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18/03/2008 | FRANCE | N°07PA02722

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 18 mars 2008, 07PA02722


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE ; le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702405/4 du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté en date du 20 février 2007 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme Aude Y, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'injonction de délivrance de titre de séjour portant la me

ntion « vie privée et familiale » à l'intéressée ;

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Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE ; le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702405/4 du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté en date du 20 février 2007 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme Aude Y, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'injonction de délivrance de titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » à l'intéressée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le préambule de la Constitution de 1946 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2008 :

- le rapport de Mme Descours-Gatin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Marino, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE fait appel du jugement du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé sa décision du 20 février 2007 par laquelle il a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étudiant formulée par Mme Y et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que Mme Y, de nationalité congolaise, est entrée régulièrement en France le 13 octobre 2002 pour y poursuivre des études et a été munie d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ; qu'elle s'est mariée avec un compatriote titulaire d'une carte de résident, avec lequel elle a eu un enfant, né en France en juin 2006 ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances et notamment aux conditions régulières de son entrée et de son séjour en France et alors même que l'intéressée serait susceptible de bénéficier du regroupement familial, il ressort des pièces du dossier qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à compter de la notification du refus de séjour, le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme Y ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger déjà admis à résider en France qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande (…) 4° S'il entend demeurer en France pour y poursuivre des études ou y suivre un enseignement ou un stage de formation, les pièces exigées à l'article R. 313-8 » ; que, pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration saisie d'une demande de renouvellement présentée en qualité d'étudiant de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement ses études ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y a échoué au cursus de BTS « action commerciale » initialement entrepris au titre de l'année 2002-2003, qu'au cours de l'année 2003/2004, elle a changé d'orientation pour poursuivre des études en deuxième année de licence Administration Economique et Sociale à l'université Paris 13 ; que l'intéressée, qui a bénéficié de cartes de séjour étudiant du 13 octobre 2002 au 8 octobre 2006, n'a obtenu aucun diplôme à l'issue de ces quatre années d'études universitaires ; que, dès lors, en se fondant, pour refuser le titre de séjour sollicité, sur l'absence d'obtention de diplôme depuis l'entrée en France de l'intéressée le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation du sérieux des études de l'intéressée ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles toute personne a droit au respect d'une vie familiale normale sont par elles-mêmes sans incidence sur l'appréciation par l'administration de la réalité et du sérieux des études poursuivies lors de l'instruction d'une demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étudiant ; que, par suite, le moyen invoqué par Mme Y et tiré de l'atteinte disproportionnée portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et repris par les dispositions du 7° de l'article L. 313 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant en tant qu'il concerne le refus de titre de séjour étudiant ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 20 février 2007 refusant le renouvellement du titre de séjour « étudiant » à Mme Y ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 05 BCIA 64 du 30 décembre 2005, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Seine-et-Marne n° spécial du 2 janvier 2006, est donnée « délégation de signature à Mme Catherine Acacio, directeur des services de la préfecture, directrice de la citoyenneté et de la réglementation, à effet de signer les actes relevant de la direction, à l'exception des circulaires aux maires, des correspondances avec les ministres, les parlementaires, le président du conseil général, les conseillers généraux, le président du conseil régional, les conseillers régionaux, les chefs des services régionaux ; que les actes « relevant de la direction » comprennent, sauf s'il en est disposé autrement dans l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers, en particulier les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE n'était pas tenu de prendre un nouvel arrêté en matière de police des étrangers ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article 3 de l'arrêté n° 05 BCIA 64 du 30 décembre 2005 précité donnent compétence à Mme Aurore Z, attachée de préfecture, pour signer la décision du 20 février 2007 attaquée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté a été pris par une autorité incompétente doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que si Mme Y fait valoir, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision du 20 février 2007 lui refusant le titre de séjour étudiant sollicité, qu'elle poursuit des études réelles et sérieuses depuis son arrivée en France en 2002, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée s'est inscrite, au cours de l'année universitaire 2006-2007 pour la troisième fois en deuxième année de licence AES ; que dans ces circonstances, Mme Y n'est pas fondée à soutenir que le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE, en refusant de renouveler le titre de séjour sollicité, a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme Y se prévaut d'une vie privée et familiale en France en raison de sa présence sur le territoire depuis 2002, de sa relation depuis 2004 avec un compatriote en situation régulière, de la naissance de leur fille et de leur mariage en France en 2006, il ressort du dossier, d'une part que la communauté de vie entre les époux, qui peut être établie au 23 mai 2006, revêt un caractère récent, d'autre part que l'intéressée n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales effectives en République du Congo où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans ; que, dans ces circonstances, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiant, le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (…) » ; qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 312-2 du même code : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 413-3 » ; que Mme Y n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu, en application de ces dispositions, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'il résulte toutefois de ce qui précède qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, et notamment en l'absence de toute circonstance mettant Mme Y dans l'impossibilité d'emmener sa fille mineure avec elle, la décision de refus de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision portant obligation de quitter le territoire français mais qui rejette les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour implique seulement qu'il soit enjoint au PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE de délivrer à Mme Y une autorisation provisoire de séjour dans l'attente qu'il statue à nouveau sur sa situation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par Mme Y :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme Y demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 14 juin 2007 du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant seulement qu'il a annulé le refus de titre de séjour en date du 20 février 2007 opposé à Mme Y.
Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE de délivrer à Mme Y une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de statuer à nouveau sur sa situation.
Le PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE et de la demande présentée par Mme Y devant le Tribunal administratif de Melun et la cour sont rejetés.

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N° 07PA02722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA02722
Date de la décision : 18/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: Mme Chantal DESCOURS GATIN
Rapporteur public ?: M. MARINO
Avocat(s) : POULY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-03-18;07pa02722 ?
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