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11/06/2008 | FRANCE | N°06PA00009

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 11 juin 2008, 06PA00009


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 janvier 2006 et 23 février 2006, présentés pour M. Arnaud X, demeurant ..., par la SCP Delaporte, Briard et Trichet ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0019761/6-1 en date du 11 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant sa demande d'indemnité du 29 juin 2000, d'autre part, de condamner l'Etat à lui payer une som

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 janvier 2006 et 23 février 2006, présentés pour M. Arnaud X, demeurant ..., par la SCP Delaporte, Briard et Trichet ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0019761/6-1 en date du 11 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant sa demande d'indemnité du 29 juin 2000, d'autre part, de condamner l'Etat à lui payer une somme de 43 379 557 francs, augmentée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice financier, du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant des comportements fautifs des services du ministère de la défense et de la Cour des comptes et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 50 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761 - 1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 47 ;

Vu le décret n° 85-199 du 11 février 1985;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2008 :

- le rapport de Mme Malvasio, rapporteur,

- les observations de Me Janura, pour M. X,

- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 11 octobre 2005 rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser à raison du préjudice financier, du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qui seraient résultés pour lui du comportement fautif, d'une part, des services du ministère de la défense et, d'autre part, de la Cour des comptes ;

Sur la responsabilité des services du ministère de la défense :

Considérant, en premier lieu, que M. X fait grief aux services du ministère de la défense, en particulier la Direction du commissariat de l'Armée de terre (DICAT), avec lesquels la société Labor Métal, ayant pour objet le commerce en gros de matériels de bureau et de matériels informatiques et dont il était le dirigeant, exerçait plus de 50 % de son activité, d'avoir, sur la base d'instructions internes, cessé brutalement toutes relations commerciales avec elle à partir de la fin de l'année 1994, écartant ainsi illégalement cette société de toutes nouvelles commandes publiques ; que le requérant invoque ainsi implicitement le principe d'égal accès à la commande publique énoncé à l'article 1er du code des marchés publics lequel souffre cependant exception selon l'article 43 dudit code lorsqu'un cocontractant potentiel a fait l'objet de certaines condamnations pénales ;

Considérant que si la cessation des relations commerciales entre les services du ministère de la défense et la société Labor Métal à la suite de l'enquête menée en 1994 par le contrôle général des armées, laquelle avait identifié de nombreuses malversations en infraction aux règles concernant la passation des marchés publics, l'exécution du budget et la comptabilité publique et la maîtrise d'ouvrage publique impliquant des responsables militaires et la société Labor Métal et des procédures administratives et pénales alors ouvertes, est un fait patent, M. X n'établit pas que des « instructions » auraient été données aux services du ministère de la défense concernés afin de l'écarter de tout marché futur ; qu'il résulte seulement de l'instruction qu'une réorganisation du service chargé de la commande publique a été engagée au sein du ministère de la défense en décembre 1994 et que, dans ce cadre, des instructions fermes ont été adressées aux agents concernés en vue du respect de la réglementation sur les marchés publics ; que M. X ne soutient pas et, a fortiori n'établit pas, que la société qu'il dirigeait aurait alors été illégalement évincée de procédures d'appel d'offres auxquelles elle se serait portée candidate, le requérant ne se prévalant d'aucune procédure à laquelle il aurait en vain soumissionné, non plus que de recours engagés devant les tribunaux administratifs pour faire valoir ses droits ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. X se plaint d'un refus de livraison concernant une commande de moquette, il résulte de l'instruction que le contrat relatif à cette commande a été déclaré nul par un arrêt exécutoire de la Cour administrative d'appel de Marseille du 17 octobre 2005 ; que l'administration n'a par suite commis aucune faute en n'exécutant pas ce contrat ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X fait grief aux services du ministère de la défense d'avoir émis des titres de perception à l'encontre de la société Labor Métal, lesquels ont été annulés par le Tribunal administratif de Marseille pour vice de forme ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie précise, sans être démenti, que M. X n'a jamais acquitté les sommes en cause ; que, dès lors, l'émission des titres litigieux n'a causé aucun préjudice à l'intéressé ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. X fait grief aux services du ministère de la défense, en particulier du contrôle général des armées, d'avoir alimenté des fuites dans la presse discréditant la société Labor Métal ; que toutefois, si M. X produit un article paru dans le Monde, du 17 janvier 1995, mettant en cause le commissariat à l'Armée de terre au sujet des marchés passés entre les DICAT de Marseille et de Rennes et la société Labor Métal faisant état des irrégularités commises, il n'établit pas que les services du ministère de la défense auraient été à l'origine de cet article au demeurant surtout critique à l'égard du ministère de la défense ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que M. X a lui-même accordé un entretien au Parisien daté du 28 octobre 1995, dans lequel lui-même a publiquement divulgué les pratiques irrégulières auxquelles il participait comme dirigeant de la société Labor Métal ; que M. X ne saurait donc se plaindre du discrédit qui aurait été porté sur la société Labor Métal dans la presse, ayant lui-même participé à la publicité donnée à l'affaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre l'Etat à raison de l'action prétendument fautive des services du ministère de la défense ;

