Vu enregistrée le 6 février 2004 au greffe de la cour, la requête présentée pour M. Jou Xing X, demeurant ..., par Me Zelphati ; M. Jou Xin X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9713491/1 en date du 9 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1989, 1990 et 1991, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. Jou Xin X soutient que les nombreuses erreurs figurant dans la notification de redressements du 3 septembre 1993 rendaient ce document incompréhensible pour le contribuable ; que la notification de redressements ne fait pas apparaître clairement la procédure suivie par le service et ne précise pas que la procédure prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales est une procédure de taxation d'office pour défaut de réponse à une demande de justifications ; qu'il n'a pas été informé de la prorogation du délai de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, alors que cette information est nécessaire tant sur le fondement de la loi que sur celui de la documentation administrative référencée 13 L 1314 n° 45 du 15 août 1994 ; que la durée de l'examen a excédé le délai légal dès lors d'une part que le délai nécessaire à l'obtention des relevés bancaires n'a été que de quarante et un jours, au lieu des quarante trois jours retenus par l'administration et que le délai supplémentaire résultant de l'envoi d'une mise en demeure de compléter les réponses aux demandes de justification doit se calculer de la réception de cette mise en demeure à la réponse du contribuable, soit 23 jours, et non pas de la réception de la mise en demeure à l'expiration du délai de trente jours imparti au contribuable ; que la somme de 1 155 025 F taxée d'office au titre de l'année 1989 provient d'un cousin et doit être par suite présumée constituer un prêt familial ; que la somme de 2 546 131 F taxée d'office au titre de l'année 1990 provient de versements de membres de sa famille ou d'amis, destinés à l'acquisition d'un fonds de commerce et à l'achat de marchandises, et doit par suite être présumée constituer également un prêt familial ; que l'administration ne pouvait utiliser des balances des espèces qui relevaient d'une évaluation arbitraire de son train de vie et ne concernait que la seule évaluation de ce train de vie ; que l'administration ne pouvait refuser de prendre en compte les dépenses effectuées par carte bancaire ; qu'en l'absence de balance de trésorerie, l'administration n'a pas tenu compte des chèques de faible montant qui auraient pu assurer une partie des dépenses de train de vie ; que l'administration a rejeté ses arguments sur les balances de trésorerie sans motivation véritable ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2004 présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (direction générale des impôts) ; le ministre de l'économie des finances et de l'industrie demande que la requête de M. Jou Xin X soit rejetée ;
u les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2007 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de l'ensemble de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1989, 1990 et 1991, M. et Mme Jou Xing X, respectivement salarié et gérante de société, ont été taxés d'office sur des revenus d'origine indéterminé au titre de ces trois années en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales et imposés sur des plus values de cession de valeurs mobilières au titre des années 1989 et 1990 ; que M. Jou Xin X relève appel du jugement du 9 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles M. et Mme Jou Xin X ont été en conséquence assujettis ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la durée de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : «…Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l'article L. 16 A. Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut normalement s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification prévu par les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; que, cependant, lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de produire ses relevés de compte dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration, ce délai peut être prorogé des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte ; que le point de départ des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte court alors dès le 61ème jour suivant la demande faite au contribuable par l'administration, sauf lorsque le contribuable a produit avant cette date les coordonnées exactes de l'intégralité de ses comptes, auquel cas le point de départ des délais ne court qu'à compter de la date à laquelle l'administration demande aux établissements teneurs de ces comptes que ces relevés lui soient remis ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les contribuables ont reçu l'avis d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle et la demande de l'administration de production des relevés de comptes bancaires le 25 juin 1992 ; qu'ils n'ont ni produit ces relevés ni communiqué au service les coordonnées exactes de l'intégralité de leurs comptes ; que le délai nécessaire à l'administration pour obtenir ces relevés a par suite couru du 25 août 1992 à la date du 3 novembre 1992 à laquelle elle les a reçus des banques à qui elle avait dû les demander, soit 70 jours ; que la durée légale de l'examen a ainsi été prorogé jusqu'au 4 septembre 1993 alors qu'il s'est achevé le 3 septembre 1993, date de la notification de redressements ; que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales n'auraient pas été respectées doit dès lors en tout état de cause être écarté ;
Considérant, d'autre part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration d'informer le contribuable de la prorogation de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle ; que les dispositions de la documentation administrative qui prescrivent une telle information ne sont pas opposables à l'administration en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elles portent sur la procédure d'imposition ;
En ce qui concerne la régularité des demandes de justifications :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a recueilli des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration, et qu'en cas de défaut de réponse, le contribuable est taxé d'office à l'impôt sur le revenu ; qu'en application de cette procédure, l'administration a demandé à M. et Mme Jou Xin X des justifications sur l'origine de l'excédent des emplois d'espèces sur les ressources de même nature, au titre des années 1990 et 1991 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que ces excédents, s'élevant respectivement à 82 000 F et 69 000 F, résultaient exclusivement d'une évaluation forfaitaire des dépenses de train de vie exposées en espèces par M. et Mme Jou Xin X, l'administration ne tenant pas compte, en outre, des dépenses de faible montant réglées par chèque ou par carte bancaire ; que les balances ainsi établies ne permettaient pas à l'administration de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; qu'il y a lieu dès lors de réduire la base d'imposition des années 1990 et 1991 des montants susvisés ;
