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05/06/2008 | FRANCE | N°06PA00904

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 05 juin 2008, 06PA00904


Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2006, présentée pour M. Christian X, demeurant ..., par Me Veroux ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0310642/7 en date du 13 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande d'indemnisation en date du 4 avril 2003 et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 163 000 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du

4 avril 2003 avec capitalisation de ces intérêts en réparation du préju...

Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2006, présentée pour M. Christian X, demeurant ..., par Me Veroux ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0310642/7 en date du 13 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande d'indemnisation en date du 4 avril 2003 et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 163 000 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2003 avec capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice résultant des décisions prises par la commission de contrôle des assurances et annulées par le Conseil d'Etat, ainsi que de mettre à la charge de l'Etat une somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 163 000 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2003 avec capitalisation de ces intérêts, en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2008 :

- le rapport de Mme Malvasio, rapporteur,

- les observations de Me Veroux, pour M. X,

- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'un contrôle diligenté par la commission de contrôle des assurances à l'égard des sociétés ICD SA et ICD Vie, dont M. X était le fondateur et dirigeant, et des rapports, en dates du 28 octobre 1999, 3 mars 2000 et 20 avril 2000, établis par le commissaire contrôleur, cette commission, par décision du 19 avril 2000, a infligé à M. X un blâme et une sanction pécuniaire de 100 000 francs sur le fondement de l'article L. 310-18 du code des assurances ; que, par décision du 21 août 2000, elle a mis en oeuvre la procédure de recours au fonds de garantie prévue par l'article L. 423-2 du code des assurances et lancé un appel d'offres en vue du transfert du portefeuille de contrats de la société ICD VIE ; que, par décision du 6 octobre 2000, elle a lancé la procédure de transfert du portefeuille de contrats de la société ICD SA ; que, par deux décisions du 7 novembre 2000, elle a procédé au retrait des agréments de la société ICD SA et décidé le transfert d'un contrat collectif d'assurances de cette même société et que, par décision du 19 décembre 2000, elle a procédé au retrait des agréments de la société ICD Vie ; que, par deux arrêts en dates, le premier du 28 octobre 2002 et le second du 10 mars 2003, le Conseil d'Etat, sur recours de M. X, a annulé toutes ces décisions, au motif que l'exigence qui s'imposait à elle en vertu des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avait été en l'espèce méconnue dès lors que le président de la commission, dans le cadre de la procédure administrative engagée contre M. X en tant que dirigeant des sociétés concernées, avait pris nettement position, avant que la commission ne délibère sous sa présidence et prononce les sanctions en cause, sur le non-respect, par ces sociétés de leurs obligations légales de solvabilité et sur les comportements fautifs de M. X ;

Considérant que M. X, après avoir vainement demandé le 4 avril 2003 au ministre en charge de l'économie et des finances d'indemniser le préjudice qu'il estimait avoir subi du fait des agissements de la commission de contrôle des assurances, a saisi de cette demande le Tribunal administratif de Paris, le 25 juillet 2003 ; que M. X fait régulièrement appel du jugement, en date du 13 janvier 2006, par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à ses conclusions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant en premier lieu que le tribunal a estimé que la responsabilité de l'Etat n'était susceptible d'être engagée du fait des décisions prises par une autorité administrative indépendante chargée d'une mission de régulation dans un secteur économique et financier que si les actes de cet organisme étaient constitutifs d'une faute lourde et qu'une telle exigence n'avait pas pour effet de priver le requérant d'un recours effectif au sens de l'article 13 de ladite convention ; que le tribunal, ayant ainsi indiqué le régime de responsabilité applicable au litige et répondu aux affirmations du requérant sur la méconnaissance de la stipulation conventionnelle invoquée, a suffisamment motivé son jugement ;

Considérant que M. X reproche, en second lieu, aux premiers juges, de ne pas avoir répondu, d'une part, au moyen selon lequel le manquement de la commission de contrôle des assurances à l'obligation d'impartialité, constaté par les arrêts susmentionnés du Conseil d'Etat, était à lui seul constitutif d'une faute lourde et, d'autre part, au moyen tiré du harcèlement dont lui-même et les sociétés qu'il dirigeait auraient fait l'objet de la part de cette commission ; que toutefois, dès lors que le tribunal a estimé que les préjudices allégués ne provenaient pas de la méconnaissance de l'obligation d'impartialité, les arguments du requérant relatifs à la faute lourde qu'aurait révélée le manquement en cause ainsi que ceux relatifs au harcèlement allégué, présentés dans les écrits de M. X comme significatifs de la méconnaissance de l'exigence d'impartialité, étaient inopérants ; que le tribunal administratif n'était donc pas tenu d'y répondre ;

