Vu la requête en date du 2 septembre 2003, présentée pour M. X, demeurant ..., la SCI DU 32 RUE DU TAN dont le siège social est ..., la SARL L'ETOILE D'AGADIR dont le siège social est ... par la SCP Rabier-Leveillard ; ils demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 003981-020996 en date du 9 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Melun a condamné solidairement la commune de Meaux, la société anonyme Ferracin frères et la société d'architectes Bouchet et Neyraud à payer à la SCI DU 32 RUE DU TAN la somme de 98 911,58 euros et à M. X la somme de 10 248,22 euros en réparation des conséquences dommageables affectant le bâtiment C de l'ensemble immobilier sis 32 rue du Tan du fait de l'exécution de travaux publics ;
2°) de condamner solidairement la commune de Meaux, la société anonyme Ferracin frères et la société d'architectes Bouchet et Neyraud à payer à la SCI DU 32 RUE DU TAN la somme de 141 302, 25 euros, réactualisée selon l'indice du coût de la construction, en réparation des désordres affectant le bâtiment C, à la SARL « L'ETOILE D'AGADIR » la somme de 145 734,70 euros en réparation du préjudice commercial, des pertes d'exploitation et de clientèle subis et à M. X la somme de 11 078,82 euros en réparation de son préjudice locatif, ces sommes portant intérêts à compter du 5 mai 2001; et subsidiairement de désigner un expert aux fins d'évaluer les préjudices commerciaux subis par la SARL « L'ETOILE D'AGADIR » ;
3°) de condamner solidairement la commune de Meaux, la société anonyme Ferracin frères et la société d'architectes Bouchet et Neyraud à leur payer la somme de 10 374,79 euros en remboursement des frais d'expertise ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Meaux, la société anonyme Ferracin frères et la société d'architectes Bouchet et Neyraud le versement d'une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2007 :
- le rapport de M. Pommier, rapporteur,
- les observations de Me Roquefevil, pour la commune de Meaux et celles de Me Delair, pour la société Bouchet et Neyraud,
- et les conclusions de M. Bachini, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le maître d'oeuvre, ainsi que le cas échéant, les entrepreneurs et le maître de l'ouvrage, sont responsables vis-à-vis des tiers, même en l'absence de faute, des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public ; que, dès lors, la société d'architectes Bouchet et Neyraud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la fin de non recevoir tirée de ce que seule la responsabilité pour faute des architectes pouvait être recherchée ;
Considérant qu'en retenant que les désordres trouvaient leur origine dans la suppression d'un étançon qui aurait dû, selon les préconisations des contrôleurs techniques, être remis en place à la fin de chaque journée de travail, les premiers juges, qui se sont fondés notamment sur les conclusions du rapport remis par l'expert judiciaire, ont suffisamment motivé leur décision ; que dés lors l'entreprise Ferracin Frères n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'un défaut de motivation ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Meaux à l'appel incident formé par la société d'architectes Bouchet et Neyraud :
Considérant que dans son appel incident la société d'architectes fait valoir que l'intervention de la réception définitive des travaux a pour effet de l'exonérer totalement de sa responsabilité dans la survenance des désordres et que seule la responsabilité du maître de l'ouvrage est susceptible d'être engagée vis-à-vis des victimes ; que cet appel incident, par lequel la société d'architectes tend à être déchargée de la condamnation solidaire prononcée contre elle, ne soulève pas un litige différent de celui qui fait l'objet de la requête principale et qui est relatif au montant du préjudice ; que par suite il est recevable ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la commune de Meaux a fait procéder au cours des années 1999 et 2000 à des travaux de construction d'un centre commercial et d'un parc de stationnement sur un terrain dénommé « Passage du grand cerf » ; que le 18 janvier 2000, le mur pignon sud du bâtiment C de l'ensemble immobilier sis 32, rue du Tan, jouxtant la zone des travaux, s'est effondré : qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges que la suppression, lors de la construction du voile volumétrique, d'un des deux étançons soutenant ce mur, alors que les contrôleurs techniques avaient