En ce qui concerne la régularité de la notification de redressements du 3 septembre 1993 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicable à la procédure de redressement contradictoire suivie pour l'imposition des plus values de cessions de valeurs mobilières : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation « ; qu'aux termes de l'article L. 76 du même livre, applicable à la procédure de taxation d'office suivie pour l'imposition des revenus d'origine indéterminée : « Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable… au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination « ;
Considérant, d'une part, que ces dispositions n'obligent pas l'administration à mentionner sur la notification de redressements la durée de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle et les motifs de prorogation prévus par l'article L. 12 précité ; qu'il suit de là que les erreurs de plume figurant dans la partie de la notification de redressements du 3 septembre 1993, portant sur les années 1990 et 1991, consacrée à cette question sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de cette notification ;
Considérant, d'autre part, que si les passages de la notification de redressements consacrés à la procédure de redressement pouvaient introduire une confusion quant aux procédures effectivement suivies, il ne peut en résulter en l'espèce aucune irrégularité, les contribuables n'ayant été privés d'aucune des garanties de procédure dont ils pouvaient bénéficier dès lors que l'administration a répondu aux observations qu'ils avaient formulées sur les redressements proposés et que la commission départementale des impôts a été saisie ; que, par ailleurs, la seule circonstance que la notification de redressements a fait référence à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales sans préciser que cet article concernait la procédure de taxation d'office pour défaut de réponse à une demande de justification ne saurait, en tout état de cause, pour le même motif, constituer un vice de procédure ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que M. Jou Xin X, régulièrement taxé d'office à raison de revenus d'origine indéterminée en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales supporte sur ce point la charge de la preuve en vertu des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre ; qu'il appartient toutefois à l'administration, lorsque les sommes ont été reçues par le contribuable d'un de ces parents avec lequel il n'est pas en relations d'affaires, de justifier que ces sommes ont le caractère de revenus ;
Considérant, d'une part, que M. et Mme Jou Xin X ont été taxés d'office au titre de l'année 1989 sur un virement de 1 155 025 F provenant de M. Chung Yau X porté au crédit de leur compte bancaire ouvert dans les écritures du Crédit Lyonnais ; que le requérant produisant un certificat du service consulaire de l'ambassade de la République populaire de Chine en France d'où il ressort que Chung Yau X est le cousin de M. Jou Xin X, le crédit litigieux doit être présumé constituer un prêt familial ; que l'administration ne soutenant pas que les intéressés auraient été en relation d'affaires n'apporte ainsi pas la preuve que la somme de 1 155 025 F avait la nature d'un revenu, nonobstant la circonstance, invoquée par le défendeur, qu'au cours de la procédure d'imposition il aurait produit des documents contradictoires sur les modalités de remboursement de ce prêt ;
Considérant, d'autre part, que l'administration a taxé d'office un crédit de 1 577 942,45 F apparaissant sur le même compte le 7 février 1990 et un crédit de 968 188,69 F apparaissant sur ce compte le 27 mars 1990, provenant l'un et l'autre de ventes de dollars américains ; qu'il ressort des pièces versées au dossier par le requérant que les dollars vendus le 7 février 1990 ont été versés au contribuable le 26 janvier 1990 par M. Chung Yau X, qui, comme il a été dit ci-dessus, est le cousin de M. Jou Xin X ; que les dollars vendus le 27 mars 1990 ont été versés au contribuable le 26 mars 1990 par M. Mong Fang Y ; qu'il ressort du certificat du service consulaire de la République populaire de Chine en France également produit par le requérant que M. Mong Fang Y est l'oncle de M. Jou Xin X ; que les crédits en cause doivent par suite être présumés provenir de prêts familiaux ; que l'administration ne soutenant pas que les intéressés auraient été en relation d'affaires, elle n'apporte pas la preuve que les sommes de 1 577 942,45 F et 968 188,69 F auraient la nature d'un revenu, sans que l'administration puisse faire valoir qu'il n'est pas démontré que les parties versantes étaient en mesure d'effectuer de tels prêts eu égard à leur patrimoine et à leurs revenus personnels ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Jou Xin X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de prononcer la décharge du complément d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1991 et de réduire respectivement de 1 155 025 F et de 2 546 131 F la base d'imposition à l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre des années 1989 et 1990 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. Jou Xin X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E
Article 1er : M. et Mme Jou Xin X sont déchargés du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1991.
Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme Jou Xin X au titre des années et 1989 et 1990 sont réduites des sommes respectives de 1 155 025 F et 2 628 931 F.
Article 3 : M. et Mme Jou Xin X sont déchargés des droits et pénalités correspondant aux réductions de bases d'impositions définies à l'article 2.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat paiera à M. Jou Xin X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Jou Xin X est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jou Xin X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Copie en sera adressée à la direction des services fiscaux de Paris-Centre.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2007, à laquelle siégeaient :
M. Farago, président,
M. Bossuroy, premier conseiller,
Mme Appeche-Otani, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2007.
Le rapporteur, Le président,
F. BOSSUROY B. FARAGO
Le Greffier,
M. TERON
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°04PA00478