Sur la responsabilité de l'Etat du fait des agissements de la commission de contrôle des assurances :

Considérant que, quelle que soit la gravité de la faute résultant de ce que le président de la commission a méconnu l'exigence d'impartialité, cette faute n'est en tout état de cause susceptible de donner lieu au paiement d'une indemnité que dans la mesure où elle est directement la cause d'un préjudice certain, ce qui ne serait pas le cas si les faits soumis à la commission impliquaient nécessairement la sanction litigieuse ;

Considérant que la cour ne trouve pas au dossier tous les éléments lui permettant d'apprécier quelle était l'étendue de la marge d'appréciation dont disposait la commission dans le prononcé et la gradation des sanctions alors prises ; que, dans ces conditions, il convient d'ordonner avant dire droit une expertise, étant précisé que l'administration en a elle-même admis le principe et a invité la cour à recueillir les observations des personnes ayant eu à porter une appréciation sur la solvabilité et la couverture des engagements réglementés de la société ICD Vie ; que l'expert aura pour mission de réunir tous éléments de fait sur l'existence d'une situation nette négative des sociétés ICD SA et ICD Vie, à la fin de l'exercice clos le 31 décembre 1999 ainsi qu'à la date des décisions litigieuses, et à cet effet a) décrire la manière dont ces sociétés tentaient de satisfaire les règles de solvabilité et de provisionnement, qui leur étaient applicables, b) recueillir le témoignage de M. Jean-Pierre Y, administrateur provisoire désigné par la commission de contrôle des assurances le 22 mai 2000, ainsi que celui des sociétés CAMCA Assurance et AFI Europe auxquelles ont été transférés, à la première, le 7 novembre 2000, le contrat collectif d'assurance souscrit auprès de la société ICD SA et, à la seconde, le 7 décembre 2000, le portefeuille de contrats souscrit auprès de la société ICD Vie, sur le caractère suffisant des provisions constituées par les sociétés en question, c) mesurer la portée de la couverture résultant du traité de réassurance conclu avec la société Hannover Re, le cas échéant en entendant des représentants de cette société ; l'expert donnera également à la cour, pour le cas où celle-ci aurait à évaluer un préjudice indemnisable, toutes indications sur la valeur des sociétés ICD SA et ICD Vie à la date des décisions litigieuses, au vu, notamment, des rapports, notes et audits dont se prévalent les parties ;

D E C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. X, procédé à une expertise contradictoire.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 3 : Il aura pour mission 1°) de réunir tous éléments de fait sur l'existence d'une situation nette négative des sociétés ICD SA et ICD Vie, à la fin de l'exercice clos le 31 décembre 1999 ainsi qu'à la date des décisions litigieuses, et à cet effet a) décrire la manière dont ces sociétés tentaient de satisfaire les règles de solvabilité et de provisionnement, qui leur étaient applicables, b) recueillir le témoignage de M. Jean-Pierre Y, administrateur provisoire désigné par la commission de contrôle des assurances le 22 mai 2000, ainsi que celui des sociétés CAMCA Assurance et AFI Europe auxquelles ont été transférés, à la première, le 7 novembre 2000, le contrat collectif d'assurance souscrit auprès de la société ICD SA et, à la seconde, le 7 décembre 2000, le portefeuille de contrats souscrit auprès de la société ICD Vie, sur le caractère suffisant des provisions constituées par les sociétés en question, c) mesurer la portée de la couverture résultant du traité de réassurance conclu avec la société Hannover Re, le cas échéant en entendant des représentants de cette société ; 2°) de donner toutes indications sur la valeur des sociétés ICD SA et ICD Vie à la date des décisions litigieuses, au vu, notamment, des rapports, notes et audits dont se prévalent les parties.

Article 4 : Tous droits et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

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N° 06PA00904


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 06PA00904
Date de la décision : 05/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: Mme FLORENCE MALVASIO
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : VEROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-06-05;06pa00904 ?
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