Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2007, présentée pour M. Albert X, demeurant ..., par Me Teissier du Cros ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0016764 du 5 février 2007 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, au prélèvement social de 1 % et à la contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 et des pénalités dont ces cotisations ont été assorties ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance en date du 14 décembre 2008 fixant la clôture d'instruction au 5 janvier 2009 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 et l'arrêté du vice- président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2009 :
- le rapport de M. Dalle, rapporteur,
- les conclusions de Mme de Lignières, rapporteur public,
- et les observations de Me Gryner, pour M. X ;
Considérant que M. X a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel des cotisations à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et au prélèvement social de 1 % ont été mis à sa charge au titre des années 1993 et 1994 ; qu'il relève appel du jugement en date du 5 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur d'une somme globale de 170 927,10 euros, consécutif à un dégrèvement de même montant prononcé en cours d'instance par le service, a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le requérant a lui-même indiqué dans son mémoire enregistré le 10 décembre 2002 au greffe du tribunal qu'il effectuait des prestations auprès du Comité Marc Chagall et qu'il avait passé un contrat de dépôt avec la Galerie Enrico Navarra ; que, par ailleurs, l'administration avait indiqué dans son mémoire en défense devant le tribunal que des courriers envoyés à M. X, à l'adresse déclarée par lui à Monaco, étaient revenus au service avec la mention faire suivre Galerie Enrico Navarra 75 rue du Faubourg Saint Honoré 75008 Paris et que l'intéressé avait retiré plusieurs lettres envoyées à cette dernière adresse ; que, par suite et contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal ne s'est pas fondé sur des éléments de fait ne figurant pas au dossier ou dont les parties n'auraient pas fait état pour établir la réalité de sa domiciliation fiscale en France ;
Sur le principe de l'imposition en France de M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ; et qu'aux termes de l'article 4 B du même code : Sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ; qu'en vertu des articles 1600-0 C et F alors en vigueur du code général des impôts, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B étaient assujetties à un prélèvement social exceptionnel assis notamment sur le montant net des revenus de capitaux mobiliers retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté qu'au cours des années en litige, M. X était le gérant associé de la société à responsabilité limitée Vidéo Investissements Télévision (VIT), sise à Paris ; qu'au 31 décembre de chacune des deux années en litige 1993 et 1994, le solde du compte courant ouvert au nom de l'intéressé dans les écritures de cette société était créditeur et s'élevait respectivement à 597 732 F et 1 246 221 F ; que M. X doit être regardé par suite comme ayant exercé une activité professionnelle en France ; qu'il n'établit pas que cette activité y aurait été exercée à titre accessoire ; qu'ainsi, ayant son domicile fiscal en France, au sens de l'article 4 B précité du code général des impôts, il y était imposable, à l'impôt sur le revenu, à raison de l'ensemble de ses revenus et à la contribution sociale généralisée et au prélèvement social, à raison des revenus de capitaux mobiliers perçus par lui ;
Considérant que M. X soutient qu'il était domicilié à Monaco ; que, cependant, la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ne comporte aucune stipulation faisant obstacle à l'imposition en France des revenus perçus par M. X, ressortissant américain , alors même que ce dernier disposait d'un domicile à Monaco ; que, par ailleurs, l'intéressé n'allègue pas avoir eu aux Etats-Unis un foyer d'habitation, ni y avoir eu le centre de ses intérêts vitaux, ni y avoir séjourné habituellement et ne fait par suite état d'aucun élément tiré de la convention franco-américaine du 28 juillet 1967 alors applicable, de nature à faire obstacle à son imposition en France ;
Considérant que M. X étant réputé domicilié fiscalement en France à raison de son activité professionnelle, au sens du b de l'article 4 B du code général des impôts, la circonstance qu'il ne disposait pas de résidences secondaires dans ce pays est sans influence sur le principe de son imposition en France ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 170 du code général des impôts : 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille ; qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : Sont taxés d'office : 1°) A l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 ; et qu'aux termes de l'article L. 67 du même livre : La procédure de taxation d'office prévue aux 1 et 4 de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 170 du code général des impôts que M. X, imposable en France à raison de l'ensemble de ses revenus, était tenu d'y souscrire la déclaration détaillée prévue audit article ; qu'il n'a pas répondu aux mises en demeure de l'administration en date des 22 décembre 1994 et 13 octobre 1995 l'invitant à déposer ses déclarations de revenus des années 1993 et 1994 ; que l'administration était par suite en droit de mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office, même si, par ailleurs, l'intéressé, qui estimait être domicilié fiscalement hors de France, avait désigné un représentant fiscal en France conformément aux dispositions des articles 164 C du code général des impôts et L. 72 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que M. X se trouvait en situation de taxation d'office faute d'avoir souscrit ses déclarations de revenu global ; que cette situation de taxation d'office n'a pas pu être révélée au service par des investigations conduites au cours de l'examen de la situation fiscale de l'intéressé dès lors qu'elle procède de l'absence de réponse aux mises en demeure susmentionnées, lesquelles ont été envoyées antérieurement à cet examen ; que par suite, le moyen tiré de ce que ledit examen serait entaché d'irrégularités, notamment qu'il n'aurait pas donné lieu à un dialogue contradictoire, est inopérant ;
