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30/06/2009 | FRANCE | N°07PA02812

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2009, 07PA02812


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2007, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS (CCI de PARIS), dont le siège est 27 avenue de Friedland à Paris cedex 08 (75382), par la selarl Flecheux et associés ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0705538 du 24 mai 2007 par laquelle le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

2°) de condamner la société ADT France à lui verser une somme de 565 189,78 euros

assortie des intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la société ...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2007, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS (CCI de PARIS), dont le siège est 27 avenue de Friedland à Paris cedex 08 (75382), par la selarl Flecheux et associés ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0705538 du 24 mai 2007 par laquelle le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

2°) de condamner la société ADT France à lui verser une somme de 565 189,78 euros assortie des intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la société ADT France une somme de 21 801,64 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret n° 64-729 du 17 juillet 1964 modifié ;

Vu la loi nº 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2009 :

- le rapport de M. Lelièvre, rapporteur,

- les conclusions de M. Marino, rapporteur public,

- et les observations de Me Bazex, pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS, de Me Baillot, pour la société ADT France, et celles de Me Piard, pour la compagnie AXA assurances ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 2001-1168 susvisée du 11 décembre 2001 : Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ; qu'il résulte de ces dispositions que les litiges relatifs aux marchés de nature à être conclus en application du code des marchés publics dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret du 7 mars 2001 relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; que, d'autre part, aux termes de l'article 1er du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret n° 64-729 du 17 juillet 1964 applicable à la date de la conclusion, les 20 et 27 décembre 1993, des contrats litigieux : Les marchés publics sont les contrats passés, dans les conditions prévues au présent code, par les collectivités publiques en vue de la réalisation de travaux, de fourniture ou de services ; et qu'en vertu notamment de l'article 39 du même code, sont soumis aux formalités prévues par ce même code les marchés conclus par les établissements publics administratifs de l'Etat ;

Considérant que les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics administratifs de l'Etat soumis aux dispositions du code des marchés publics ; qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que les contrats en cause ont été conclus par la chambre de commerce et d'industrie de Paris en vue de la réalisation de services ; qu'ainsi, lesdits contrats devant être qualifiés de marchés passés en application du code des marchés publics, ils ont le caractère de contrats administratifs par détermination de la loi susmentionnée du 11 décembre 2001 ; que, par suite, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 24 mai 2007, la présidente de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la société ADT France comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître et à demander l'annulation de ladite ordonnance ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du contrat d'intervention physique conclu entre la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS et la société ADT Sécurité Systèmes devenue société ADT France en date du 27 décembre 1993 : En cas de déclenchement de l'alarme chez l'abonné, les services de télésurveillance de la société dépêcheront sur place une équipe d'intervention, conformément aux consignes établies conjointement par l'abonné et la société. Un rapport sur l'intervention sera fourni par téléphone à la centrale de surveillance de la société qui préviendra si nécessaire les responsables désignés des locaux télésurveillés ; et qu'aux termes de l'article 6.2. du contrat de télésurveillance signé le 20 décembre 1993 : Si à la connaissance de la société, la protection effective des locaux de l'abonné se trouve interrompue en dehors des horaires réguliers précisés par l'abonné dans les consignes remises à la société ... ou encore si les efforts faits par la société pour contacter l'abonné et pour obtenir des instructions conformément aux consignes ... la société se mettra en contact avec l'une des sociétés de gardiennage agréées par l'abonné et figurant sur la liste ci-jointe en annexe 1 et s'efforcera qu'un service de gardiennage soit mis en place et y reste jusqu'au rétablissement de la protection effective des locaux ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le samedi 22 juin 2002 à 22 heures 44, le système de télésurveillance des locaux du laboratoire français de gemmologie de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS assuré par la société ADT France a cessé de fonctionner si bien que ladite société n'a plus été en mesure, jusqu'au lundi suivant, d'assurer la télésurveillance de ce site ; que s'il est vrai que le directeur du laboratoire avait donné consigne à la société ADT France, par lettre du 29 janvier 2002, de ne pas l'avertir en cas de simple défaut du système déclenchant l'alarme de manière intempestive, il n'avait pas donné instruction de ne pas l'appeler en cas d'interruption totale du service de télésurveillance ; que, par suite, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS est fondée à soutenir qu'en s'abstenant de l'avertir de ce grave dysfonctionnement, la société ADT France ne s'est pas conformée aux obligations contractuelles qu'elle avait souscrites ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que le cambriolage dont la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS a été la victime est intervenu en dépit de la présence du préposé de la société CSD, sous-traitant de la société ADT France, qui s'était abstenu d'effectuer des rondes et s'était endormi à l'extérieur des locaux du laboratoire et alors même que l'alarme du coffre-fort avait été déclenchée ; que, contrairement à ce que soutient la société ADT France, les fautes commises par son sous-traitant, dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'il avait été agréé conformément aux stipulations de l'article 6.2. du contrat de télésurveillance, engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS ;

