Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2005, présentée pour la COMMUNE DE MITRY MORY, représentée par son maire, par Me Peru ; la COMMUNE DE MITRY MORY demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 0406864-0500203-0500202/6 du 10 mars 2005 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a annulé l'arrêté en date du 10 décembre 2004 par lequel le maire de la commune a interdit sur l'ensemble du territoire communal jusqu'au 15 mars 2005 les coupures d'électricité et de gaz à l'encontre des personnes en difficulté sociale et de bonne foi ;
2°) de rejeter le déféré enregistré sous le n° 04-6864 et présenté par le préfet de Seine-et-Marne devant le Tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la déclaration universelle des droits de l'homme ;
Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu la loi n° 90-449 modifiée du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement ;
Vu la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 portant loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ;
Vu la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et des entreprises électriques et gazières ;
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;
Vu le décret n° 2001-531 du 20 juin 2001 relatif aux personnes en situation de précarité pour préserver ou garantir leur accès à l'électricité ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2007 :
- le rapport de Mme Régnier-Birster, rapporteur,
- les observations de Me Levard, pour la COMMUNE DE MITRY MORY,
- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par arrêté en date du 10 décembre 2004, le maire de la COMMUNE DE MITRY MORY a interdit jusqu'au 15 mars 2005 les coupures d'énergie électrique et de gaz sur le territoire de la commune à l'encontre de toutes les personnes en difficulté sociale de bonne foi ; que la commune relève appel du jugement susvisé en date du 10 mars 2005 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a, sur déféré du préfet de la Seine-et-Marne, annulé cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : « La décision (… ) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application » ;
Considérant que, ni la minute du jugement attaqué, ni son expédition, ne comportent l'analyse des conclusions et moyens du mémoire en défense adressé par la COMMUNE DE MITRY MORY dans le déféré enregistré sous le n° 04-6864 et parvenu au greffe du tribunal le 29 janvier 2005, soit avant la clôture de l'instruction intervenue, en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant la date de l'audience fixée le 22 février 2005 ; qu'ainsi, la commune est fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier en tant qu'il statue sur le déféré n° 04-6864 et à en demander dans cette mesure l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le préfet de la Seine-et-Marnedevant le Tribunal administratif de Melun tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est chargé ( ... ) de la police municipale ( ... ) » ; et qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment (…) 5° le soin de prévenir, par des précautions convenables (…) les accidents et fléaux calamiteux (…) tels que les incendies » ;
Considérant que les menaces à l'ordre public, à la sécurité et à la salubrité publiques, que constitueraient, selon la COMMUNE DE MITRY MORY, les coupures d'électricité et de gaz, pour les familles qui en font l'objet et leur voisinage, ne sont pas, de par leur imprécision et leur éventualité, de nature à justifier le recours par le maire aux pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées pour interdire ces coupures sur le territoire de la commune ; que, par suite, et alors même qu'aucune disposition n'interdit expressément au maire d'intervenir dans cette matière et que la mesure d'interdiction n'aurait qu'un caractère subsidiaire par rapport à l'application des mesures législatives et réglementaires destinées à permettre la fourniture d'électricité et de gaz aux personnes en difficulté, lesdites dispositions ne pouvaient servir de fondement légal à l'arrêté en date du 10 décembre 2004 et autoriser le maire à prendre cette mesure d'interdiction qui, même si elle ne visait que les personnes en difficulté sociale de bonne foi, présentait un caractère général et absolu ;
Considérant que la commune fait valoir en défense également, d'une part, les risques d'atteinte aux droits économiques et sociaux reconnus aux individus et à leur famille, tant par les dispositions du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 que par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la convention des Nations-Unies relative aux droits de l'enfant, d'autre part, les risques d'atteinte aux principes de valeur constitutionnelle que constituent la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et l'accès de tous à un logement décent ; que toutefois ces risques, dès lors qu'ils ne présentent qu'un caractère purement éventuel, ne sauraient autoriser le maire de ladite commune, qui ne peut utilement invoquer la Déclaration universelle des droits de l'homme, à prendre une telle mesure ;
Considérant que ni les dispositions de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service de l'électricité qui ont mis en place un dispositif réglementaire spécifique destiné à permettre le maintien de la fourniture de l'électricité aux personnes en situation de précarité, ni celles de l'article 1er de la loi du 29 juillet 1998, codifiées à l'article L. 115-2 du code de l'action sociale et des familles, consacrant la lutte contre les exclusions comme un impératif national et donnant mission aux collectivités territoriales de poursuivre une politique destinée à prévenir et à supprimer toutes les situations d'exclusions, ni celles des articles L. 1311-1 et L. 311-2 du code de la santé publique prévoyant notamment l'édiction de décrets fixant les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, n'ont eu pour objet, ou pour effet, de permettre aux collectivités territoriales d'interdire sur leur territoire les coupures de gaz et d'électricité ;
Considérant enfin que, pour justifier la légalité de l'arrêté municipal litigieux, la COMMUNE DE MITRY MORY ne saurait utilement invoquer ni le courrier en date du 7 janvier 2005, par lequel les services d'EDF l'ont informée de ce qu'ils ne couperaient pas l'électricité des familles démunies, ni le jugement en date du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande présentée par Electricité de France et Gaz de France, dirigée contre une décision du maire de Champigny-sur-Marne refusant d'abroger un arrêté du 7 avril 2005 interdisant, sur le territoire de cette commune, les coupures d'eau, d'électricité et de gaz pour les familles en difficulté économique et sociale, dès lors que ce jugement n'est pas revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne était fondé à demander l'annulation de l'arrêté susvisé en date du 10 décembre 2004 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la commune tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 10 mars 2005, en tant qu'il statue sur le déféré du préfet de la Seine-et-Marne dirigé contre l'arrêté du 10 décembre 2004 du maire de Mitry-Mory, est annulé.
Article 2 : L'arrêté n° 2004/314 du maire de la COMMUNE DE MITRY MORY en date du 10 décembre 2004 est annulé.
Article 3 : Les conclusions de la COMMUNE DE MITRY MORY tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 05PA01942