Vu le recours, enregistré le 8 septembre 2008, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande à la cour : d'annuler le jugement n° 0411648 en date du 27 juin 2008 par lequel Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Saria Industries une indemnité de 1 935 006, 88 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 15 mai 2004, lesdits intérêts échus à la date du 15 mai 2005, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu les lignes directrices de la communauté concernant les aides d'Etat liées aux tests EST, aux animaux trouvés morts et aux déchets d'abattoirs (2002/C 324/02) ;
Vu l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 20 novembre 2003 GEMO C-126/01 ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du 28 juin 1996 modifiant l'arrêté du 30 décembre 1991 relatif à la transformation des déchets animaux et régissant la production d'aliments pour animaux d'origine animale ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2009 :
- le rapport de Mme Malvasio, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Chetrit, pour la société Saria Industries ;
Considérant que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande à la cour d'annuler le jugement du 27 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Saria Industries une indemnité de 1 935 006, 88 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2004, lesdits intérêts portant eux-mêmes intérêts à compter du 15 mai 2005, puis à chaque échéance annuelle, en réparation du préjudice résulté pour elle du défaut de prise en charge par l'Etat de prestations d'équarrissage réalisées par cette société du 15 juillet au 31 décembre 1996 en exécution de l'arrêté du 28 juin 1996 susvisé ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE soutient, d'une part, que l'Etat ne s'est pas engagé à prendre en charge les coûts des prestations d'équarrissage, supportés par la société Saria Industries, que le tribunal l'a condamné à rembourser à l'intéressée et, d'autre part, qu'une telle prise en charge constituerait une aide d'Etat incompatible avec le droit communautaire, que l'Etat ne saurait légalement assumer ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que par arrêté du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 28 juin 1996, adopté dans le contexte de la crise de l'encéphalopatie spongiforme bovine (ESB), obligation a été faite aux entreprises d'équarrissage agréées en application de l'article 8 de l'arrêté du 30 décembre 1991 susvisé d'incinérer les produits finis issus de matières à haut risque mentionnés à l'annexe I dudit arrêté correspondants à des cadavres d'animaux et déchets d'animaux, cette obligation emportant pour les entreprises concernées l'interdiction concomitante d'exercer leur activité lucrative antérieure de valorisation et de transformation des produits en cause ; que l'Etat a décidé de prendre à sa charge le coût financier de l'équarrissage sur une période de transition allant du 30 juin 1996, date d'entrée en vigueur de l'arrêté, jusqu'au 14 juillet 1996 et s'est engagé à prendre en charge la moitié des coûts nationaux résultant de l'élimination des cadavres d'animaux du 15 juillet au 31 décembre 1996, le financement complémentaire devant être mobilisé localement par les préfets de département ; que des instructions en ce sens ont été données aux préfets par le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation le 10 juillet et le 14 août 1996 ; que, dans le cadre d'échanges de correspondances avec la société Saria Industries relatives à ses demandes de remboursement des dépenses engagées s'échelonnant du 11 décembre 1996 au 10 décembre 2002, le directeur de cabinet du ministre chargé de l'agriculture, par lettre du 12 décembre 1996, a informé ladite société de l'engagement de l'Etat de prendre en charge 50% des coûts de collecte et d'élimination des cadavres animaux et des saisies sanitaires totales d'abattoir concernant la période du 15 juillet au 31 décembre 1996 ; que par lettre du 29 novembre 1999 le sous-directeur de l'élevage et des produits animaux a exprimé son souhait d'un prompt règlement de l'indemnisation des prestations d'incinération en cause et proposé à la société Saria Industries la prise en charge par l'Etat de l'incinération des farines stockées pour la période susmentionnée, engagement confirmé dans sa lettre du 1er février 2000 laquelle fait état d'un stock de 14 517, 176 tonnes de farines restant à incinérer et admet la prise en charge du coût du stockage depuis 1996 sur des sites situés dans le département du Morbihan ; que cette prise en charge a été confirmée par une nouvelle lettre du même sous-directeur du 17 février 2000 à ladite société, sollicitant comme les trois précédentes l'envoi de pièces justificatives, demandes de justificatifs dont il n'est pas contesté qu'elles ont été satisfaites ; qu'enfin par lettre du 20 décembre 2002 l'adjointe au directeur des politiques économique et internationale du ministère a indiqué à la société Saria Industries que sa direction était favorable à la recherche d'un accord transactionnel pour le règlement du solde des frais d'incinération, de transport et de stockage des farines animales en 1996 et 1997 ; qu'il résulte ainsi de l'ensemble des pièces du dossier que l'Etat a pris un engagement formel et sans ambiguïté concernant la prise en charge, à hauteur de 50% des dépenses, des prestations d'incinération, de transport et de stockage précisément chiffrées réalisées par la société défenderesse ; que la circonstance que le ministère de l'agriculture et de la pêche n'a