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22/06/2009 | FRANCE | N°08PA04387

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 22 juin 2009, 08PA04387


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 27 novembre 2008, présentés pour M. Junliang X, demeurant ..., par Me Cerf ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0809102/5 en date du 17 juillet 2008 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté, en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2008 du préfet de police refusant de lui accorder l'admission au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, et fixant

le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arr...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 27 novembre 2008, présentés pour M. Junliang X, demeurant ..., par Me Cerf ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0809102/5 en date du 17 juillet 2008 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté, en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2008 du préfet de police refusant de lui accorder l'admission au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'autorité préfectorale de lui délivrer le titre de séjour sollicité, et à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative au bénéfice de Me Cerf dans les conditions prévues à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 23 octobre 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant au requérant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 13 août 2008 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2009 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Desticourt, rapporteur public ;

Considérant que M. X, né le 17 août 1972 et de nationalité chinoise, entré en France le 2 septembre 1997 selon ses déclarations, a sollicité la régularisation de sa situation, en faisant notamment valoir sa présence ancienne sur le territoire et sa situation familiale ; que, par l'arrêté litigieux en date du 21 avril 2008, le préfet de police lui a refusé cette délivrance et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; qu'à la suite de la décision lui accordant l'aide juridictionnelle, M. X relève régulièrement appel de l'ordonnance susmentionnée en date du 17 juillet 2008, par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté son recours en estimant que sa requête rentrait dans le cadre de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative ;

Sur la régularité de l'ordonnance du 17 juillet 2008 :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du Tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : [...]5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens ; [...]7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que M. X a soulevé devant le tribunal plusieurs moyens à l'appui de sa contestation de la décision attaquée, notamment relatifs à sa vie privée et familiale sur le territoire, ainsi qu'à son intégration dans la société française, assortis de pièces permettant d'en apprécier le bien fondé ; que les termes dans lesquels ces moyens étaient exprimés, permettaient d'en saisir le sens et la portée, et étaient suffisants pour permettre au juge d'exercer son office en en appréciant le bien-fondé au regard des pièces produites ; que dans ces conditions, sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris ne pouvait être rejetée par l'ordonnance attaquée, en application des dispositions précitées, par le motif que les allégations du requérant ne pouvait manifestement pas venir au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou que le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit à une vie privée et familiale normale était manifestement infondé ; que M. X est dès lors fondé à solliciter l'annulation de l'ordonnance querellée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Paris du 17 juillet 2008 doit être annulée ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de l'arrêté du 21 avril 2008 :

Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ;

Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il est entré en France le 2 septembre 1997, et y demeure depuis lors, qu'il est marié depuis 1996 avec une compatriote, entrée en France en 1999, et que de cette union sont nés deux enfants l'un en Chine le 27 septembre 1997 et l'autre en France le 14 mars 2003, tous deux scolarisés en France ; que le couple pourvoit de façon effective à l'entretien et à l'éducation de ces enfants ; que M. X ne trouble pas l'ordre public, et a la volonté de s'intégrer en France de manière effective, en poursuivant des cours de langue française ; qu'il établit de manière complète et probante sa présence habituelle et continue en France depuis le 10 avril 1998, soit depuis un temps suffisamment long à la date de la décision litigieuse ; que dès lors, si les circonstances ainsi invoquées, ne peuvent être regardées comme des motifs exceptionnels ou des raisons humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code précité et si l'irrégularité de la situation de l'épouse du requérant ne lui permet pas de se prévaloir des stipulations conventionnelles ou des dispositions légales sus-visées protectrices du droit au respect de la vie privée et familiale, l'ensemble de ces circonstances, qui témoignent d'un enracinement et d'une réelle volonté d'insertion de M. X et de sa famille au sein de la société française font, qu'en lui refusant un titre de séjour, le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une telle décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 21 avril 2008 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ;

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement qu'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale soit délivrée à M. X ; qu'il y a ainsi lieu, en application des dispositions précitées d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un tel titre de séjour dans le délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de mettre à la charge de, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge et qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 76 de la même loi : Les bureaux d'aide juridictionnelle se prononcent dans les conditions prévues par les textes en vigueur à la date à laquelle les demandes ont été présentées et les admissions produiront les effets attachés à ces textes (...) ; que M. X ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir des dispositions sus-rappelées des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à payer à Me Cerf, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 17 juillet 2008 n° 0809102/5 du vice-président du Tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 21 avril 2008 refusant à M. X un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. X une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet de police tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 4 : L'Etat versera à Me Cerf une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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N° 08PA04387


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 08PA04387
Date de la décision : 22/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : CERF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-06-22;08pa04387 ?
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