Sur la prescription alléguée des impositions établies au titre de l'année 1993 :
Considérant qu'en vertu de l'article L 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, pour l'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ;
Considérant que l'administration produit une attestation des services postaux monégasques certifiant qu'un pli recommandé a été présenté le 31 décembre 1996 au domicile de M. X à Monaco et qu'en l'absence du destinataire un avis a été déposé l'invitant à retirer ce pli à la poste ; que, par suite, l'administration établit avoir adressé au contribuable avant l'expiration du délai de reprise la notification de redressements du 23 décembre 1996, relative à l'année d'imposition 1993 ; que dès lors et en admettant que M. X n'aurait pas été en mesure de retirer le pli le jour même, en raison de la fermeture des bureaux de poste de Monaco le 31 décembre 1996 à midi, cette notification a interrompu la prescription en ce qui concerne les impositions portant sur l'année 1993 ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant que le requérant conteste en appel les redressements correspondant, d'une part, à l'imposition dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, de crédits apparaissant sur son compte courant d'associé dans la SARL VIT, d'autre part, à la réintégration dans les résultats de cette société de frais d'avocat supportés par elle mais engagés en réalité dans l'intérêt de M. X ;
En ce qui concerne les crédits apparaissant sur le compte courant d'associé :
Considérant que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus et ne sont alors imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, par suite, l'administration n'était pas en droit d'imposer les sommes ci-dessus mentionnées au nom de M. X dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ; que, toutefois, dans le dernier état de ses conclusions, en réponse au moyen d'ordre public communiqué par la Cour, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique demande que, par voie de substitution de base légale, les impositions contestées soient maintenues dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers ; que M. X soutient qu'un crédit de 1 780 165 F inscrit le 31 décembre 1994 sur son compte courant correspond au remboursement, par l'intermédiaire de la société VIT, d'un prêt qu'il avait consenti à la Banque Commerciale Privée ; qu'en l'absence de justifications probantes, cette allégation n'est pas de nature à établir que la somme en cause n'avait pas le caractère d'un revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, par ailleurs, la circonstance que M. X aurait abandonné à la société VIT, à hauteur de 3 723 085 F, les sommes que celle-ci avait mises à sa disposition sur son compte courant n'est pas de nature à faire obstacle à l'imposition desdites sommes au nom de l'intéressé ; qu'enfin, les allégations du requérant quant aux difficultés de trésorerie rencontrées par la société VIT qui auraient fait obstacle à ce qu'il disposât des sommes portées sur son compte courant ne sont assorties d'aucune justification probante ; qu'il y a donc lieu de maintenir l'imposition des crédits litigieux sur le fondement de la nouvelle base légale invoquée par le ministre, dès lors que ce changement de base légale ne prive M. X, qui, ainsi qu'il a été dit, était en situation de taxation d'office, d'aucune des garanties de procédure auxquelles il a droit ;
Considérant, cependant, que, par l'extrait de la comptabilité de la SARL VIT qu'il verse au dossier, le requérant établit que la somme de 741 113,94 F portée le 31 décembre 1993 au crédit de son compte courant d'associé correspond à un versement effectué à son profit par Mme Y, autre associé de cette société ; que cette somme dont l'origine est connue et qui n'a pas la nature d'un revenu distribué par la société VIT, ne peut donc être imposée dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ou dans celle des revenus de capitaux mobiliers ; que M. X est fondé dès lors à demander que la base d'imposition qui lui a été assignée au titre de l'année 1993 soit réduite d'une somme de 741 113,94 F ;
En ce qui concerne les frais d'avocat supportés par la société VIT :
Considérant qu'il est constant que ces frais ont été exposés dans l'intérêt de M. X et non dans celui de la société VIT ; que l'administration était par suite en droit de les regarder comme des sommes mises à disposition [d'un associé] , au sens de l'article 109-1 2° du code général des impôts et de les imposer entre les mains de l'intéressé, sur le fondement de ce texte ; que la circonstance que les frais en cause aient été de faible montant ou qu'au cours des années en litige le contribuable ait consenti des apports à la société VIT afin d'améliorer la trésorerie de celle-ci n'a aucune incidence sur le bien-fondé du redressement opéré par l'administration ;
Sur les pénalités de l'article 1728 du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100 (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40 p. 100 lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M. X était tenu de souscrire des déclarations détaillées de revenus ; qu'il n'a pas donné suite aux mises en demeure de souscrire ces déclarations ; que l'administration était par suite en droit d'assortir les droits mis à sa charge de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander une décharge, en bases, de 741 113,94 F (112 982,09 euros) de l'impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée et du prélèvement social auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1993 et des pénalités y afférentes et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. X, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée et du prélèvement social assignées à M. X au titre de l'année 1993 sont réduites d'une somme de 741 113,94 F (112 982,09 euros).
Article 2 : M. X est déchargé des droits et pénalités correspondant aux réductions de base d'imposition définies à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 février 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.
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N° 07PA01285