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07/11/2007 | FRANCE | N°05PA02026

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 07 novembre 2007, 05PA02026


Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2005, présentée pour M. Manuel X, demeurant ..., par Me Tuffet ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0311490/3-2 du 16 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2002 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Caviar et conserves Kaspia à procéder à son licenciement et de la décision du 30 mai 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé cette autorisation ; r>
2°) d'annuler la décision du 26 novembre 2002 de l'inspecteur du travail ...

Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2005, présentée pour M. Manuel X, demeurant ..., par Me Tuffet ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0311490/3-2 du 16 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2002 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Caviar et conserves Kaspia à procéder à son licenciement et de la décision du 30 mai 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé cette autorisation ;

2°) d'annuler la décision du 26 novembre 2002 de l'inspecteur du travail autorisant la société Caviar et conserves Kaspia à procéder à son licenciement ;

3°) d'annuler la décision du 30 mai 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité confirmant cette autorisation ;

4°) de condamner la société Caviar et conserves Kaspia à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2007 :

- le rapport de Mme Malvasio, rapporteur,

- les observations de Me Cittadini, pour M. Manuel X, et celles de Me Mazetier, pour la société Caviar et conserves Kaspia,

- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, salarié protégé, relève régulièrement appel du jugement du 16 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2002 de l'inspecteur du travail autorisant la société Caviar et conserves Kaspia à procéder à son licenciement pour faute et de la décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité du 30 mai 2003 rejetant son recours hiérarchique dirigé contre cette décision ;

Sur la légalité externe :

Considérant que M. X soutient que l'inspecteur du travail a omis de mentionner, dans sa décision du 26 novembre 2002, au nombre des mandats qu'il détenait, celui dont il avait été investi pour la négociation prévue au titre de l'article 3 III de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail alors que cette négociation s'est prolongée, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, au-delà du 27 août 2001 lui permettant ainsi de bénéficier, à la date de la décision de l'inspecteur du travail, de la protection de douze mois prévue par l'article L. 412-18 du code du travail ; que toutefois, il ne ressort pas du dossier que les négociations engagées au sein de la société sur la réduction du temps de travail se seraient poursuivies au-delà de la réunion, tenue le 27 août 2001, au cours de laquelle M. X a remis au directeur général de la société un courrier, daté du même jour, exprimant ses désaccords de fond relativement au projet d'accord préparé par la direction ; que la lettre adressée par la société à M. X le 19 septembre 2001, dont le requérant se prévaut, qui se borne à répondre à celle que celui-ci avait remise au directeur le 27 août précédent, non plus que la circonstance que la société aurait déclaré, le 15 janvier 2002, renoncer à son projet d'accord, ne démontrent pas que les négociations en cause se sont poursuivies au delà du 27 août 2001 ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est erroné en ce qu'il aurait jugé à tort qu'il ne bénéficiait plus de la protection en cause à la date à laquelle l'autorité administrative s'est prononcée sur la demande d'autorisation de licenciement de la société ;

Sur la légalité interne :

Sur le défaut de consultation du comité d'entreprise :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 431-1 du code du travail : « (…) La mise en place d'un comité d'entreprise n'est obligatoire que si l'effectif d'au moins cinquante salariés est atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes (...) Lorsqu'une unité économique et sociale regroupant au moins cinquante salariés est reconnue par convention ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, la mise en place d'un comité d'entreprise commun est obligatoire » ;

Considérant que, si M. X fait valoir que, pour comptabiliser les effectifs de la société, il convient de prendre en compte ceux de « l'établissement Soukhanoff », il ressort du dossier que la SA Caviar et conserves Kaspia et la SARL Soukhanoff constituent des sociétés distinctes, immatriculées au registre du commerce et des sociétés, respectivement, le 28 mars 1956 et le 2 juillet 1991 et qu'un jugement du 29 avril 2002 du Tribunal d'instance du 8ème arrondissement de Paris a débouté M. X de sa demande tendant à la reconnaissance d'une unité économique et sociale entre les deux sociétés précitées considérant que l'existence d'une telle unité économique et sociale entre celles-ci n'était pas établie nonobstant la complémentarité de leurs activités et la concentration des pouvoirs de direction ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que la SARL Soukhanoff constitue un établissement de la SA Caviar et conserves Kaspia dont les effectifs devraient être pris en compte pour la mise en place d'un comité d'entreprise ;

Considérant, par ailleurs, que, si l'autorisation de supprimer le comité d'entreprise, que la société avait obtenue de l'administration le 24 mars 1994, a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 décembre 1995 au motif que le caractère durable de la baisse des effectifs n'était pas démontrée à la date de cette autorisation, il ressort du dossier, notamment, des bilans de la société Caviar et Conserves Kaspia produits par le requérant ainsi que du rapport, en date du 24 mars 2003, établi par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Paris dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique formé par M. X à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail, que l'effectif de la société est resté très en deçà de cinquante salariés depuis 1995 ; que le courrier, du 27 janvier 1994, adressé par l'inspecteur du travail à M. X lui indiquant que la société était tenue d'organiser des élections en vue de la désignation de délégués du personnel et du renouvellement du comité d'entreprise ne remet pas en cause les constatations qui précèdent quant à l'évolution des effectifs de la société ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les effectifs de la société n'atteignant pas le seuil de cinquante salariés au moment des faits, l'absence de consultation du comité d'entreprise, lequel n'avait pas à être mis en place compte tenu du niveau des effectifs, ne peut être imputée à une carence de la société ; que le moyen tiré du défaut de consultation du comité d'entreprise doit en conséquence être écarté ;

