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21/01/2009 | FRANCE | N°08PA01315

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 janvier 2009, 08PA01315


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars 2008 et 25 mars 2008, présentés pour Mme X , demeurant chez M. Issara Kornmai 17 Allée des Eiders à Paris (75019), par Me Andrez ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706704 du 19 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police, en date du 7 mars 2007, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui ordonnant de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
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3°) d'enjoindre au préfet...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars 2008 et 25 mars 2008, présentés pour Mme X , demeurant chez M. Issara Kornmai 17 Allée des Eiders à Paris (75019), par Me Andrez ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706704 du 19 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police, en date du 7 mars 2007, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui ordonnant de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d'un an renouvelable, dans le délai de trente jours à compter du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me Andrez au titre des articles 37-2 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2009 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X , de nationalité thaïlandaise, a sollicité un titre de séjour auprès de la préfecture de police au titre de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 7 mars 2007, le préfet de police a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que Mme X relève appel du jugement en date du 19 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que Mme X se prévaut de son entrée régulière sur le territoire français le 21 septembre 1996, de sa résidence habituelle en France, de manière continue et ininterrompue depuis 1998, de sa vie privée et familiale sur ce territoire avec son compagnon de nationalité thaïlandaise, de la naissance de leurs deux enfants respectivement en 2000 et 2006 et de la scolarité de l'un d'entre eux ; que l'intéressée n'établit pas la date réelle de son entrée sur le territoire français dès lors que son passeport revêt un cachet indiquant une date d'entrée le 21 septembre 1996 dans un pays autre que la France ; que Mme X n'établit pas non plus y résider habituellement, de manière continue et ininterrompue depuis 1998, dès lors qu'elle ne produit aucune pièce pour l'année 1998 et que seule une attestation médicale datée du 21 mars 2002 fait mention de consultations en 1999 ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme X en France et de la circonstance que l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère, son enfant né en 1991 et ses soeurs et n'est pas empêchée d'y retourner avec ses enfants et son compagnon dont elle ne conteste pas le séjour irrégulier en France, la décision de refus de titre de séjour du 7 mars 2007 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a été prise ; que par suite, le préfet de police n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas non plus commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme X ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision distincte fixant le pays de destination et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France : « I.- L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa...» ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ... » ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si, ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis contentieux n° 306821-306822 en date du 19 octobre 2007, la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, c'est toutefois à la condition que le préfet ait rappelé dans sa décision les termes de l'article L. 511-1 du même code, qui l'habilitent à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'en l'espèce le préfet de police s'est borné à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans rappeler les dispositions spécifiques de ce code lui permettant d'assortir son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter la France ; qu'une telle référence est insuffisante et entache d'illégalité la décision litigieuse, et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police, en date du 7 mars 2007, en ce qu'il lui ordonne de quitter la France et fixe le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, l'annulation de la décision faisant obligation à Mme X de quitter le territoire français implique que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, pour le compte de Me Andrez une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0706704, en date du 19 septembre 2007, est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme X tendant à l'annulation des décisions lui ordonnant de quitter la France et fixant le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement, contenues dans l'arrêté du préfet de police du 7 mars 2007.

Article 2 : Les articles 2 et 3 de l'arrêté pris le 7 mars 2007 par le préfet de police à l'encontre de Mme X sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Me Andrez la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas. Le préfet de police tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

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N° 08PA01315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA01315
Date de la décision : 21/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés FARAGO
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme EVGENAS
Avocat(s) : ANDREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-01-21;08pa01315 ?
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