Sur la clause limitative de responsabilité :

Considérant que la société ADT France et son sous-traitant ayant commis des fautes lourdes, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS est fondée à soutenir que la clause, qui ne concerne d'ailleurs que le contrat de télésurveillance, limitant le montant de la responsabilité de la société ADT France à une année de redevance, ne saurait utilement recevoir application en l'espèce ;

Sur le préjudice :

Considérant que du fait des fautes commises par la Société ADT France, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS a subi une perte de chance de ne pas être victime d'un cambriolage ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette perte de chance peut être évaluée à 20%, ainsi que le demande la requérante ;

Considérant que les frais d'avocat payés à l'occasion des procédures devant le juge judiciaire n'ont pas été directement causés par la faute de la société ADT France dès lors notamment que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS pouvait prévenir ces contentieux en indemnisant immédiatement ses victimes ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les frais de remplacement du coffre-fort, de remplacement des diamants-étalons et les divers frais de remise en état des locaux n'auraient pas été remboursés par l'assureur de la requérante ; qu'il n'est pas établi que les frais de dépannages post-sinistres et portant notamment sur la détection d'incendie seraient liés à la survenance du cambriolage ; qu'il n'est pas davantage avéré que l'indemnisation accordée par l'AGF et le GAN pour la perte d'exploitation au cours des mois de juin à septembre 2002 ne couvrirait pas l'intégralité du préjudice financier réel subi par la requérante ; que si la requérante soutient que le cambriolage aurait entraîné une augmentation de ses primes d'assurance, elle n'apporte aucune pièce à l'appui de cette allégation ; qu'enfin, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS, qui n'allègue pas avoir subi une perte de chiffre d'affaires persistante, n'établit pas que l'atteinte portée à sa réputation lui aurait causé un préjudice ;

Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction qu'en raison de la survenance du cambriolage, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS a dû assurer un service particulier de gardiennage dans les jours suivant ce sinistre ; qu'elle a dû recourir aux services d'un bureau d'études et d'experts pour améliorer son système de sécurité ; qu'elle a été également contrainte d'installer un nouveau système de télésurveillance ; que le préjudice qu'elle a subi à ce titre, non indemnisé au titre du contrat d'assurance, s'élève à la somme totale de 141 481 euros ; que la réparation à laquelle la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS a droit à ce titre correspond au pourcentage représentatif de sa perte de chance de 20% de ne pas subir ce cambriolage appliqué à cette somme, soit 28 296,22 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation :

Considérant que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 28 296,22 euros à compter du 6 avril 2007, date de l'introduction de sa demande devant le Tribunal administratif de Paris ; que la requérante a également demandé la capitalisation des intérêts ; que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment, même si, à cette date, les intérêts sont dûs depuis moins d'une année ; que dans ce cas, cette demande ne prend effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dûs pour une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande à compter du 6 avril 2008, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les appels en garantie de la société ADT France :

Considérant qu'un contrat conclu entre une entreprise et un sous-traitant sont des contrats de droit privé dont le contentieux ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, les appels en garantie formés par la société ADT France à l'encontre de la société CSD et de l'assureur de ce sous-traitant doivent être rejetés comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ADT France la somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions à payer à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du Tribunal administratif de Paris du 24 mai 2007 est annulée.

Article 2 : La société ADT France est condamnée à verser la somme de 28 296,22 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2007 à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS. Les intérêts échus le 6 avril 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.

Article 3 : La société ADT France versera à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les appels en garantie de la société ADT France dirigés contre la société CSD et AXA Assurances sont rejetés comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et des conclusions de la société ADT France sont rejetés.

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N° 07PA02812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA02812
Date de la décision : 30/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: M. Francois LELIEVRE
Rapporteur public ?: M. MARINO
Avocat(s) : SELARL FLECHEUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-06-30;07pa02812 ?
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