Vu la requête, enregistrée le 12 février 2004, présentée pour le SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, dont le siège social est situé 8 boulevard Berthier à Paris (75017), pour le SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, dont le siège social est situé 197 rue du faubourg Saint-Martin à Paris (75010), pour la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, dont le siège social est situé 46 boulevard de Magenta à Paris (75010), et pour la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES, dont le siège social est situé 46 boulevard de Magenta à Paris (75010), par Me Doueb ; le SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, le SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, et la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-4366 en date du 5 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 août 2001 par lequel le maire de la Queue en Brie (Val-de-Marne) a autorisé la
SA La Halle aux Vêtements à déroger à l'obligation du repos dominical pour son magasin situé
1 avenue de l'Hippodrome, les 2 et 9 septembre 2001 ;
2°) faisant droit à leur demande de première instance, de constater l'illégalité de l'arrêté municipal n° 1923 du 22 août 2001 ;
3°) de condamner la commune de la Queue en Brie à verser à chacun d'entre eux une indemnité de 9 146, 64 euros en réparation des préjudices moraux (2 500 euros) et matériels (6 646, 64 euros) causés par l'autorisation illégalement accordée ;
4°) de mettre à la charge respective de la commune de la Queue en Brie et de la société bénéficiaire de l'autorisation, au bénéfice de chacun d'entre eux, la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code du travail ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2007 :
- le rapport de M. Biard, rapporteur,
- les observations de Me Doueb, pour le SYNDICAT CFTC DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, le SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE et la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES et celles de Me Stéphanie-Victoire, pour la société La Halle aux Vêtements,
- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-11 du code du travail, les syndicats professionnels « ont le droit d'ester en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent » ; qu'aux termes de l'article L. 411-23 du même code, les unions syndicales « jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels (…) » ;
Considérant, en premier lieu, que le SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE est un syndicat professionnel dont l'objet, précisé par l'article 7 de ses statuts, concerne notamment « la défense des droits ainsi que les intérêts matériel et moraux, tant collectifs qu'individuels, des salariés et anciens salariés de toutes les sociétés et de tous les établissement du Groupe André », ainsi que « toute action en justice tendant à faire respecter les droits de ses adhérents » ; que, dès lors et compte tenu de ce que la S.A. La Halle aux Vêtements faisait partie du Groupe André, aujourd'hui devenu Vivarte, le SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE justifie d'un droit lésé par la décision attaquée du maire de la Queue en Brie en date du 22 août 2001, nonobstant le caractère national de son champ de compétence ; que, par suite, ce syndicat justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre ladite décision ;
Considérant, en deuxième lieu, que le SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE constitue un syndicat de salariés dont l'objet social, précisé à l'article 6 de ses statuts, est notamment de « représenter et de défendre activement les intérêt des branches professionnelles » de sa compétence ; qu'ainsi, et dès lors qu'il n'est pas établi qu'il dispose dans la commune de la Queue en Brie ou dans le département du Val-de-Marne, sous forme de sections locales ou sous toute autre forme, de représentations dotées de la personnalité morale, le SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision attaquée, dont les enjeux dépassent le caractère local puisqu'il résulte, au surplus, de l'instruction que la SA La Halle aux Vêtements, qui possède de nombreux établissements répartis sur le territoire français, a fait l'objet de condamnations pour avoir contrevenu à la législation sur le repos dominical des salariés et que chaque demande de dérogation s'inscrit dans un politique générale de l'entreprise ;
Considérant, en troisième lieu, que la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE est un syndicat d'employeurs du commerce de vêtements dont l'objet social est notamment, dans la région parisienne dont fait partie le département du Val-de-Marne, de « défendre et de veiller aux intérêts généraux de la profession et éventuellement de réclamer, par tout moyen de son choix, le dédommagement de tout préjudice causé aux commerçants et à la profession, notamment en estant en justice » ; qu'ainsi, nonobstant le caractère régional de son champ de compétence et dès lors qu'il n'est pas établi que cette organisation disposerait, dans la commune de la Queue en Brie ou dans le département du Val-de-Marne, sous forme de sections locales ou sous toute autre forme, de représentations dotées de la personnalité morale, cette chambre syndicale justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision contestée ;
Considérant, en quatrième lieu, que la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES est une fédération nationale de syndicats professionnels dont l'objet social est notamment de « défendre et de veiller aux intérêts généraux de la profession et éventuellement de réclamer, par tous moyens de son choix, le dédommagement de tout préjudice causé aux commerçants de la profession, notamment en estant en justice » ; qu'il résulte de l'instruction que la SA La Halle aux Vêtements, qui possède de nombreux établissements répartis sur le territoire français, a fait l'objet de condamnations pour avoir contrevenu à la législation sur le repos dominical des salariés et que chaque demande de dérogation s'inscrit dans une politique générale de l'entreprise ; que, dans ces conditions, cette fédération justifie d'un droit lésé par la décision litigieuse dont les enjeux dépassent le caractère local ; qu'il suit de là que la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de cette décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, le SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, et la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir et ont, pour ce motif, rejeté leur demande comme irrecevable ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 5 novembre 2003 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, le SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, et la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES devant le Tribunal administratif de Melun ;
