même si le comportement de ce fonctionnaire était de nature à justifier la mesure de suspension qu'elle a prise à son encontre ; que, par suite, la circonstance que la PROVINCE DES ILES LOYAUTE se serait bornée à se fonder sur ce rapport pour prendre sa décision n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;

Considérant que M. A n'a pas présenté de conclusions tendant à ce que la PROVINCE DES ILES LOYAUTE soit condamnée à l'indemniser des conséquences de la décision d'exclusion de cinq mois prise le 21 août 2003 par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; que, par suite, les conclusions de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE tendant à ce qu'elle soit mise hors de cause de ce litige ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur le partage de responsabilité :

En ce qui concerne la PROVINCE DES ILES LOYAUTE :

Considérant que la décision de suspension prise le 6 mars 2003 à l'encontre de M. A a été annulée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par un jugement définitif du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 23 décembre 2003, pour erreur de fait, l'administration n'établissant pas que ce fonctionnaire se serait livré à des actes de prosélytisme ou aurait observé un comportement discriminatoire envers ses élèves selon leur appartenance religieuse ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le président de l'assemblée de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE aurait pris la même mesure en se fondant exclusivement sur l'insuffisance professionnelle de cet instituteur ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur les négligences de cet agent dans l'exercice de ses fonctions pour atténuer la responsabilité de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE à hauteur d'un quart des conséquences dommageables de ses agissements ;

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie :

Considérant que la décision du 21 août 2003 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie excluant M. A de ses fonctions pour une durée de cinq mois a été annulée par un arrêt du 6 mars 2007, devenu définitif, de la cour de céans, le motif tenant à ce que ce fonctionnaire aurait distingué ses élèves suivant leur croyance religieuse et ainsi manqué à son devoir de neutralité reposant sur des faits matériellement inexacts ; que dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie aurait infligé la même sanction à M. A en ne se fondant que sur l'insuffisante qualité de l'enseignement dispensé par ce fonctionnaire, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les griefs de négligence professionnelle qui lui sont imputés étaient de nature à atténuer la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie à hauteur du quart des conséquences dommageables de la sanction disciplinaire infligée ;

Sur le lien de causalité et le préjudice :

En ce qui concerne la PROVINCE DES ILES LOYAUTE :

Considérant que les correspondances adressées par le président de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE les 12 et 26 février 2004 à M. A et portant notamment sur l'état de santé de ce fonctionnaire présentent un caractère vexatoire ; que ces courriers, qui ont suivi la mesure illégale de suspension, fondée à tort sur le comportement soit-disant discriminatoire de ce fonctionnaire, ont été de nature à aggraver son état dépressif et lui ont causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ; que, toutefois, la PROVINCE DES ILES LOYAUTE est fondée à soutenir que les premiers juges se sont livrés à une évaluation excessive du préjudice subi par l'intéressé en le fixant à la somme de 2 000 000 francs CFP, alors surtout que les conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de la décision illégale de mutation du 19 février 2004 n'étaient pas recevables ; qu'il y a lieu de ramener cette somme à 1 500 000 francs CFP ;

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie :

Considérant que la sanction disciplinaire illégale d'exclusion de fonctions de cinq mois, privant M. A de tout salaire, avant que ces sommes ne lui soient remboursées plusieurs années après, a causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à l'intéressé ; que, toutefois, la Nouvelle-Calédonie est fondée à soutenir que les premiers juges se sont livrés à une évaluation excessive du préjudice subi par l'intéressé à ce titre en le fixant à la somme de 2 000 000 francs CFP ; qu'il y a lieu de ramener cette somme à 1 500 000 francs CFP ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les parties ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 7 mai 2008, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la Nouvelle-Calédonie et la PROVINCE DES ILES LOYAUTE à verser, chacun, la somme de 1 500 000 francs CFP à M. A ;

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice subi par la fille de M. A et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à ces conclusions par la PROVINCE DES ILES LOYAUTE et la Nouvelle-Calédonie :

Considérant qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le lien de causalité directe entre les fautes de l'administration et les difficultés scolaires et les troubles dans les conditions d'existence de D n'est pas établi ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que la fille de M. A soit indemnisée des préjudices qu'elle a subis ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE dirigées contre la Nouvelle-Calédonie :

Considérant que la PROVINCE DES ILES LOYAUTE n'allègue pas que la Nouvelle-Calédonie aurait commis une faute à son égard de nature à justifier qu'elle la garantisse des condamnations prononcées à son encontre ; que, par suite, l'appel en garantie formé par la PROVINCE DES ILES LOYAUTE ne peut qu'être rejeté ;

Considérant que les conclusions tendant à ce que la Nouvelle-Calédonie soit condamnée à rembourser à la PROVINCE DES ILES LOYAUTE les sommes qu'elle a versé à M. A au titre de rappels de salaires sont nouvelles en appel ; que, par suite, la Nouvelle-Calédonie est fondée à soutenir qu'elles sont irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en fixant à 100 000 francs CFP le montant que la Nouvelle-Calédonie et que la PROVINCE DES ILES LOYAUTE devait verser, chacun, à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif ne s'est pas livré à une évaluation insuffisante des frais exposés et non compris dans les dépens de première instance par le requérant ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties au titre des frais exposés et non compris dans les dépens dans le cadre de la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé en tant qu'il a admis la recevabilité des conclusions indemnitaires de M. A relatives à la décision de mutation prise à son encontre le 19 février 2004.

Article 2 : La requête de M. A, le surplus de la requête de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE, l'appel incident et les conclusions de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 08PA04030,08PA04283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA04030
Date de la décision : 13/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: M. Francois LELIEVRE
Rapporteur public ?: Mme DESCOURS GATIN
Avocat(s) : SELARL BERQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-10-13;08pa04030 ?
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