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22/10/2008 | FRANCE | N°07PA00995

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 22 octobre 2008, 07PA00995


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2007, présentée par le PREFET DE POLICE, lequel demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-01254, en date du 3 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 20 décembre 2004 rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. Songyun X, au bénéfice de Mlles Mimi et Anna X, ses filles légitimes nées en 1987 et 1989 de son mariage avec Mme Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Songyun X devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2007, présentée par le PREFET DE POLICE, lequel demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-01254, en date du 3 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 20 décembre 2004 rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. Songyun X, au bénéfice de Mlles Mimi et Anna X, ses filles légitimes nées en 1987 et 1989 de son mariage avec Mme Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Songyun X devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble et en tant que de besoin l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 99-566 du 6 juillet 1999 relatif au regroupement familial des étrangers, pris pour l'application du chapitre VI de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2008 :

- le rapport de M. Bernardin, rapporteur,

- les observations de Me Niga, pour M. X,

- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X, de nationalité chinoise, résident régulièrement en France ainsi que leurs deux fils majeurs ; que les intéressés ont demandé, le 29 décembre 2003, le bénéfice du regroupement familial au profit de leurs filles mineures, Mimi et Anna X, nées en 1987 et 1989 ; que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement en date du 3 mars 2007, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 20 décembre 2004 rejetant la demande de regroupement familial ainsi présentée par M. X ; que M. X demande à la cour, outre le rejet de la requête du PREFET DE POLICE, de faire injonction à celui-ci d'autoriser le regroupement familial demandé dans les deux mois de l'arrêt à intervenir ;

Sur les conclusions du PREFET DE POLICE :

En ce qui concerne le lien de filiation :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, en vigueur à la date de la décision attaquée : « Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres de séjour d'une durée de validité d'au moins un an prévus par la présente ordonnance ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. (...) » ; qu'aux termes de l'article 6 du décret du 6 juillet 1999 susvisé : « A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les originaux des pièces suivantes : 1° Les pièces justificatives de l'état civil des membres de la famille : l'acte de mariage et les actes de naissance des enfants du couple comportant l'établissement du lien de famille ... » ;

Considérant, d'autre part, s'agissant des actes d'état civil émanant des autorités étrangères, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47 du code civil applicable en 2004 : « tout acte civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » ; qu'aux termes de l'article 34 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée : « ... les autorités chargées de l'application de la présente ordonnance peuvent demander aux agents diplomatiques ou consulaires français la légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur l'authenticité de ce document ... » ; qu'en vertu de l'Instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 « afin de faciliter ... la preuve de l'authenticité d'un acte ... établi conformément aux règles de droit interne » et de « favoriser leur production », les actes, émanant notamment des autorités chinoises, sont soumis à une légalisation, prévue par une ordonnance royale de 1681, par les consuls de France accrédités dans ce pays ; que cette « sur-légalisation » effectuée par les agents consulaires s'ajoute, s'agissant des actes d'état civil chinois, à la légalisation apposée sur les documents produits par les intéressés et sur leur traduction en langue française par le ministre des affaires étrangères de la République de Chine ; que toutefois, la procédure prévue par l'instruction précitée, combinée avec les dispositions susrappelées de l'article 34 bis n'a pas pour objet ni pour effet de faire perdre toute valeur probante à un acte d'état civil que les autorités consulaires françaises auraient refusé de légaliser, en sorte que la « sur-légalisation » susmentionnée ne peut être considérée comme une condition de l'opposabilité des actes d'état civil régulièrement établis par les autorités chinoises ;

Considérant que M. X a présenté devant le tribunal administratif la traduction certifiée conforme, établie par un traducteur-interprète-expert près la Cour d'appel de Paris, des actes de naissance et de filiation concernant Mlles Mimi et Anna X ; que ces traductions attestent, d'une part, que les « actes notariés » sur lesquels elles portent, établissent l'état civil des intéressées ainsi que leur filiation avec M. et Mme X, et, d'autre part, que ces actes ont été légalisés par un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères de la République de Chine ; que si le PREFET DE POLICE fait remarquer que les actes notariés versés au dossier concernant les deux jeunes filles ne comportent pas au verso, comme les documents identiques concernant les deux premiers enfants de M. et Mme X, la marque de la légalisation délivrée par les autorités chinoises, il ne conteste cependant pas l'exactitude de la traduction certifiée conforme des documents qui ont été soumis au traducteur précité et qui, suivant ces traductions, comportaient la formalité de légalisation dont s'agit ; que dans ces conditions, le préfet n'alléguant pas que les actes notariés en question ne correspondraient pas aux formes usitées d'actes d'état civil en Chine, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 47 du code civil, de retenir les documents susmentionnés comme faisant foi, sous les réserves précitées énoncées par cet article ;