Sur la légalité de la décision attaquée, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-19 du code du travail : « Dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail, par un arrêté du maire (…) pris après avis des organisations d'employeurs et de travailleurs intéressés. Chaque salarié ainsi privé du repos du dimanche doit bénéficier d'un repos compensateur et d'une majoration de salaire pour ce jour de travail exceptionnel égal à la valeur d'un trentième de son traitement mensuel ou à la valeur d'une journée de travail si l'intéressé est payé à la journée. L'arrêté municipal (…) détermine les conditions dans lesquelles ce repos est accordé, soit collectivement, soit par roulement dans une période qui ne peut excéder la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos. Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête. » ;
Considérant que les dispositions relatives aux modalités du repos compensateur ne sont pas divisibles de l'arrêté accordant une dérogation à l'obligation de repos dominical, et que le maire est tenu, sauf à méconnaître sa compétence, de préciser dans son arrêté si le repos compensateur auquel les salariés ont droit doit être accordé collectivement ou par roulement, et dans la quinzaine qui précède ou celle qui suit la suppression du repos dominical ; qu'il ressort, en l'espèce, des pièces du dossier que l'arrêté contesté du maire de la Queue en Brie en date du 22 août 2001 ne précise pas les conditions dans lesquelles le repos est accordé aux salariés de la SA La Halle aux Vêtements pour compenser les heures effectuées les dimanches visés par la dérogation ; qu'en se bornant à souligner, à l'article 3 de son arrêté, que « l'employeur devra se conformer au code du travail pour ce qui concerne le repos compensateur et la majoration de salaire du personnel », le maire de la Queue en Brie a méconnu sa compétence et entaché d'illégalité son arrêté ; que cet arrêté doit, par suite, être annulé ;
Sur la responsabilité :
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'en se bornant à souligner, à l'article 3 de son arrêté, que « l'employeur devra se conformer au code du travail pour ce qui concerne le repos compensateur et la majoration de salaire du personnel », le maire de la Queue en Brie a méconnu la compétence qu'il tient des dispositions susvisées de l'article L. 221-19 du code du travail, et a en conséquence entaché son arrêté d'illégalité ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard du SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, du SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, de la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, et de la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES ;
Sur les préjudices :
Considérant que si le SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, le SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, et la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES soutiennent que la dérogation illégale a eu pour effet de faire obstacle à la liquidation d'une astreinte prononcée par un juge des référés judiciaire et qu'elles ont ainsi subi un préjudice lié à la perte d'une chance d'obtenir cette liquidation, ce préjudice, au demeurant éventuel, est sans lien direct avec l'illégalité de la décision du maire de la Queue en Brie ;
Considérant en revanche qu'au regard de l'objet social, rappelé ci-dessus, de chacun des syndicats et fédérations de syndicats requérants, ces derniers sont recevables à demander réparation du préjudice moral causé à l'ensemble des adhérents qu'ils représentent par l'octroi irrégulier à un commerce de la profession de dérogations à l'obligation de repos dominical ; qu'il y a lieu de fixer l'indemnité due à ce titre par la commune de la Queue en Brie à chacune de ces organisations à 1 000 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, du SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, de la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, et de la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la commune de la Queue en Brie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au profit des organisations requérantes, et de mettre, à ce titre, à la charge de la commune de la Queue en Brie une somme globale de 2 000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 5 novembre 2003 et l'arrêté n° 1923 en date du 22 août 2001 par lequel le maire de la Queue en Brie a autorisé la
SA La Halle aux Vêtements à déroger, les 2 et 9 septembre 2001, à l'obligation de repos dominical pour son magasin situé 1 avenue de l'Hippodrome sont annulés.
Article 2 : La commune de la Queue en Brie versera une somme de 1 000 euros au SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, au SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, à la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, et à la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES.
Article 3 : La commune de la Queue en Brie versera au SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, au SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, à la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, et à la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du SYNDICAT CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS DES SALARIES DU GROUPE ANDRE, du SYNDICAT FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE ET SERVICES FORCE DE VENTE, de la CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES DE LA REGION PARISIENNE, et de la FEDERATION NATIONALE DE L'HABILLEMENT, NOUVEAUTE ET ACCESSOIRES, ainsi que les conclusions de la commune de la Queue en Brie sont rejetés.
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N° 04PA00571