en définitive pas signé le projet de convention destiné à permettre la régularisation des dépenses d'incinération des farines produites pendant la période du 15 juillet 1996 au 31 décembre 1996 qu'il avait proposé à la signature de la société Saria Industries, lequel, reprenait le chiffrage qu'il avait retenu dans sa lettre du 1er février 2000 susmentionnée, n'affecte pas la réalité de l'engagement pris par l'Etat en l'espèce ; que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ne saurait ainsi raisonnablement soutenir que les lettres suscommentées constitueraient des déclarations d'intention en vue d'une éventuelle transaction ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 88, paragraphe 3 du traité CE : La commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale et qu'aux termes de l'article 87 dudit traité : 1 Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. ;
Considérant que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE soutient que l'indemnisation litigieuse serait constitutive d'une aide d'Etat illégale car non notifiée, prohibée par le droit communautaire, en se prévalant des lignes directrices susvisées de la commission liées aux tests EST, aux animaux trouvés morts et aux déchets d'abattoirs et de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 20 novembre 2003 GEMO C-126/01 ; que toutefois, s'il ressort de cet arrêt, lequel concerne le dispositif de financement du service public de l'équarrissage issu de la loi nº 96-1139 du 26 décembre 1996, que la charge financière induite par l'élimination de cadavres d'animaux et de déchets d'abattoirs était un coût inhérent à l'activité économique des éleveurs et des abattoirs et que l'intervention des autorités publiques visant à les libérer de cette charge était un avantage économique susceptible de fausser la concurrence, répondant par conséquent à la qualification d'aide d'Etat incompatible au sens de l'article 87, §1 du traité, ledit arrêt , qui porte sur le dispositif de financement pérenne du service public de l'équarrissage postérieur aux circonstances de l'espèce, lesquelles étaient propres à la crise de l'ESB, est sans pertinence pour la solution du litige ; qu'en l'espèce la prise en charge par l'Etat des prestations d'incinération susmentionnées, exigées des équarrisseurs pour un motif de sécurité sanitaire et restées à la charge de ces professionnels, lesquels ne sont pas les producteurs des cadavres d'animaux et de déchets d'animaux, ne constitue pas une aide d'Etat accordée aux entreprises concernées au sens des dispositions précitées du traité de Rome mais la simple rémunération des prestations imposées auxdites entreprises pour des considérations d'intérêt général ; que, d'ailleurs, s'agissant d'un dispositif communautaire analogue, relatif à l'élimination d'huiles usagées et lié au motif d'intérêt général de protection de l'environnement et donnant lieu à l'attribution de subventions aux opérateurs économiques tenus de procéder à cette élimination, la cour de justice, dans un arrêt du 7 février 1985 Association de défense des brûleurs d'huiles usagées 240/83, dénie à la rémunération des prestations en cause la qualification d'aide d'Etat ; que le ministre ne saurait davantage utilement se prévaloir des lignes directrices de la commission relatives aux aides d'Etat accordées dans le contexte de la crise de l'ESB postérieurement à la période en cause ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l'Etat est en tout état de cause engagée à raison de la promesse faite à la société Saria Industries de prendre en charge les dépenses litigieuses ;
Sur le préjudice :
Considérant que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE soutient à titre subsidiaire que l'indemnité de la société Saria Industries devrait en tout état de cause être limitée aux seules dépenses de transport et d'incinération, soit 813 583, 27 euros, à l'exclusion des dépenses de stockage ; que s'il fait valoir que l'arrêté du 28 juin 1996 prévoyait l'incinération et non le stockage des cadavres et saisies sanitaires, la circonstance que cet arrêté ne précise pas que les produits visés devront au préalable être collectés, transportés, voire stockés le cas échéant, n'affecte pas le préjudice ici en cause ; que si le ministre soutient que les dépenses de stockage contestées ont été générées par la stratégie industrielle de l'entreprise, il n'apporte pas le moindre élément de preuve à l'appui de ses dires ; qu'en outre il résulte de ce qui précède que l'engagement de l'Etat concernait également les dépenses de stockage intéressant le département du Morbihan ; qu'enfin le ministre n'a pas discuté les factures et autres pièces justificatives des dépenses engagées par la société Saria Industries pour l'exécution des prestations d'incinération dont s'agit ; que le moyen subsidiaire du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE doit en conséquence être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à la société Saria Industries une indemnité correspondant à la prise en charge par l'Etat des coûts des prestations d'incinération assurées par elle en exécution des obligations d'intérêt général sanitaire imposées aux équarrisseurs par l'arrêté du 28 juin 1996, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des frais engagés par la société Saria Industries et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est rejetée.
Article 2 : Le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE versera à la société Saria Industries une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 08PA04708