Considérant que pour mettre en doute la validité de ces documents, le PREFET DE POLICE soutient que le consul adjoint de France à Shanghai, auquel les documents fournis par M. et Mme X ont été soumis, a estimé que ces derniers n'étaient pas probants ; qu'il fait également remarquer que ces actes sont de plus dépourvus de la « sur-légalisation » par un consulat de France en Chine, visée par l'instruction précitée et s'ajoutant à leur légalisation par les autorités chinoises ;

Considérant, toutefois, que pour justifier son avis, le consul-adjoint s'est borné à porter sur le bordereau du 6 mai 2004 accompagnant le renvoi des documents susvisés la mention suivante: « Aucun des documents d'état civil présentés (dont des certificats de naissance) n'apportent la preuve de lien de filiation entre Mme X et M. X Songyun » ; que cette mention qui n'explicite pas les raisons qui ont conduit cet agent à regarder, en application des dispositions précitées de l'article 47 du code civil, les documents qui lui ont été soumis comme étant éventuellement irréguliers, falsifiés, inauthentiques ou inexacts quant aux faits qu'ils énoncent, n'est pas de nature à renverser la présomption qui s'attache aux documents susdécrits qui figurent au dossier ; que, dans ces conditions, la seule circonstance que les actes présentés n'auraient pas fait l'objet d'une légalisation par le consul-adjoint de France à Shanghai dans les conditions prévues par les dispositions de l'Instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 susvisée, ne suffisent pas à remettre en cause tant leur contenu que leur caractère probant ou leur authenticité ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE n'établit pas que c'est à bon droit que le consul-adjoint de France à Shanghai a estimé que les pièces produites au dossier n'étaient pas probantes ;

Considérant, enfin que la circonstance que les époux X n'auraient révélé que tardivement aux autorités françaises qu'ils étaient parents de quatre enfants est sans effet sur la validité des documents établissant leur filiation avec leurs filles dès lors que les inexactitudes de leurs déclarations ne sont pas de nature à porter atteinte à la régularité et à l'authenticité de ces documents ou à l'exactitude des faits qu'ils énoncent ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a estimé que les époux X devaient être regardés comme établissant le lien de filiation qui les unit à Mlles Mimi et Anna X ;

En ce qui concerne la condition relative au logement :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 28 I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : « le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1°... 2° le demandeur ne dispose ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France » ; qu'il résulte des pièces du dossier que l'office des migrations internationales a constaté, le 3 septembre 2004, que le logement des époux X dispose d'une superficie suffisante pour loger quatre personnes ; que si le PREFET DE POLICE soutient que, les époux X ayant deux autres enfants vivant en France, à savoir Yili, né en 1982 et Neili, né en 1984, le regroupement familial sollicité entraînerait l'occupation de ce logement par six personnes, il résulte des pièces figurant au dossier qu'en réalité, Yili X réside, au moins depuis avril 2004 à une autre adresse que celle de ses parents et qu'il en va de même de Neili X, au moins depuis mai 2004 ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que les conditions susvisées pour obtenir le regroupement familial n'étaient pas remplies par les époux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE ne saurait se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé sa décision en date du 20 décembre 2004 refusant d'instruire la demande de regroupement familial introduite par M. et Mme X pour Mlles Mimi et Anna X ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ;

Considérant que la présente décision confirmant l'annulation de la décision du PREFET DE POLICE n'implique pas nécessairement, au sens des dispositions de l'article L. 911-1 précité, la délivrance de l'autorisation de procéder au regroupement familial sollicitée par M. X, dès lors qu'il ne résulte pas des pièces figurant au dossier que l'intéressé remplit toujours, au jour du présent arrêt, les conditions prévues à l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne le montant de ses ressources et les caractéristiques de son logement ;

Considérant, en revanche, qu'en vertu de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors applicable, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, le regroupement familial peut être sollicité par le ressortissant étranger en faveur de ses enfants encore mineurs à la date de sa demande ; que l'autorité administrative doit apprécier l'âge limite des bénéficiaires du regroupement familial à la date du dépôt de cette demande ; que Mlles Mimi et Anna X étaient mineures lorsque M. X a sollicité le 29 décembre 2003 le regroupement familial à leur bénéfice ; que, dans ces conditions, et nonobstant le fait qu'à la date du présent arrêt Mlles Mimi et Anna X soient devenues majeures, l'annulation par le tribunal administratif de la décision en date du 20 décembre 2004 du préfet de police, confirmée par le présent arrêt, a pour conséquence de ressaisir l'administration de la demande en date du 29 décembre 2003 de M. X ; qu'il y a dès lors lieu d'enjoindre au préfet de police, en application de l'article L. 911-2 du même code, de se prononcer sur la demande de M. X, au regard des conditions du regroupement familial autres que l'âge de Mlles Mimi et Anna X, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que réclame M. X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE POLICE de réexaminer la demande de M. X dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.

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N° 07PA00995


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA00995
Date de la décision : 22/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés FARAGO
Rapporteur ?: M. André-Guy BERNARDIN
Rapporteur public ?: Mme EVGENAS
Avocat(s) : NIGA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-10-22;07pa00995 ?
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