Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2003, présentée pour LA CLINIQUE DU PLATEAU, dont le siège est 5-9 rue des Carnets à Clamart (92140), par Me Dugast ;
LA CLINIQUE DU PLATEAU demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9806678/6 en date du 19 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
24 février 1998 de la ministre de l'emploi et de la solidarité rejetant son recours indemnitaire en réparation du préjudice subi du fait de l'intervention de l'article 34 de la loi n° 96-1160 du
27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale pour 1997 ;
2°) d'annuler la décision ministérielle précitée du 24 février 1998 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 270 098, 33 euros au titre des créances annulées sur les caisses de sécurité sociale et de 115 550, 31 euros au titre du préjudice financier correspondant, assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 février 1998 et avec capitalisation des intérêts ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 96-1160 du 27 décembre 1996 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2006 :
- le rapport de M. Biard, rapporteur,
- les observations de Me Courage, pour LA CLINIQUE DU PLATEAU,
- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :
Considérant que l'article 34 de la loi susvisée du 27 décembre 1996 a pour objet et pour effet de ne pas permettre le remboursement aux établissements de santé privés des compléments de rémunération afférents au forfait salle d'opérations, qui n'auraient pu être versés à ces établissements qu'en raison de l'irrégularité de la procédure préalable à l'intervention de l'arrêté interministériel du 13 mai 1991 relatif aux modalités de détermination dudit complément de rémunération ; qu'eu égard à l'objet même de telles dispositions législatives, le législateur doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement entendu exclure tout droit à réparation du fait de l'intervention de l'article 34 de la loi précitée du 27 décembre 1996 ; que, dès lors, la responsabilité de l'Etat n'est pas susceptible d'être engagée, à l'égard des établissements d'hospitalisation privés régis par l'article L. 162-22 du code de la sécurité sociale, sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques ; qu'en tout de cause, la clinique requérante ne justifie d'aucun préjudice spécial dans la mesure où les dispositions en cause s'appliquent à tous les établissements privés de même nature se trouvant dans la même situation ;
Considérant toutefois que la clinique requérante soutient que l'intervention de
l'article 34 de la loi du 27 décembre 1996 a méconnu les garanties instituées par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'Etat ne peut en effet, sans méconnaître les principes posés par lesdites stipulations, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant des mesures de nature législative à portée rétroactive dont la conséquence est une modification des règles que le juge doit appliquer pour statuer sur des litiges dans lesquels une autorité publique est partie, sauf lorsque l'intervention de ces mesures est justifiée par des motifs impérieux d'intérêt général ; qu'en l'espèce, le ministre de la santé fait valoir que la loi de validation du
27 décembre 1996 est justifiée par un motif d'intérêt général tiré du nécessaire équilibre des comptes de la sécurité sociale ; qu'il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que la validation ainsi opérée de certaines facturations des établissements privés de santé, relatives aux seuls compléments de frais de salle d'opérations, puisse être regardée comme affectant directement les conditions générales de l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ; que le motif d'intérêt général invoqué pour justifier l'intervention d'une loi de validation n'étant pas établi, la clinique requérante est dès lors fondée à soutenir que l'article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en privant les établissements de santé concernés du droit à un procès équitable ; que si la décision du 24 février 1998 rejetant le recours indemnitaire formé par la clinique requérante ne pouvait ainsi se fonder sur la loi de validation du 27 décembre 1996, le ministre n'a toutefois commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en refusant d'accéder à la demande de réparation du préjudice supporté par LA CLINIQUE DU PLATEAU ; qu'il ressort en effet des pièces du dossier que, d'une part, pour la période comprise entre le 17 mai 1991, date d'entrée en vigueur de l'article 2 de l'arrêté du 13 mai 1991, et le 1er avril 1992, date d'entrée en vigueur de l'arrêté du 25 mars 1992, aucun texte fixant le tarif du complément des frais de salle d'opérations ne pouvait recevoir application ; que, par suite, les établissements de santé privés ne sauraient justifier d'aucun droit au versement de la différence entre les compléments perçus au titre de l'arrêté du 13 mai 1991 et ce qu'ils auraient pu percevoir sur le fondement de l'arrêté du 28 décembre 1990 abrogé par l'article 2 de l'arrêté précité du 13 mai 1991 ; que d'autre part, l'illégalité entachant l'article premier de l'arrêté du 13 mai 1991 résulte du seul défaut de consultation préalable de la commission paritaire nationale ; qu'une telle irrégularité, si elle est constitutive d'une faute, n'est néanmoins pas de nature à ouvrir droit à réparation au profit des établissements privés qui ont perçu le complément de frais de salle d'opérations sur le fondement d'un texte illégal ; que dans ces conditions, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée ni par la décision ministérielle du 24 février 1998 rejetant la demande d'indemnisation présentée par LA CLINIQUE DU PLATEAU, ni par l'intervention de la loi de validation du
27 décembre 1996, la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales consacrant le droit à un procès équitable demeurant sans incidence dès lors que la clinique requérante ne détenait aucune créance sur les caisses de sécurité sociale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que LA CLINIQUE DU PLATEAU n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que la responsabilité de l'Etat du fait des lois n'était pas susceptible d'être engagée ;
Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :
Considérant que la clinique requérante soutient que l'arrêté interministériel du
13 mai 1991 est entaché d'illégalité, dans la mesure où les dispositions de l'article R. 162-10 du code de la sécurité sociale ont été méconnues ; que la légalité de l'arrêté en cause n'est toutefois plus susceptible d'être contestée devant le juge administratif, y compris au soutien d'un recours de plein contentieux, dès lors que les dispositions qu'il contient ont été validées par l'article 34 de la loi du 27 décembre 1996 ; que c'est par suite à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait commis une faute en prenant un arrêté illégal n'était pas recevable ;
Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier, dans le cadre des recours dont il se trouve saisi, les éventuelles irrégularités affectant la procédure parlementaire ayant précédé l'adoption d'une disposition de nature législative ; que c'est par suite à bon droit que le tribunal administratif a jugé qu'il n'avait pas compétence pour se prononcer sur la régularité des débats parlementaires relatifs à l'article 34 de la loi du 27 décembre 1996 ;
Considérant que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que ni l'arrêté interministériel du 13 mai 1991 ni l'article 34 de la loi du 27 décembre 1996 n'ont été adoptés pour la mise en oeuvre du droit communautaire ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime est ainsi inopérant ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la clinique requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a jugé qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ne pouvait être relevée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à LA CLINIQUE DU PLATEAU la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la clinique requérante ne sauraient, dès lors, être accueillies ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de LA CLINIQUE DU PLATEAU ne peut qu'être rejetée ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de LA CLINIQUE DU PLATEAU est rejetée.
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N° 03PA00316