initialement préconisé de les remettre en place à la fin de chaque journée de travail a constitué la cause déterminante de cet effondrement ; qu'ainsi, et alors même qu'il est survenu trois mois après le sciage de l'étançon, le dommage doit être regardé comme la conséquence directe de l'exécution des travaux publics exécutés pour le compte de la ville de Meaux, à l'égard desquels la SCI DU 32 RUE DU TAN, propriétaire de l'immeuble, la SARL L'ETOILE D'AGADIR, locataire dans ce bâtiment d'un local à usage commercial et M. X, gérant de ces deux sociétés et disposant d'un logement de fonction dans le bâtiment sinistré, ont la qualité de tiers ; que ceux-ci sont fondés à rechercher la responsabilité solidaire de la commune maître d'ouvrage ainsi que de l'entreprise Ferracin et de la société d'architectes Bouchet et Neyraud, chargées respectivement du lot gros ;oeuvre et d'une mission de maîtrise d'oeuvre ;
Considérant que la société d'architectes Bouchet et Neyraud ne saurait pour se soustraire à l'action en responsabilité dirigée contre elle, exciper de ce qu'en raison de l'intervention de la réception définitive des travaux par la commune de Meaux, seule la responsabilité de cette dernière pourrait être engagée vis-à-vis des victimes des dommages ; qu'en effet, cet acte n'est susceptible d'avoir d'effets juridiques que dans les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage, le maître d'oeuvre et les entrepreneurs ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux d'agencement intérieur réalisés par le propriétaire avant l'exécution des travaux publics aient pu déstabiliser l'immeuble ; qu'en revanche il ressort notamment du constat établi le 3 mai 1999 par M. de Montrichard, architecte, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par ordonnance de référé du président du Tribunal de grande instance de Meaux en date du 3 février 1999, que le mur était en mauvais état et que le pignon était « largement lézardé de toute part » ; que ce mauvais état d'entretien a contribué à la survenance des désordres ; que les défendeurs sont dés lors fondés à soutenir, par la voie du recours incident, que la faute de la victime doit venir en exonération de leur responsabilité ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en laissant à la charge de la SCI DU 32 RUE DU TAN un quart des conséquences dommageables de l'accident ;
Sur l'évaluation des préjudices indemnisables :
En ce qui concerne la réparation :
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que le coût de la réfection de la partie de l'immeuble endommagée s'élève à 141 302,26 euros (926 882,06 F) ; qu'il n'est pas établi que cette somme corresponde à d'autres travaux que ceux qui étaient strictement nécessaires ni que les procédés envisagés pour la remise en état n'aient pas été les moins onéreux possible ;
Considérant que l'immeuble sinistré était donné à bail à la SARL « L'ETOILE D'AGADIR » ; que compte tenu de l'usage qui est fait de ce bien, qui est productif de revenus, l'amélioration de l'état de l'immeuble justifie un abattement de vétusté de 30 % ; que la somme ainsi obtenue est de 98 911,58 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, l'indemnité due à la SCI DU 32 RUE DU TAN doit être fixée au trois quarts de cette somme, soit 74 183, 68 euros ;
Considérant que les conséquences dommageables des désordres doivent être évaluées à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il peut être procédé aux travaux destinés à y remédier ; qu'en l'espèce cette date est, au plus tard, celle où l'expert désigné par le tribunal a déposé son rapport, lequel définissait avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires ; que la SCI DU 32 RUE DU TAN ne justifiant pas être dans l'impossibilité de financer les travaux de reconstruction à la date du dépôt de ce rapport d'expertise n'est pas fondée à demander que le montant de la réparation soit indexé sur l'indice du coût de la construction ;
En ce qui concerne le préjudice commercial :
Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit l'effondrement du mur pignon sud du bâtiment C est survenu le 18 janvier 2000 ; que l'arrêté de péril a été pris non le 21 janvier 1999, comme le mentionne ledit arrêté à la suite d'une erreur matérielle, mais le 21 janvier 2000 ; qu'ainsi et en tout état de cause la SARL « L'ETOILE D'AGADIR » ne saurait sérieusement se prévaloir d'un quelconque préjudice commercial au titre de la période antérieure au 18 janvier 2000 ;
