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09/10/2008 | FRANCE | N°07PA00069

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 09 octobre 2008, 07PA00069


Vu le recours, enregistré le 9 janvier 2007, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0302700-3 du 13 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a déchargé la société Linden technology, ayant pour liquidateur mandataire M. X, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 1997 au 31 mars 2000 ;

2°) de remettre à la charge de la société Linden technology les droi

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Vu le recours, enregistré le 9 janvier 2007, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0302700-3 du 13 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a déchargé la société Linden technology, ayant pour liquidateur mandataire M. X, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 1997 au 31 mars 2000 ;

2°) de remettre à la charge de la société Linden technology les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités y afférentes pour ladite période à concurrence de la décharge prononcée en première instance pour le montant de 2 409 602 euros ;

3°) de réformer en ce sens le jugement susmentionné ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2008 :

- le rapport de M. Ladreit de Lacharrière, rapporteur,

- les observations de Me Lecler pour la société Linden technology,

- et les conclusions de M. Niollet, commissaire du gouvernement ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'il ressort de l'instruction qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société à responsabilité limitée Linden technology, qui exerçait l'activité de commerce en gros de matériel informatique, le service a remis en cause l'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont payée par cette société à plusieurs de ses fournisseurs en raison de ce qu'elle n'avait pu ignorer participer, par les acquisitions correspondantes, à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable » ; qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel » ; qu'il résulte de l'article 223, 1 de l'annexe II audit code que : « La taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leur fournisseur, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures » ; qu'aux termes de l'article 272, 2 du code général des impôts : « La TVA facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture » ; que l'article 283, 4 du même code dispose : « Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être effectivement acquitté par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée » ; qu'enfin aux termes de l'article 256 A du même code : « Sont assujetties à la TVA les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa... les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme une activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence » ; que, pour l'application de ces dispositions, transposées de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et ceci même si l'opération en cause satisfait aux critères objectifs sur lesquels sont fondées les notions de livraisons de biens effectuées par un assujetti agissant en tant que tel et d'activité économique ;

Considérant, en premier lieu, que la société Intertrading a vendu le 18 mars 1999 à la société Linden technology des marchandises qu'elle avait acquises le même jour à la société allemande FLC et que la société requérante a elle-même revendues le même jour à la société FLC ; que compte tenu de la rapidité de la circulation de lots entiers de marchandises revendues dans les mêmes quantités, du faible nombre d'intervenants au montage et de la circonstance que la somme des marges bénéficiaires des différentes sociétés impliquées correspondent très exactement au montant de la taxe sur la valeur ajoutée facturée et non reversée par la société Intertrading, la société Linden technology ne pouvait ignorer la fraude à laquelle elle a participée ;

Considérant, en second lieu, que la société Linden technology a acquis des composants informatiques auprès des sociétés Caprocom, CPI et Magma trading, qui les avaient elles-mêmes achetés à des sociétés du groupe Prodis, et les a ensuite revendus à très brève échéance à ces dernières sociétés ; que compte tenu de ce que les sociétés Caprocom, CPI et Magma trading, nouvellement créées, ne disposaient d'aucun moyen matériel et humain et avaient pour siège des domiciliations commerciales, de la rapidité de la circulation des produits et enfin de la circonstance que la somme des marges bénéficiaires des différentes sociétés impliquées correspondent très exactement au montant de la taxe sur la valeur ajoutée facturée et non reversée par les sociétés Caprocom, CPI et Magma Trading, la société Linden technology ne saurait non plus prétendre être restée dans l'ignorance de la fraude à laquelle elle a participée ;

Considérant, en troisième lieu, que la société Linden technology s'est approvisionnée auprès de la société UBO, créée le 7 juillet 1998, pour un montant hors taxes de 9 016 225 F, dont 239 400 F trois mois après la création de ladite société ; que la société Carlin, créée le 28 décembre 1998, lui a ensuite fourni des produits de janvier à juin 1999 pour un montant total de 8 923 261 F, dont 609 000 F dès le 5 janvier 1999 ; qu'elle s'est ensuite approvisionnée auprès de la société GTE, créée le 20 août 1999, pour un montant total de 405 725 F le 19 octobre 1999 ; que la société Linden technology, en possession des extraits Kbis de ces trois sociétés, savait qu'elles étaient dirigées par la même personne et avaient pour siège social la même domiciliation commerciale ; qu'elle a été en relation avec le même représentant pour les trois sociétés, qui n'était identifié que par son seul prénom et par un numéro de téléphone mobile, et au même transporteur agissant également au nom d'un donneur d'ordre désigné par son seul prénom ; qu'elle a réglé les trois fournisseurs, sociétés de droit français, sur des comptes situés à l'étranger ; que, compte-tenu des éléments relevés par le service, la société Linden technology ne pouvait ignorer que, par ses acquisitions elle participait à des opérations impliquées dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant enfin que la société Linden technology a acheté de janvier à mars 1999 à la société Sorhodis le même type de composant en nombre identique à chaque achat et a ensuite revendu ces marchandises à la société belge ABC au cours de la période d'avril à juillet 1999 ; que, compte tenu du décalage entre l'achat et la revente et de l'identité du fournisseur et du client, alors que l'activité de la société requérante consistait à confronter quotidiennement les possibilités d'achats et de reventes au meilleurs prix et dans le même temps, et de ce qu'une facture payée d'avance n'a donné lieu à aucune livraison, la société n'a pas eu avec ce fournisseur des pratiques commerciales normales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Linden technology ne pouvait ignorer ou aurait dû savoir que les opérations commerciales conduites avec les fournisseurs susmentionnés s'inscrivaient dans un circuit frauduleux, alors même que les marchandises acquises ont été réellement livrées et qu'elle a réalisé un profit sur les opérations d'achat et de revente ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de la société Linden technology en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures émises par lesdits fournisseurs ;

Considérant qu'il y a lieu pour la cour par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens présentés par la société Linden technology devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : « La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition, soit sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 257 (6° et 7°-1) du code général des impôts ; 2° Lorsqu'il s'agit de différends portant sur l'application des articles 39 1 (1°) et 111 (d) du code général des impôts relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du bénéfice des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du code précité » ;

Considérant que le différend opposant la société Linden Technology à l'administration portant sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible n'entrait pas de le champ de compétence de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires tel que défini par l'article L. 59 A susrappelé ; que, par suite, le service a pu, sans entacher la procédure d'imposition, s'abstenir de le soumettre à ladite commission ;

Sur les intérêts de retard et les pénalités pour mauvaise foi :

Considérant, d'une part, qu'en faisant valoir que la société ne pouvait ignorer ou aurait dû savoir qu'elle participait à un circuit frauduleux le service établit la mauvaise foi de cette dernière ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les intérêts de retard ont fait l'objet d'un dégrèvement ; que les conclusions de la demande relatives aux intérêts de retard sont, par suite, devenues sans objet ; [l1]

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le surplus de la demande de la société devant le Tribunal administratif de Melun doit être rejeté ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement en date du 13 juillet 2006 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures de sociétés Caprocom, CPI, Magma trading, Sorhodis, Carlin, UBO, GTE et Intertrading et les pénalités y afférentes résultant de l'avis de mise en recouvrement du 25 juin 2002 au titre de la période du 1er juillet 1997 au 31 mars 2000 sont remises à la charge de la société Linden technology.

[l1]avis de dégrèvement demandé le 17-7-08

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N° 07PA00069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA00069
Date de la décision : 09/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Pierre Ladreit de Lacharriere
Rapporteur public ?: M. Niollet
Avocat(s) : BENAYOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-10-09;07pa00069 ?
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