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17/06/2009 | FRANCE | N°08PA03202

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 17 juin 2009, 08PA03202


Vu, I, sous le n° 08PA03202, la requête enregistrée le 19 juin 2008, présentée pour la LA POSTE, dont le siège est 44 Boulevard de Vaugirard à Paris Cedex (75757), par Me Bellanger ; LA POSTE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0609056/5-2 en date du 17 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 30 mars 2006 prononçant la révocation de Mme Corinne X ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme X une somme de 3 000 euros au tit

re de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, I, sous le n° 08PA03202, la requête enregistrée le 19 juin 2008, présentée pour la LA POSTE, dont le siège est 44 Boulevard de Vaugirard à Paris Cedex (75757), par Me Bellanger ; LA POSTE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0609056/5-2 en date du 17 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 30 mars 2006 prononçant la révocation de Mme Corinne X ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme X une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, II, sous le n° 08PA03258, la requête enregistrée le 20 juin 2008, présentée pour LA POSTE, dont le siège est 44 Boulevard de Vaugirard à Paris Cedex (75757), par Me Bellanger ; LA POSTE demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement n° 0609056/5-2 en date du 17 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 30 mars 2006 prononçant la révocation de Mme Corinne X ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;

Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 portant statut de LA POSTE ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2009 :

- le rapport de Mme Malvasio, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes n° 08PA03202 et 08PA03258 présentées pour LA POSTE présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

En ce qui concerne l'affaire n° 08PA03202 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, qui était au moment des faits cadre supérieur de second niveau exerçant les fonctions de chef de l'agence de Paris Capucines de la poste du 1er arrondissement, a reçu le lundi 25 juillet 2005 un appel téléphonique d'un interlocuteur se présentant comme le président du conseil d'administration de LA POSTE la chargeant d'une mission confidentielle pour laquelle un certain M. Y du service secret international l'appellerait ensuite ; que l'individu, qui a aussitôt contacté Mme X et lui a demandé d'acheter immédiatement un téléphone portable dédié à leurs communications confidentielles, lui a exprimé son souhait, dans le cadre d'une lutte contre le blanchiment, de connaître le nom d'un client effectuant des opérations importantes en numéraire et ceux des clients détenant le volume le plus important d'épargne disponible et lui a demandé de s'informer sur la procédure des virements internationaux ; que Mme X a donné à son interlocuteur une quinzaine de noms et prénoms de clients et le montant de leurs avoirs, ainsi que le numéro de compte d'un client aux avoirs importants, son avoir sur CCP (104 000 euros) et l'ensemble de ses liquidités disponibles (258 000 euros) ; qu'à la demande de son interlocuteur, Mme X s'est entraînée à imiter la signature de ce client, le soir après la fermeture du bureau ; que le mardi 26 juillet Mme X s'est informée auprès du centre financier sur les procédures en matière de virements internationaux ; que son interlocuteur lui a par ailleurs indiqué que des fraudeurs utilisaient le compte du client susmentionné pour effectuer du blanchiment d'argent servant à financer des activités terroristes et l'a informée qu'il allait commander à la caisse de l'agence 258 000 euros en se faisant passer pour ce client ; que Mme X, qui a ultérieurement confirmé cette commande à la caissière, étonnée d'une telle réservation de fonds, s'est informée sur la personnalité du client susmentionné auprès du conseiller financier lequel lui a fait part de ses réticences s'agissant d'une telle demande de liquidités de la part d'une personne de 83 ans dont le compte était peu actif et l'a mise en garde contre une éventuelle escroquerie ; que le mercredi 27 juillet Mme X a reçu de nouveaux appels de son interlocuteur poursuivant ses instructions en vue d'une remise des fonds pour scannage avant restitution et que la commande de fonds a été confirmée au bureau de Paris Louvre ; que le jeudi 28 juillet Mme X s'est fait livrer la totalité des fonds disponibles dans son bureau suivant les directives de son interlocuteur malgré les objections de la caissière au regard des règles de sécurité puis a quitté le bureau avec 340 500 euros placés dans une sacoche et suivant les instructions reçues s'est rendue en taxi au café le Canon de la Nation où elle a remis la sacoche dans les toilettes à une inconnue sans la voir ; que Mme X s'est ensuite rendue à la terrasse d'un autre café pour attendre la restitution des billets, en vain jusqu'à 12h, heure à laquelle elle est allée déposer plainte pour escroquerie au commissariat du 1er arrondissement ;

Considérant que par décision du 30 mars 2006, le directeur des opérations des ressources humaines de LA POSTE a pris la sanction de révocation à l'encontre de Mme X pour les motifs suivants : graves négligences professionnelles en matière de sécurité des fonds ayant généré pour LA POSTE un préjudice financier important et divulgation à des tiers non identifiés d'informations confidentielles ;