Considérant, d'autre part, que cet arrêté, qui a été levé le 20 juillet 2000 avait pour effet d'interdire à toute personne la totalité de l'immeuble sur cour abritant la cuisine du restaurant « l'étoile d'Agadir » ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que cet arrêté ait entraîné la fermeture du restaurant situé dans le bâtiment A donnant sur rue ; qu'il ressort d'ailleurs d'une lettre du 25 février 2000 adressé par la commune de Meaux au syndic de la copropriété de l'immeuble du 32 rue du Tan que M et Mme X ont pu reprendre très rapidement leur activité commerciale ; qu'il n'est pas établi que le sinistre aurait entraîné une baisse de fréquentation du restaurant ; que, dans ces conditions le SARL « L'ETOILE D'AGADIR » ne démontre pas les préjudices commerciaux dont elle demande réparation ; que, dés lors, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise demandée, ces conclusions doivent être rejetées ;
En ce qui concerne le remboursement des loyers :
Considérant que M. X, dont le logement de fonction situé dans le bâtiment C n'était plus habitable, a dû être relogé et a supporté le paiement d'un loyer à compter du 1er septembre 2000 ; qu'il a fourni les quittances de loyer jusqu'au mois de janvier 2003 ; que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi de ce chef en lui allouant pour la période de septembre 2000 à février 2003 la somme de 10 248,22 euros ; qu'en tout état de cause, si le requérant fait valoir devant la Cour que son préjudice s'est poursuivi au-delà du mois de février 2003 et demande en conséquence que l'indemnité due soit portée à 11 078,82 euros, il n'a produit à l'appui de ses dires aucune pièces justificative ;
Sur les intérêts :
Considérant que le point de départ des intérêts est la date de réception de la première sommation de payer ; qu'en l'espèce, le dépôt du rapport d'expertise, le 5 mai 2001, ne saurait valoir sommation de payer ; que, par suite, la SCI DU 32 RUE DU TAN a droit aux intérêts de la somme de 74 183, 68 euros à compter de la date d'enregistrement de sa demande au tribunal administratif, soit le 16 mars 2002, qui est le premier acte équivalent à une sommation de payer dont il soit justifié ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que le tribunal administratif a mis les frais d'expertise à la charge solidaire de la commune de Meaux, du cabinet d'architectes Bouchet et Neyraud et de la société Ferracin ; que, dés lors, les requérants sont sans intérêt à demander à la cour de mettre ces mêmes frais à la charge des défendeurs ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité allouée à la SCI DU 32 RUE DU TAN doit être ramenée à 74 183, 68 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Meaux, de la société d'architectes Bouchet et Neyraud et de la société anonyme Ferracin Frères, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que réclament les demandeurs au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X, de la SCI DU 32 RUE DU TAN et de la SARL « L'ETOILE D'AGADIR » le versement d'une somme de 700 euros chacune à la commune de Meaux, la société anonyme Ferracin Frères et la société d'architectes Bouchet et Neyraud ;
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 98 911,58 euros que le Tribunal administratif de Melun a, par jugement en date du 9 mai 2003, condamné la commune de Meaux, le cabinet d'architectes Bouchet et Neyraud et la société Ferracin frères à payer à la SCI DU 32 RUE DU TAN est ramenée à 74 183, 68 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 16 mars 2002.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 9 mai 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La requête de M. X, de la SCI DU 32 RUE DU TAN, de la SARL « L'ETOILE D'AGADIR » et le surplus des conclusions des recours incidents de la ville de Meaux, de la société anonyme Ferracin Frères et de la société d'architectes Bouchet et Neyraud sont rejetés.
Article 4 : M. X, la SCI DU 32 RUE DU TAN, la SARL « L'ETOILE D'AGADIR » verseront la somme de 700 euros à la commune de Meaux en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : M. X, la SCI DU 32 RUE DU TAN, la SARL « L'ETOILE D'AGADIR » verseront la somme de 700 euros à la société anonyme Ferracin Frères en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : M. X, la SCI DU 32 RUE DU TAN, la SARL « L'ETOILE D'AGADIR » verseront la somme de 700 euros à la société d'architectes Bouchet et Neyraud en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 03PA03583