Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2007, présentée pour la société en nom collectif KIMBERLY CLARK, dont le siège est 26 rue Armengaud, BP 201, à Saint-Cloud (92212), par Me Stucki ; la SNC KIMBERLY CLARK demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0105534/1-1 du 28 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période couverte par les mois de novembre et décembre 1995 et février 1996, ainsi que des intérêts de retard y afférents ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive du conseil des communautés européennes n° 77/388/CEE du 17 mai 1977, modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2009 :
- le rapport de Mme Geniez, rapporteur,
- et les conclusions de M. Niollet, rapporteur public ;
Considérant que la société en nom collectif KIMBERLY CLARK qui vient aux droits et obligations de la société anonyme Kimberley Clark Sopalin, conteste le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 28 février 2007 qui a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couverte par les mois de novembre 1995, décembre 1995 et février 1996 résultant de la remise en cause par l'administration,d'une part, des déductions de taxe effectuées en novembre 1995, décembre 1995 et février 1996 correspondant à des dépenses de restauration, d'hébergement et de réception exposées au cours de la période entre le 1er janvier 1984 et le 30 septembre 1995 et mentionnées sur des factures rectificatives émises en 1995 par les prestataires d'autre part, de la déduction en novembre 1995 de la taxe figurant sur des factures relatives à des dépenses de même nature émises du 1er janvier 1993 au 30 septembre 1995 au double motif que les régularisations ainsi opérées n'avaient pas respecté l'obligation d'une inscription distincte prévue par les dispositions précitées de l'article 224 de l'annexe II et que pour les factures rectificatives émises en 1995, le délai prévu par ces mêmes dispositions pour réparer les omissions était expiré ;
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la sixième directive du conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 alors applicable : 1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. 2. Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a. La taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti [...] ; qu'aux termes de l'article 18 de la sixième directive du conseil des communautés européennes alors applicable : 1. Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l'assujetti doit : a) pour la déduction visée à l'article 17 paragraphe 2 sous a), détenir une facture établie conformément à l'article 22 paragraphe 3 ; (...) 3. Les États membres fixent les conditions et modalités suivant lesquelles un assujetti peut être autorisé à procéder à une déduction à laquelle il n'a pas procédé conformément aux paragraphes 1 et 2. ; qu'aux termes de son article 22 (...) 4. Tout assujetti doit déposer une déclaration dans un délai à fixer par les États membres. (...) Dans la déclaration doivent figurer toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, le cas échéant, et dans la mesure où cela apparaît nécessaire pour la constatation de l'assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées. (...) 6. Les États membres ont la faculté de demander à l'assujetti de déposer une déclaration reprenant toutes les données visées au paragraphe 4 et concernant l'ensemble des opérations effectuées l'année précédente. Cette déclaration doit comporter également tous les éléments nécessaires aux régularisations éventuelles. (...) 8. Sans préjudice des dispositions à arrêter en vertu de l'article 17 paragraphe 4, les États membres ont la faculté de prévoir d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude. (...) ;
Considérant qu'en vertu tant des dispositions combinées des articles 271 du code général des impôts et 207 de l'annexe II à ce code applicables à une partie de la période en litige que de celles de l'article 271 du même code dans sa rédaction applicable à la période en litige restante, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération, le droit à déduction prenant naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable ; qu'en vertu de l'article 269 dudit code, la taxe est exigible chez le redevable lors de l'encaissement du prix ; qu'en vertu de l'article 217 de l'annexe II au code susvisé pour la période antérieure au 1er juillet 1993, la déduction de la taxe ayant grevé les services est opérée par imputation sur la taxe due au titre du mois qui suit celui pendant lequel le droit à déduction a pris naissance et au titre du mois pendant lequel ce droit a pris naissance en vertu de l'article 271 susvisé dans sa version applicable à la période postérieure ; qu'en vertu de l'article 289 du même code, tout assujetti doit délivrer une facture pour les services rendus à un autre assujetti faisant apparaître par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe mentionnée distinctement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 224 de l'annexe II à ce code : - 1. Les entreprises doivent mentionner le montant de la taxe dont la déduction leur est ouverte sur les déclarations qu'elles déposent pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette mention doit figurer sur la déclaration afférente au mois qui est désigné aux articles 208 à 217. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission ;
En ce qui concerne le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures rectificatives émises en 1995 au titre de dépenses effectuées du 1er janvier 1984 au 30 septembre 1995 :
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions susvisées du code général des impôts interprétées à la lumière des articles 17 paragraphes 1 et 2 et 18 paragraphes 1 et 3 de la sixième directive du conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, que si le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe est exigible chez le prestataire de services, d'une part, il ne peut être exercé que lorsque le bénéficiaire des prestations s'est acquitté du prix demandé et qu'il détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part , le délai de deux ans pour réparer une omission de déclaration de la taxe déductible court à compter de l'exigibilité de la taxe chez le fournisseur ; qu' il suit de là que pour pouvoir déduire la taxe dont la déclaration a été omise, il incombe à celui qui acquitte une facture ne faisant pas apparaître le montant de cette taxe, alors qu'il n'ignore pas que le prestataire en est redevable, de se faire délivrer dans le délai prévu à l'article 224 de l'annexe II une facture répondant aux exigences de l'article 289 susvisé ;que ce délai n'est pas contraire aux dispositions de la sixième directive dont le paragraphe 18 paragraphe 3 n'interdit pas que soient prévues en droit national des forclusions au droit à déduction ;
