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15/02/2008 | FRANCE | N°06PA01238

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7éme chambre, 15 février 2008, 06PA01238


Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2006, présentée pour le COMITE MARC CHAGALL, dont le siège est 35, quai de l'Horloge à Paris (75001), par Me Le Sergent ; le COMITE MARC CHAGALL demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°9904995 du 6 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 déce

mbre 1992 ainsi que des pénalités y afférentes, par avis de mise en recouvre...

Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2006, présentée pour le COMITE MARC CHAGALL, dont le siège est 35, quai de l'Horloge à Paris (75001), par Me Le Sergent ; le COMITE MARC CHAGALL demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°9904995 du 6 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1992 ainsi que des pénalités y afférentes, par avis de mise en recouvrement du 18 mars 1996 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition restant en litige ;

Il soutient que son activité consiste en des prestations immatérielles visées à l'article 259 B du code général des impôts et ne saurait être analysée comme des travaux d'expertise sur des biens meubles corporels ; que c'est donc à tort que l'administration l'a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions de l'article 259 A 4° du code général des impôts ; que la doctrine et la réponse ministérielle X confirment cette interprétation ; que la compensation opérée par l'administration en première instance est irrégulière, dès lors que celle-ci n'apporte pas la preuve de l'existence et de la quotité des omissions ou insuffisances qu'elle invoque ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et tendant au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que, au regard de la loi, l'activité du COMITE MARC CHAGALL entre bien dans le cadre de l'article 259 A du code général des impôts ; que cette activité a été à juste titre qualifiée d'expertise de biens meubles corporels ; que le COMITE MARC CHAGALL rend un avis sur l'authenticité des oeuvres qui lui sont présentées pour délivrer un certificat d'authenticité ; que cette action caractérise l'activité d'expert ; que la circonstance que les membres du COMITE MARC CHAGALL ne se livrent qu'à une activité intellectuelle sans aucune prestation matérielle et n'examinent les oeuvres que d'après leurs photographies est sans incidence sur la qualification de leur activité ; qu'au regard de la doctrine, les documents cités par le requérant concernent des activités qui ne sont pas comparables ou assimilables à la sienne ; que l'administration a bien démontré l'existence d'une insuffisance d'imposition avant d'opérer la compensation contestée par le COMITE MARC CHAGALL ;

Vu, enregistré au greffe de la cour en date du 22 janvier 2008, le mémoire en réplique présenté pour le COMITE MARC CHAGALL et tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens que l'administration ne démontre pas qu'elle pouvait effectuer la compensation qui lui a été accordée par les premiers juges ; qu'il ressort au contraire, de la notification de redressements du 6 décembre 1993 que pour déterminer le chiffre d'affaires imposable à l'impôt sur les sociétés le vérificateur a retenu le montant des encaissements effectifs de l'année qu'il a corrigé, pour tenir compte des créances acquises, en l'augmentant du montant des certificats d'authenticité délivrés au cours de l'exercice mais payés l'exercice suivant et en le diminuant du montant de ceux des certificats délivrés l'année précédente mais encaissé au cours de l'exercice ; qu'il en est ainsi pour l'exercice 1990, de la déduction de la somme de 12 000 F TTC qui a été regardée comme comprise dans celle de 490 700 F correspondant à l'ensemble des certificats encaissés en 1990 et pour l'exercice 1991, de la somme de 164 000 F TTC regardée comme comprise dans celle de 475 766 F correspondant à l'ensemble des certificats encaissés en 1991 ; que l'administration n'était donc pas fondée à opérer une compensation avec la taxe qui a été dégrevée et qui portait sur la facture du 12 janvier 1991 adressée à Mme Y ;

Vu, enregistré au greffe de la cour le 25 janvier 2008, le mémoire présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2008 :

- le rapport de Mme de Lignières, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Isidoro, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts : « Les prestations de services sont imposables en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle » ; qu'aux termes de l'article 259 A du même code transposant en droit interne l'article 9 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes : « Par dérogation aux dispositions de l'article 259, sont imposables en France:…Les prestations ci-après lorsqu'elles sont matériellement exécutées en France : …-travaux et expertises portant sur des biens meubles corporels » ; qu'en vertu de l'article 259 B du même code, ne sont pas imposables en France, même si le prestataire y est établi, lorsque le bénéficiaire est établi hors de la communauté économique européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté : « 4° Les prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines » ;

Considérant que l'association COMITE MARC CHAGALL était chargée, pour le compte de clients établis hors de l'Union Européenne, à partir de l'examen de photographies d'oeuvres du peintre Marc Chagall, d'authentifier les tableaux en cause et de délivrer à ses clients des certificats d'authenticité ; que ces prestations de services, alors même que l'examen des oeuvres fait uniquement appel aux connaissances et aux facultés intellectuelles des membres de l'association et porte matériellement sur des photographies et non sur les tableaux eux-mêmes, doivent être regardées comme des expertises sur des biens meubles corporels imposables à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 259 A du code général des impôts et non comme des prestations relevant du 4° de l'article 259 B ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. » ;

