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07/11/2007 | FRANCE | N°07PA00672

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 07 novembre 2007, 07PA00672


Vu le recours, enregistré le 19 février 2007, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0617096/8 en date du 3 janvier 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 octobre 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Balkar X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Balkar X devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juil...

Vu le recours, enregistré le 19 février 2007, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0617096/8 en date du 3 janvier 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 octobre 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Balkar X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Balkar X devant le Tribunal administratif de Paris ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n°46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers ;

Vu le décret n° 91-1025 du 7 octobre 1991 relatif au statut particulier des médecins inspecteurs de la santé publique ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2007 :

- le rapport de Mme Cartal, rapporteur,

- les observations de Me Elabdouli, pour M. X,

- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3º Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité indienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 5 mai 2006, de la décision du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit…11º A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin-chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-5° du décret du 30 juin 1946 modifié : « (…), le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. A Paris, l'avis est émis par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé » ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, la durée prévisible du traitement et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi ;

Considérant que M. X, atteint d'une spondylarthropathie psoriasique, a bénéficié d'une autorisation de séjour d'une durée d'un an qui lui a été délivrée le 15 septembre 2004 afin qu'il puisse être traité en France ; que le médecin-chef de la préfecture de police, médecin inspecteur de santé publique, a, pour donner un avis défavorable au renouvellement de la demande de séjour, le 10 février 2006, mentionné que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que celui-ci pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, au vu de cet avis, le PREFET DE POLICE a refusé, le 27 avril 2006, de renouveler l'autorisation de séjour dont bénéficiait M. X puis a pris à son encontre, le 27 octobre 2006, l'arrêté de reconduite contesté ;

Considérant que, si M. X fait valoir que l'avis du médecin-chef de la préfecture de police ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. X pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage ; qu'ainsi, en se fondant sur un avis rendu par le médecin inspecteur de santé publique qui ne comportait pas d'indication concernant la possibilité pour M. X de voyager sans risque vers son pays, la décision de refus de séjour n'a pas été prise suivant une procédure irrégulière ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté au motif qu'il aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Paris et devant la cour;

Sur l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 13 janvier 2006, régulièrement publié au bulletin officiel de la Ville de Paris du 20 janvier suivant, M. Pierre Y, préfet de police, a donné à Mme Béatrice Carrière, officier de protection, délégation pour signer notamment les refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que Mme Carrière n'aurait pas compétence pour signer la décision attaquée manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique : « L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires./ Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci. » ; que les dispositions du code de déontologie médicale codifiées à l'article R. 4127 -76 du code de la santé publique ne trouvent pas à s'appliquer aux avis émis par les médecins inspecteurs de la santé publique, qui ne sont pas au nombre des documents, certificats et attestations que le médecin délivre à un patient, après l'avoir examiné et ainsi constaté médicalement les observations qu'il consigne dans ces documents, certificats et attestations ; que M. X ne peut, dès lors, utilement prétendre que l'avis émis le 10 février 2006, qui ne permet pas l'identification de son auteur, a été pris en méconnaissance de ces dispositions ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'en mentionnant que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le médecin-chef de la préfecture de police a suffisamment motivé son avis du 10 février 2006, nonobstant la circonstance qu'il avait précédemment émis un avis contraire le 15 septembre 2004 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : 11º A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police » ; que, ainsi qu'il a été dit, si M. X fait valoir que la pathologie dont il est atteint nécessite des soins qu'il ne pourrait recevoir qu'en France, il ressort toutefois de l'avis du médecin-chef de la préfecture de police en date du 10 février 2006, que des soins appropriés pourraient lui être prodigués dans son pays d'origine ; que M. X n'est, par suite, pas au nombre des étrangers pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées ; que, par conséquent, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour au titre des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avant de rejeter sa demande de titre de séjour ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision du PREFET DE POLICE du 27 avril 2006 serait irrégulière, faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour, doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que les quatre certificats médicaux produits par M. X, établis par son médecin traitant, au demeurant postérieurs pour trois d'entre eux à la décision attaquée, sont insuffisants pour remettre en cause l'avis du médecin-chef en date du 10 février 2006 selon lequel l'intéressé peut bénéficier d'un traitement médical approprié en Inde et qui a pu être régulièrement donné au vu des pièces du dossier et sans examen médical personnel de l'intéressé ; que la circonstance que la prise en charge des frais nécessaires à ce traitement et au suivi médical ne serait pas assurée en Inde est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant, en sixième lieu, que si M. X allègue qu'il est bien intégré en France, il ressort des pièces du dossier qu'il y est entré en 1997, qu'il ne justifie d'aucune attache sur le territoire français, qu'il n'est pas dépourvu de tout lien avec son pays d'origine où il est resté jusqu'à l'âge de 40 ans et où résident notamment son épouse et ses trois enfants ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, le refus de titre de séjour en date du 27 avril 2006 n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que ce refus n'est ainsi pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la gravité de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, enfin, que si M. X se prévaut de risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme est inopérant à l'encontre d'un refus de titre de séjour ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant que par arrêté du 2 octobre 2006, régulièrement publié au bulletin officiel de la Ville de Paris du 10 octobre suivant, M. Pierre Y, préfet de police, a donné à M. Jean Z, sous-directeur de l'administration des étrangers, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Z n'aurait pas compétence pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 27 octobre 2006 pris par le PREFET DE POLICE qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé ;

Considérant que, pour les raisons sus-indiquées, et compte tenu de l'absence de changement dans sa situation, M. X n'est pas fondé à soutenir que le PREFET DE POLICE aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant l'arrêté attaqué ;

Considérant que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que M. X fait valoir, d'une part, que, du fait de l'état sanitaire général de l'Inde il ne pourrait y bénéficier des derniers traitements immuno- modulateurs et que son état de santé l'exposerait, en cas de retour dans son pays d'origine, à des risques personnels d'une extrême gravité ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X, s'il établit que l'affection dont il est atteint nécessite un suivi régulier, ne justifie pas, en tout état de cause, que ce suivi ne puisse s'effectuer dans son pays ; qu'il ne justifie pas davantage la réalité des risques auxquels il serait exposé ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 3 janvier 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 octobre 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Balkar X ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter la demande d'annulation présentée par M. X devant ce tribunal ainsi que ses conclusions aux fins de régularisation et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du 3 janvier 2007 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par M. X et ses conclusions devant la cour sont rejetées.

N°07PA00672

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA00672
Date de la décision : 07/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: Mme Annie-France CARTAL
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : TAELMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-11-07;07pa00672 ?
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