Vu la requête, enregistrée le 13 février 2006 et le 20 février 2006 au greffe de la cour, et le mémoire complémentaire présentés pour M. Joaquim X, demeurant ..., par Me Zamour, avocat ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9919242 en date du 16 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquels il a été assujetti au titre des années 1990 à 1992, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) d'ordonner une expertise ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2008 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle M. X a été notamment taxé d'office au titre des années 1990, 1991 et 1992 en application des articles L 16 et L 69 du livre des procédures fiscales sur des crédits d'origine indéterminée figurant sur son compte courant postal et sur son compte courant d'associé dans les sociétés ELA et TALVI, ainsi que sur le solde de balances de trésorerie en espèces ; que M. X relève appel du jugement du 16 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquels il a été en conséquence assujetti ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision du 14 avril 2006 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux a prononcé la décharge des cotisations de contribution sociale généralisée mises à la charge de M. X ; que les conclusions de la requête de M. X relatives à ces impositions sont dès lors devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L 16 du livre des procédures fiscales : « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés... » ; qu'aux termes de l'article L 16 A du même Livre : « Les demandes... de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois » ; qu'enfin aux termes de l'article L 69 :
« ... sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes... de justifications prévues à l'article L 16 » ; que le service a adressé le 18 août 1993 à M. X, au titre de l'année 1990, une demande de justifications portant sur les crédits apparaissant sur des comptes bancaires et ses comptes courants d'associé ainsi que sur le solde d'une balance de trésorerie en espèces ; que le contribuable a répondu par un courrier du 19 octobre 1993 comportant des réponses sur une partie des crédits et demandant un délai de réponse supplémentaire pour les éléments manquants ; que le moyen tiré de ce que l'administration a entaché la procédure d'irrégularité en refusant de lui accorder ce délai supplémentaire doit être écarté dès lors qu'il n'est pas contesté que la majorité des crédits dont l'origine demeurait inexpliquée figuraient sur le compte courant d'associé du requérant dans la société ELA dont il était dirigeant et auquel il pouvait aisément avoir accès et qu'il ne justifiait pas, en outre, avoir engagé de démarches pour recueillir les informations demandées sur l'origine des crédits figurant sur ses comptes bancaires ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'administration apporte la preuve que le pli contenant la demande de justifications du 23 juin 1994 portant sur les années 1991 et 1992 a été présenté le 24 juin 1994 au domicile de M. X qui en a été avisé et retourné au service le 11 juillet 1994 faute d'avoir été retiré ;
Considérant, en troisième lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L 47 à L 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L 48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, dans sa version remise à M. X, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure contraignante de demande de justifications visée à l'article L 16 du même livre ; qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a rencontré le contribuable le 25 juin 1993, le 2 juillet 1993, le 5 août 1993 et le 8 août 1993 ; que le moyen tiré de ce que le service n'aurait pas engagé avec l'intéressé le dialogue prévu par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié avant de lui adresser la demande de justifications du 18 août 1993 portant sur l'année 1990 doit par suite être écarté ; que doit également être écarté le moyen tiré de ce qu'un tel le dialogue n'a pas eu lieu avant l'envoi de la notification de redressements du 1er septembre 1994 portant sur les années 1991 et 1992 dès lors que le vérificateur a rencontré le contribuable le 31 mars 1994 et le 18 mai 1994 et que l'intéressé ne s'est pas présenté aux entretiens prévus le 30 mai 1994 et le 17 juin 1994 ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. X ne saurait utilement soutenir que l'administration aurait manqué à son devoir de loyauté dans le déroulement de la procédure d'imposition ;
Considérant, enfin, que le rôle mis en recouvrement le 31 décembre 1996 a été régulièrement rendu exécutoire par une décision du directeur des services fiscaux du 27 décembre 1996 ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que M. X ayant été régulièrement taxé d'office en application des dispositions des articles L 16 et L 69 du livre des procédures fiscales, il supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions en vertu des dispositions des articles L 193 et R 193-1 du même livre :
S'agissant des crédits :
Considérant que M. X fait valoir que les crédits de son compte courant postal et de son compte courant d'associé dans la société ELA sont liés à de multiples mouvements de fonds entre ces comptes et ceux de la société dont le but était de procurer à celle-ci la trésorerie nécessaire à son activité ; qu'il souligne l'importance à cet égard de l'examen des écritures d'un compte de « virement interne » figurant dans les écritures de la société ; qu'il ne produit toutefois pas de justifications suffisamment précises permettant d'apporter la preuve de l'origine et de la nature des crédits taxés d'office ;
Considérant, toutefois, que les sommes d'origine indéterminée inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus distribués et ne sont par suite imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que les crédits des comptes courant d'associé de M. X ne pouvaient par suite être imposés en tant que revenus d'origine indéterminée ; que, dans le dernier état de ses écritures, le ministre demande cependant que l'imposition des sommes en cause dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers soit substituée à leur imposition en tant que revenus d'origine indéterminée ; que cette substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune garantie dès lors qu'il résulte de l'instruction que la procédure contradictoire a été en fait suivie par le service qui a répondu aux observations du contribuable sur les notifications de redressements et soumis les désaccords à la commission départementale des impôts, qui n'était d'ailleurs en tout état de cause pas compétente pour donner un avis sur l'imposition de revenus de capitaux mobiliers ; que la demande de substitution de base légale doit en conséquence être accueillie ;
S'agissant des soldes des balances de trésorerie en espèces :
Considérant, d'une part, que si le requérant soutient que les balances de trésorerie en espèces établies par l'administration ne tiendraient compte ni de ses traitements et salaires ni de ses rémunérations de gérant, il n'établit ni même n'allègue que ces revenus lui auraient été versés en espèce et ne précise d'ailleurs pas le montant des revenus en cause qui devraient selon lui figurer parmi les ressources en espèces des balances de trésorerie ;
Considérant, d'autre part, que si M. X fait également valoir que l'évaluation des éléments de train de vie portés par l'administration parmi les dépenses en espèces pour l'établissement des balances ne serait pas justifiée, il ne formule aucune critique précise des différents postes retenus par le service et de leur évaluation ;
En ce qui concerne les pénalités de mauvaise foi :
Considérant qu'aux termes de l'article L 195 A du livre des procédures fiscales : « En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration » ;
Considérant que la circonstance, invoquée par le ministre, que M. X ne pouvait ignorer l'existence sur ses comptes bancaires et postaux et ses comptes courants de sommes provenant des comptes de la société ELA dont il était dirigeant ne suffit pas à apporter la preuve de l'intention du contribuable d'éluder délibérément l'impôt dû sur des revenus imposables lorsqu'il n'a pas fait figurer lesdites sommes sur ses déclarations ; que l'importance des sommes taxées d'office n'apporte pas plus la preuve qui incombe à l'administration ; que c'est par suite à tort que l'administration a majoré les impositions en litige de pénalités de mauvaise foi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée, que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions du contribuable tendant à la décharge des pénalités de mauvaise foi afférentes aux compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1990 à 1992 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des cotisations de contribution sociale généralisée et des pénalités y afférentes auxquelles M. X a été assujetti au titre des années 1990 à 1992.
Article 2 : M. X est déchargé des pénalités de mauvaise foi afférentes aux compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1990 à 1992.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 16 décembre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat est condamné à payer à M. X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
2
N°06PA00548