Considérant, d'une part, que l'association requérante se prévaut inutilement de la documentation administrative de base 3 A 2132 en ce qu'elle mentionne comme relevant du 4° de l'article 259 B diverses catégories de prestations, et en particulier la prestation que réalise une entreprise qui effectue des constatations matérielles sur un échantillon prélevé sur des forages puis les interprète en vue de fournir au client l'information nécessaire à la connaissance des réserves d'un gisement et à son évolution sur plusieurs années, dès lors que les prestations du
COMITE MARC CHAGALL n'entrent dans aucune des catégories énoncées par cette doctrine ;

Considérant, d'autre part, que le comité requérant se prévaut de la réponse n° E-3528/96 faite par la Commission européenne à Mme Françoise X, député européen, et publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 18 juin 1997 ; que cette réponse est relative aux analyses d'échantillons pharmaceutiques réalisées en laboratoire et est d'ailleurs postérieure à la mise en recouvrement de l'imposition litigieuse ; qu'elle ne saurait, par suite, en tout état de cause, être utilement invoquée ;

Considérant, enfin, que le COMITE MARC CHAGALL a son siège social en France et a exécuté les prestations en cause en France ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a regardé les opérations litigieuses comme imposables en vertu des dispositions de l'article 259 A du code général des impôts précité ;

Sur la compensation d'assiette opérée par l'administration :

Considérant qu'il résulte de la notification de redressement du 6 décembre 1993 que pour déterminer le chiffre d'affaires imposable à l'impôt sur les sociétés, le vérificateur a retenu le montant des encaissements effectifs de l'année qu'il a corrigé, pour tenir compte des créances acquises, en l'augmentant du montant des certificats d'authenticité délivrés au cours de l'exercice mais payés l'exercice suivant et en le diminuant du montant de ceux des certificats délivrés l'année précédente mais encaissés au cours de l'exercice ; qu'il en est ainsi, pour l'exercice 1990, de la déduction de la somme de 12 000 F TTC qui a été regardée comme comprise dans celle de 490 700 F correspondant à l'ensemble des « certificats encaissés en 1990 », et pour l'exercice 1991, de la somme de 164 000 F TTC regardée comme comprise dans celle de 475 766 F correspondant à l'ensemble des « certificats encaissés en 1991 » ; qu'en application de l'article 269-2 c du code général des impôts selon lequel la taxe sur la valeur ajoutée est exigible au moment de l'encaissement, le vérificateur a calculé le montant de taxe sur la valeur ajoutée omise sur les encaissements en retenant comme montant d'encaissements toutes taxes comprises 490 700 F pour 1990 et 975 766 F pour 1991 qui correspond à l'addition de 475 766 F et 500 000 F ; que, par suite, le directeur des services fiscaux n'était pas fondé, à l'appui de sa demande de compensation présentée devant le tribunal administratif, à prétendre que les sommes de 12 000 F et de 164 000 F auraient dû être prises en compte par le vérificateur pour calculer le montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe omise sur les encaissements et à conclure, en conséquence, à une omission de rappel de 27 602 F ;

Considérant qu'il est constant que l'administration a admis que la facture d'un montant de 190 000 F du 12 janvier 1991 adressée à Mme Y ne devait pas être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, soit un rappel injustifié de 29 798 F et qu'elle a décidé un dégrèvement d'office en cours de première instance d'un montant de 2 196 F en droits correspondant à la différence entre 29 798 F et 27 602 F, assortis de 226 F d'intérêts de retard ;

Considérant qu'il suit de ce qui vient d'être dit que la demande de compensation n'étant pas justifiée, la décharge à laquelle peut prétendre le COMITE MARC CHAGALL s'élève à l'intégralité de la somme de 29 798 F ; qu'il y a donc lieu de réduire d'un montant de 27 602 F (soit 4 207,90 euros) en droits et intérêts de retard afférents la taxe sur la valeur ajoutée qui a été réclamée au COMITE MARC CHAGALL au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1992 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le COMITE MARC CHAGALL est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit sur ce dernier point aux conclusions de sa demande ;


D É C I D E :

Article 1er : Les droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés au COMITE MARC CHAGALL au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1992 sont réduits de la somme de 4 207,90 euros en droits, assortis des intérêts de retard.
Article 2 : Le jugement n° 9904995 en date du 6 février 2006 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du COMITE MARC CHAGALL est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au COMITE MARC CHAGALL et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Copie en sera adressée à la direction des services fiscaux. DSF Paris Centre.


Délibéré après l'audience du 1er février 2008, où siégeaient :

- Mme Brin , président,
Mme de Lignières, premier conseiller,
M. Dalle, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 février 2008.

Le rapporteur,

F. DE LIGNIERES
Le président,

D. BRIN

Le greffier,

F. MEKCHICHE


La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°06PA01238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7éme chambre
Numéro d'arrêt : 06PA01238
Date de la décision : 15/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIN
Rapporteur ?: Mme Frédérique DE LIGNIERES
Rapporteur public ?: Mme ISIDORO
Avocat(s) : SCP LE SERGENT-ROUMIER-FAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-02-15;06pa01238 ?
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