Considérant que, compte tenu de son expérience, de ses compétences et qualités professionnelles reconnues et de son niveau de responsabilité, le comportement de Mme X pendant les journées du 25 au 28 juillet 2005 au cours desquelles l'intéressée sans manifester le moindre doute, prendre une quelconque précaution ni procéder à aucune vérification en vue d'authentifier les instructions qui lui étaient données, s'est engagée immédiatement, sans réserve et sans jamais tenter d'y mettre un terme dans des agissements contraires aux règles et à la déontologie gouvernant ses fonctions dont un agent a fortiori de son rang ne pouvait raisonnablement croire qu'il servait LA POSTE et l'Etat, présente le caractère d'une faute grave de nature à justifier une sanction professionnelle ; que la circonstance que Mme X a subi une pression psychologique intense et qu'elle a eu peur ne suffit pas à excuser ou minimiser les agissements en cause dès lors que l'intéressée, dont il n'est ni établi ni même allégué qu'elle aurait été affectée de troubles diminuant ses capacités de discernement, n'a à aucun moment cherché à sortir de son isolement et à mettre un terme à l'engrenage dans lequel elle s'était trouvée en sollicitant conseil et secours auprès de son entourage professionnel, de sa hiérarchie ou de la police ; que de même la circonstance que Mme X n'avait pas d'antécédents disciplinaires mais était appréciée tant par ses collègues que par sa hiérarchie ne peut dans les circonstances de l'espèce atténuer la gravité de la faute commise ; que dès lors c'est sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation que LA POSTE a pris à son encontre la sanction de révocation litigieuse, une telle sanction n'étant pas manifestement disproportionnée à la faute commise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il y ait besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué que LA POSTE est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de révocation dont s'agit ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 du décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990, susvisé, alors applicable : Le président du conseil d'administration de LA POSTE (...) a notamment qualité pour : (...) recruter, nommer aux emplois de LA POSTE et gérer le personnel et qu'aux termes de l'article 15 du même décret : le président du conseil d'administration peut déléguer tout ou partie de ses attributions propres. / En matière de recrutement, nomination et gestion du personnel, le président du conseil d'administration peut déléguer sa signature, ou le cas échéant tout ou partie de ses pouvoirs, au directeur général, et sa signature aux chefs des services centraux et à leurs collaborateurs immédiats. ; qu'en application de ces dispositions, par décision n° 4 du 2 janvier 2004, le président du conseil d'administration de LA POSTE a donné délégation de pouvoir au directeur général, M. Z, en matière de recrutement et de gestion des personnels ; que l'article 2 de cette décision prévoit que les sanctions du groupe 4 (dont relève la sanction de révocation) sont déléguées au directeur général pour l'ensemble des fonctionnaires, quels que soient leur affectation et leur niveau de fonction et que selon l'article 5 de la même décision : le directeur général de LA POSTE peut, dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, déléguer sa signature à ses collaborateurs chargés de la gestion des ressources humaines et aux responsables des directions, services et établissements concernés ; qu'il résulte de l'article 3 de la décision n° 1593 du 8 juillet 2004 que le directeur général a donné délégation de signature au directeur délégué des ressources humaines et des relations sociales, M. A, à l'effet de signer les sanctions prises après avis du conseil central de discipline pour l'ensemble des personnels des fonctionnaires, quels que soient leur affectation et leur niveau de fonction et que par décision n° 2612 du 18 novembre 2005 le directeur général et directeur des ressources humaines et des relations sociales a précisé qu'en cas d'absence ou d'empêchement du directeur délégué des ressources humaines et des relations sociales la délégation de signature prévue à l'article 3 de la décision n° 1593 du 8 juillet 2004 était confiée à M. B, directeur des opérations et des ressources humaines ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le président du conseil d'administration de LA POSTE pouvait déléguer ses pouvoirs en matière de gestion du personnel au directeur général, comme il l'a fait, par décision du 2 janvier 2004 laquelle vise les sanctions du 4ème groupe et a autorisé le directeur général à déléguer sa signature à ses collaborateurs et que sur la base de cette autorisation, le directeur général et directeur des ressources humaines et des relations sociales, a pu accorder délégation de signature au directeur des opérations et des ressources humaines, M. B, signataire de la décision attaquée ; qu'ainsi Mme X n'est pas fondée à soutenir que la décision de révocation litigieuse a été signée par une autorité incompétente pour ce faire ;

Considérant, qu'en deuxième lieu, la décision attaquée qui vise les dispositions pertinentes de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, ainsi que la proposition du directeur des ressources humaines et des relations sociales, le dossier disciplinaire de Mme X et le compte rendu de séance et l'avis motivé du conseil de discipline consulté le 22 mars 2006, indique que la révocation est prononcée pour les motifs suivants : graves négligences professionnelles en matière de sécurité des fonds ayant généré pour LA POSTE un préjudice financier important et divulgation à des tiers non identifiés d'informations confidentielles ; que cette décision, qui comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde est suffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Paris doit être rejetée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de LA POSTE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne l'affaire n° 08PA03258 :

Considérant qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de LA POSTE tendant à la suspension du jugement attaqué ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 avril 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 08PA03202 est rejeté.

Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 08PA03258.

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Nos 08PA03202, 08PA03258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA03202
Date de la décision : 17/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme FLORENCE MALVASIO
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : BELLANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-06-17;08pa03202 ?
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