Sur le bien fondé de l'autorisation de licenciement :

Considérant qu'en vertu des articles L. 412-18 et L. 425-1 du code du travail le licenciement d'un délégué syndical ou d'un délégué du personnel titulaire ou suppléant ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il résulte de ces dispositions que les salariés légalement investis de tels mandats bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ses salariés est envisagé ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi, et le cas échéant au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés aux salariés sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'il ressort du dossier que l'inspecteur du travail a accordé à la société Caviar et conserves Kaspia l'autorisation de licencier M. X au motif que celui-ci obstruait délibérément pendant ses heures de travail l'objectif de la caméra de vidéosurveillance installée par la société dans son magasin situé place de la Madeleine, que l'intéressé avait reconnu les faits et persisté dans son comportement en dépit de nombreux rappels à l'ordre, d'une mise en demeure le 30 mai 2002 et d'une mise à pied de 3 jours le 16 juillet suivant, et que cette méconnaissance des consignes de sécurité définies par l'employeur constituait une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

Considérant que, si pour contester l'existence d'une faute suffisamment grave de nature à justifier son licenciement, M. X fait valoir que l'installation du système de vidéosurveillance serait irrégulière faute d'avoir été précédée de l'avis du comité d'entreprise, il a été précédemment constaté que la mise en place de cette instance n'était pas légalement requise au moment des faits ; que le grief relatif à l'absence de consultation dont s'agit ne saurait, dès lors, prospérer ;

Considérant que le grief tiré de ce que la société n'aurait pas justifié d'un intérêt légitime à la mise en place du système de vidéosurveillance, lequel intéresse la légalité de l'arrêté du préfet de police de Paris du 3 janvier 2001 qui a autorisé l'installation du dispositif en cause, dont il n'est pas allégué qu'il aurait été abrogé ou retiré par l'autorité administrative ou annulé par le juge administratif au moment des faits, est inopérant s'agissant d'apprécier la légalité d'une autorisation administrative de licenciement et ne saurait donc utilement être invoqué à son encontre ;

Considérant que, si M. X soutient que la société Caviar et conserves Kaspia a mis en place le système de vidéosurveillance litigieux afin de surveiller le personnel, en général, et lui-même, en particulier, dans l'exercice de ses fonctions syndicales, celui-ci n'apporte pas le moindre commencement de preuve à l'appui de ses allégations ; qu'il ne ressort pas du dossier que le dispositif en question aurait suscité parmi le personnel d'autre opposition et d'autre obstruction que la sienne ; que M. X n'établit pas que le système de vidéosurveillance est utilisé par l'employeur à une fin autre que celle en vue de laquelle il a été autorisé, en particulier, que ladite utilisation méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 120-2 du code du travail lequel prohibe, notamment, les mesures discriminatoires fondées sur les opinions de salariés ;

Considérant, en revanche, qu'il n'est pas contesté que M. X a fait obstruction, de manière délibérée et persistante, au fonctionnement du système de vidéosurveillance mis en place par la société, malgré des rappels à l'ordre, une mise en demeure et une mise à pied de 3 jours ; qu'un tel refus de se conformer aux consignes de sécurité de l'employeur, propre à perturber le fonctionnement du magasin ici en cause au détriment des intérêts et des responsabilités de l'employeur, notamment, de la sécurité du personnel qu'il emploie, constitue une faute grave de nature à justifier le licenciement du salarié concerné ; que la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé se serait trouvé dans un état psychologique fragilisé par des conditions de travail dégradées, ne saurait excuser la méconnaissance des instructions, dont l'illégalité n'est pas établie, imposées par l'employeur au sein de la société ; que les fonctions syndicales de M. X ne le dispensaient pas davantage du respect desdites consignes ; que, nonobstant, les rapports conflictuels chroniques régnant entre M. X et la société, depuis que celui-ci a été investi de fonctions représentatives, marqués par de multiples contentieux, tant devant le juge administratif que devant les juridictions judiciaires, il n'apparaît pas que son licenciement aurait eu, en l'espèce, un autre motif que le comportement gravement fautif précédemment constaté et qu'il serait en rapport avec l'exercice normal de ses mandats représentatifs ou son appartenance syndicale ; que, par ailleurs, le licenciement de M. X ne privait pas les membres du collège salarié d'un délégué du personnel dès lors que l'intéressé n'avait que la qualité de délégué du personnel suppléant dudit collège ; qu'ainsi l'inspecteur du travail n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'invoquer un motif d'intérêt général pour refuser d'autoriser le licenciement de l'intéressé ; que M. X n'est, en conséquence, pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a considéré à tort que son licenciement ne révélait pas d'intention discriminatoire ; que son argumentation à cet égard doit, en conséquence, être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2002 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Caviar et conserves Kaspia à procéder à son licenciement et de la décision du 30 mai 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé cette autorisation ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de le condamner à verser à la société Caviar et conserves Kaspia la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2: M. X versera à la société Caviar et conserves Kaspia une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 05PA02026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 05PA02026
Date de la décision : 07/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: Mme FLORENCE MALVASIO
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : VIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-11-07;05pa02026 ?
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