Sur la responsabilité de la Cour des comptes :

Considérant que la responsabilité de l'Etat du fait de l'exercice par la Cour des comptes de ses compétences juridictionnelles ne peut être engagée que pour faute lourde ; qu'en revanche, lorsque cette même juridiction assure sa mission d'établissement d'un rapport public, la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée en cas de faute simple ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 4 du décret susvisé du 11 février 1985, alors applicables : « Le procureur de la cour (...) peut informer les autorités compétentes des observations qui lui sont renvoyées par la cour. Il communique avec les administrations. » ; que par lettre du 11 septembre 1996, le ministre de la défense a interrogé le premier président de la Cour des comptes sur l'opportunité d'un protocole transactionnel avec la société Labor-Métal ; que le procureur de la cour, auquel ce courrier a été transmis en application des dispositions précitées, a informé le ministre, par une lettre datée du 24 octobre 1996, qu'une éventuelle transaction serait sans incidence sur la procédure de gestion de fait engagée, celle-ci étant d'ordre public, qu'en cas de déclaration définitive de gestion de fait les intéressés seront tenus de produire leurs comptes et que si la société Labor Métal, de sa propre initiative ou du fait d'une transaction avec l'administration, effectuait un reversement partiel, celui-ci viendrait s'imputer sur le montant du débet ; qu'il a in fine rappelé les quatre procédures de gestion de fait dont la société Labor Métal faisait l'objet ; qu'il suit de là que le procureur de la cour s'est borné pour l'essentiel à préciser la portée juridique limitée qu'aurait une éventuelle transaction ; qu'ainsi et alors même que la lettre du 24 octobre 1996 fait suite à une demande d'avis, et non pas simplement d'information, qui n'est prévue par aucun texte, elle ne saurait révéler une faute lourde, de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X soutient que la Cour des comptes a commis une faute dans l'exercice de son activité de contrôle pour avoir prononcé « une véritable condamnation » en termes quasiment diffamatoires de la société Labor Métal dans son rapport public pour l'année 1996 ; que par un arrêt d'Assemblée du 23 février 2000 Société Labor Métal, le Conseil d'Etat a considéré que le rapport public de la Cour des comptes pour l'année 1996 avait fait état du « détournement des procédures d'achat au sein du commissariat de l'Armée de terre » et de l'engagement d'une procédure de gestion de fait à l'encontre des personnes responsables, dans des termes suffisamment précis pour permettre le rapprochement avec l'affaire en cours devant la deuxième chambre de la Cour des comptes ; qu'il a constaté la mise hors de cause par l'arrêt contesté, notamment, de M. X, et annulé ledit arrêt, qui prononçait définitivement la gestion de fait, en raison de la méconnaissance tant du principe d'impartialité que de celui des droits de la défense qui l'entachait ; que toutefois, si M. X fait grief à la Cour des comptes d'avoir employé dans le rapport public litigieux les termes « marchés fictifs », « irrégularités », « pièces occultes », « dépenses inutiles ou somptuaires », « prête-noms », « montages », « comptabilité fictive » et « gestion de fait », ces termes, contrairement à ce que soutient le requérant, ne sont pas diffamatoires mais se bornent à qualifier des faits dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient été inexacts ; que notamment M. X a, pour certains de ces faits, fait l'objet d'une condamnation définitive, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et à verser 1 699 273 euros à l'Agent judiciaire du Trésor, par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence du 18 juin 2003, confirmé par un arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2004 ; que la Cour européenne des droits de l'homme, que M. X avait saisi de cette procédure, a déclaré irrecevable la requête de l'intéressé par un arrêt du 30 août 2007 X/France ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X fait valoir que la Cour des comptes a engagé une procédure juridictionnelle qui s'est avérée irrégulière et que la cassation sans renvoi par le Conseil d'Etat de l'arrêt de la Cour des comptes en date du 7 novembre 1997 le déclarant comptable de fait a définitivement close ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la faute alors commise ait causé, quel que soit son degré de gravité, un préjudice distinct de celui résultant des condamnations sus-rappelées et devenues définitives, prononcées à raison des mêmes faits par les autorités judiciaires ; qu'il y a donc lieu d'écarter le moyen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices invoqués par lui ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X, une somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X versera au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 06PA00009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 06PA00009
Date de la décision : 11/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: Mme FLORENCE MALVASIO
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : SCP DELAPORTE-BRIARD-TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-06-11;06pa00009 ?
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