Considérant qu'il est constant que les prestations de services qui étaient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ont été réalisées au cours de la période entre le 1er janvier 1984 et le 30 septembre 1995 ; que la taxe sur la valeur ajoutée était devenue exigible chez les prestataires de service au moment de l'encaissement des sommes portées sur les factures ; qu'ainsi le délai prévu par l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts pour exercer le droit à déduction était expiré en novembre 1995, décembre 1995 et février 1996, dates auxquelles la société Kimberley Clark Sopalin a déduit la taxe correspondant à ces prestations en se prévalant de factures rectifiées émises en 1995 ; que l'établissement de factures rectificatives postérieurement à ce délai n'est pas de nature à modifier le fait générateur et les conditions d'exigibilité de la taxe et du droit à déduction tels que définis aux articles 269 et 271 du code général des impôts et, par suite, à rouvrir le délai prévu à l'article 224-1 précité ; que la circonstance que la réglementation nationale en vigueur durant les années au cours desquelles les dépenses ont été payées faisait, en méconnaissance des règles communautaires, obstacle à la déduction de la taxe ayant grevé les frais de restauration, d'hébergement et de réception en litige, si elle est de nature à ouvrir aux contribuables concernés la possibilité d'une action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction au titre desdites années dans les conditions prévues à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, est sans incidence sur le délai de forclusion de l'article 224 de l'annexe II ;
En ce qui concerne le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures émises au titre de la période du 1er janvier 1993 au 30 septembre 1995 :
Considérant que l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts subordonne la régularisation dans le délai prévu de la taxe omise à son inscription sur une ligne distincte dans la déclaration souscrite par le contribuable ; que si en vertu de l'article 22 paragraphe 8 de la sixième directive les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour s'assurer que l'assujetti remplit ses obligations de déclaration et de paiement ou prévoient d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et éviter la fraude, de telles dispositions ne doivent pas avoir pour conséquence de remettre en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en fixant une telle condition formelle relative non à l'existence même du droit à déduction mais aux modalités d'exercice de ce droit dont le non-respect est sanctionné par un refus de déduction alors que les exigences de fond sont satisfaites et que l'absence d'inscription distincte ne rend pas impossible ou excessivement difficile l'exercice par l'administration de son droit de contrôle pour s'assurer de l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude, l'article 224 de l'annexe II en tant qu'il conditionne au respect d'une exigence formelle le droit à déduction prévu à l'article 17 de la sixième directive, méconnaît ce principe fondamental du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et le principe de proportionnalité qu'implique l'application de l'article 22 paragraphe 8 de la même directive tels que les interprète la Cour de justice des communautés européennes ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a porté sur ses déclarations CA 3 déposées au titre du mois de novembre 1995 le montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible figurant sur des factures relatives à des dépenses de réception, de restauration et d'hébergement au titre de la période du 1er janvier 1993 au 30 septembre 1995 et qu'elle avait omis de déclarer ; qu'elle a porté ce montant sur la ligne 17 - TVA déductible sur biens et services desdites déclarations et non, comme le prévoit l'article 224 de l'annexe II susvisé, sur la ligne distincte réservée à cet effet, la ligne 18 ; que l'administration qui ne conteste ni le droit à déduction de la taxe afférente aux dépenses concernées, ni le montant de taxe déductible et n'allègue aucune fraude ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts en tant qu'elle imposent une mention des régularisations sur une ligne distincte pour refuser à la société requérante la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures de ses fournisseurs au titre de la période du 1er janvier 1993 au 30 septembre 1995 pour un montant total de 393 434,62 F (59 978,72 euros) ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la société, celle-ci est fondée à demander la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause par l'administration de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures susmentionnées portée sur sa déclaration CA 3 de novembre 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société en nom collectif KIMBERLY CLARK est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés et résultant de la réintégration d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 393 434,62 F (59 978,72 euros) au titre des factures émises du 1er janvier 1993 au 30 septembre 1995 ainsi que des intérêts de retard y afférents ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société en nom collectif KIMBERLY CLARK et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il est accordé à la société en nom collectif KIMBERLY CLARK la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés et résultant de la réintégration d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 393 434,62 F (59 978,72 euros) au titre des factures émises du 1er janvier 1993 au 30 septembre 1995 ainsi que des intérêts de retard y afférents.
Article 2 : Le jugement n° 0105534/1-1 du Tribunal administratif de Paris du 28 février 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société en nom collectif KIMBERLY CLARK en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: Le surplus des conclusions de la requête de la société en nom collectif KIMBERLY CLARK est rejeté.
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N° 07PA01498
Classement CNIJ :
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